La Redoute entame son changement de culture
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Les deux repreneurs de La Redoute, cédée en 2014 par Kering à Nathalie Balla, directrice général de la société et Eric Courteille, secrétaire général de Redcats, se sont donnés jusqu’en 2017 pour redresser l’entreprise nordiste. Le calendrier est serré : aussi l’ancien vépéciste a t’il transformé radicalement ses méthodes dont certaines ont du mal à passer auprès des salariés qui ont débrayés deux fois ce mois-ci dans le Nord, sur le site de production de La Martinoire, à Watrelos. Pour rappel, Kering a vendu La Redoute pour un euro symbolique tout en dépensant 500 millions d’euros (315 millions pour la restructuration de l’entreprise et 180 millions pour les aspects relatifs aux employés).
Le capital de La Redoute detenu à 100 pour 100 par ses salariés et son management
La première étape de transformation de La Redoute (mais aussi de Relais Colis) s’est finalement plutôt bien passée. L’opération d’actionnariat salarié permettant aux employés qui le souhaitent d’acquérir des actions de la holding New R, (détenteur de La Redoute et de Relais Colis) au travers d’un Fonds Commun de Placement d’Entreprise de Reprise (FCPER) a largement été suivi puisque 1574 salariés des deux sociétés ont souscrit à l’ouverture du capital, les demandes de souscription représentant même un montant 5 fois supérieur au capital proposé dans le cadre de cette souscription.
Concrètement, le capital de La Redoute et de Relais Colis sera donc détenu à 100 pour 100 par les salariés et le management : plus précisément 16 pour cent pour les salariés qui ont participé à la souscription, et 84 pour cent pour les dirigeants et les managers du groupe. "C’est le premier FCPE de reprise en France qui permet d'associer les salariés à la reprise d'une entreprise, soulignent les deux dirigeants. C’est un acte fondateur et essentiel pour la réussite du plan de transformation et qui illustre notre conception d’un projet d’entreprise socialement innovant ».
En matière de recrutement, la stratégie se fait offensif. C’est Emilie Martens, responsable développement humain et talent manager, qui s’est attelée à cette tache. Son mandat stipule clairement qu’elle doit recruter celles et ceux qui gommeront l’image ancienne, jugée poussiéreuse, du vépéciste. Il s’agit donc de convaincre les meilleurs sans nier la prise de risque que comporte un tel projet. Pour cela, la super DRH, après avoir identifié les profils correspondants à la nouvelle stratégie du groupe (styliste, designer, webmarketer, commercial, acheteur) n’hésite pas à passer par les réseaux sociaux, pour tout d’abord susciter la curiosité et ensuite argumenter sur les challenges offerts par ce nouveau paradigme déployé par la société.
Les nouvelles méthodes de travail contestées par les employés
Enfin les méthodes de travail. En septembre dernier, les deux dirigeants ont présenté le projet du nouveau site logistique « moderne » et « innovant » à La Martinoire, à 300 mètres du site actuel devenu obsolète, pour un investissement estimé à 50 millions d’euros. 550 personnes y travailleront contre 1 200 actuellement. Le nouveau site doit être mis en service courant de l’année 2016. L’objectif est de rattraper la concurrence en réduisant à 2 h 30 le temps de traitement des colis et à 24 heures le délai de livraison tout en réduisant les coûts de production.
Pour cela, la direction veut réorganiser le temps de travail des salariés et en profiter pour supprimer les temps de pause rémunérés. Une nouvelle organisation horaire que les syndicats jugent inacceptables. « Les salariés estiment que la réorganisation du temps de travail les conduira à être présent au moins 30 minutes de plus chaque jour sur le site à salaire égal » indiquent les délégués FO au journal La Voix du Nord. Ils craignent pour leur vie de famille et redoutent à terme l’externalisation de l’activité logistique ».
Un deuxième débrayage a eu lieu mardi à La Martinoire après une première action la semaine dernière. « C’est un changement de culture, de façon de travailler, imposé par la nouvelle unité industrielle de La Redoute. L’entreprise ne sera plus ce qu’elle a été, concède le responsable du syndicat des cadres. Cela se rapproche des méthodes de travail d’Amazon.» Concrètement, la direction souhaiterait qu’une unité permette enfin à La Redoute de préparer un colis dans des délais courts et de livrer en relais colis le lendemain toutes les commandes passées avant 20 h. Actuellement, « l’équipe du matin travaille de 5 h à 12 h ; celle de l’après-midi de 9 h 30 à 16 h. L’idée, demain, est de les faire travailler de 6 h à 13 h 20 et de 14 h à 21 h 20 ».
Pour couper court à la critique, la direction de La Redoute pose un principe : « Cette organisation horaire pour la direction industrielle est indispensable pour adapter l’organisation du travail au futur outil pour lequel un investissement de 50 millions d’euros a été consenti, au plus près du site historique, pour assurer la pérennité de La Redoute dans son bassin d’emploi. Elle harmonisera et simplifiera la gestion des modèles horaires, permettra de servir les commandes des clients rapidement et tous les jours de la semaine.»