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La prévisionniste de tendances, Lilly Berelovich, annonce la renaissance du retail

Par Jackie Mallon

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Mode

La question sur l'avenir de la mode et du retail au cours du second semestre 2020 est sur toutes les lèvres. L'industrie doit-elle revenir à des stratégies qui ont fait leurs preuves ou se lancer dans un nouveau processus d'innovation ? En quête de réponses, FashionUnited s'est entretenu avec Lilly Berelovich, fondatrice et CEO de Fashion Snoops, qui se décrit comme « la prochaine génération de prévision des tendances ».

Ses plus de 20 ans d'expérience dans l'industrie apportent sans aucun doute un niveau de connaissance et de confiance rassurant, mais son intuition pour les tendances à venir est une compétence sous-estimée selon elle. Elle a fondé Fashion Snoops sur ce qu'elle décrit comme un « mélange de données et d'intuition, une méthodologie guidée par le cœur. C'est ainsi que nous pouvons apporter une réponse très humaine aux demandes de nos clients et à leurs besoins, puis nous établissons des consignes claires sur ce qu'il faut faire avec ces informations ».

Les tendances pour le corps, l'esprit et l'âme

Outre les tendances liées au style et aux couleurs, la plateforme propose un programme de santé et de bien-être, une idée conçue en une matinée pendant que Berelovich était elle-même en train de méditer. « Comment une personne qui mène une vie créative peut-elle ne pas s'occuper d'elle-même et s'attendre à être toujours créative ? », s'est-elle interrogée, question qui a conduit à la création du programme Thrive. « D'abord vous vous occupez de vous, de votre corps, de votre âme, et ensuite nous vous fournissons ces sources d'inspiration que vous pouvez exploiter différemment ». Une ressource complémentaire pour une industrie créative qui, selon elle, était devenue incapable de suivre la course à l'information et aux tendances, Berelovich la décrit comme « pas si ciblée que ça, mais comme un moyen de construire des éléments esthétiques, des couleurs et des matériaux dans l'optique de faire l'expérience de la beauté autour de soi ».

Le contact humain ayant été pratiquement inexistant pendant la période de distanciation sociale due à la Covid-19, la technologie numérique est intervenue pour nous aider à nous en sortir. Mais au début du confinement, Berelovich a été choquée de voir combien d'entreprises venaient à peine de se rendre compte que les progrès technologiques pouvaient faire avancer leurs affaires. Aujourd'hui, alors que nous nous préparons à rouvrir, après avoir assisté à l'émergence des premiers défilés de mode diffusés uniquement en ligne, qui éliminent le gaspillage et permettent de construire une communauté numérique, les possibilités sont infinies. « La pandémie a forcé beaucoup d'entreprises à s'appuyer sur ces outils et à se demander pourquoi elles ne l'ont pas fait plus tôt, ou pourquoi elles pensaient que l'autre solution était meilleure ».

La poursuite de l'intégration du numérique dans les opérations quotidiennes permettra d'obtenir les meilleurs résultats. « Ce n'est pas si systématique, nous ne sommes plus aussi programmés », dit Berelovich. « Avant, c'était ce mois-ci, nous allions tous ici, puis nous allons là, nous étions devenus ces robots qui marchent tous sur le même sentier, ce qui n'est pas si créatif quand on y pense ».

L'environnement post-apocalyptique du retail

Avec autant de marques qui se sont engagées dans la voie du chapitre 11 (Procédure de sauvegarde, NDLR) à tous les échelons du marché, de Neiman Marcus et Barneys à Brooks Bros et J. Crew en passant par JC Penney et Forever 21, on pourrait croire que le retail est en perte de vitesse. Mais Berelovich est pragmatique : « J'espère que vous ne me trouverez pas trop dure, mais pour beaucoup de marques, quelque chose n'allait déjà pas, que ce soit au niveau de la stratégie ou du positionnement, elles rataient la cible ou ne représentaient plus ce qu'elles avaient l'habitude de promouvoir ».

Pour ces détaillants déjà compromis, la Covid-19 a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase, mais ces changements pourraient entraîner une forme d'immunité collective qui rendrait le marché plus sain. « Nous avions tellement de choix que certains de ces éléments ont dû être enlevés pour que nous puissions découvrir ce qui est vraiment nécessaire », dit-elle. Les marques n'avaient pas réussi à faire une remise en question personnelle et à se poser des questions importantes. « Ce n'est pas parce que vous vous positionnez sur une rue fréquentée que les gens vont toujours venir acheter vos produits », dit Berelovich. « Les consommateurs ont tellement de choix, ils nous disent ce dont ils ont besoin, ils nous le disent clairement et nous n'avons pas vraiment écouté. Comment bien les servir, c'est la première étape, la vente des articles c’est secondaire ».

La diversité

Le mouvement « Black Lives Matter » va encore affaiblir le retail pour les marques qui ne répondent pas aux exigences de ce moment historique. D'autres seront renversés par la révélation de pratiques racistes de la part de défenseurs de la cause et d'anciens employés. Berelovich lance un avertissement particulier aux marques qui ont profité des achats de la communauté noire mais qui ont fermé les yeux sur ses besoins réels. « Je pense que c'est une énorme révélation concernant tout le système, la façon dont certains ont choisi de détourner le regard et de faire du profit », dit-elle. « La véritable diversité et l'inclusion commencent à la table des décisions. Les consommateurs rechercheront des marques qui relèvent ce défi de manière authentique, qui abordent réellement ce moment de changement de l'intérieur. Je ne pense pas que nous puissions régler la question de la diversité et de l’inclusion sans quelques coups de pied au derrière, excusez mon langage, mais il faut un réveil brutal ».

L'industrie de la beauté est en avance dans les domaines du digital et de la diversité, observe-t-elle. « Il y a de la nouveauté et des façons de voir les choses qui sont légèrement plus modernes que dans l'industrie de la mode ». Elle préfère le terme « Conscient » pour qualifier à la fois la diversité et la durabilité : « Il s'agit d'être attentif à ses choix et de voir l'ensemble de l'écosystème et ses impacts. En tant que créateur, si vous êtes conscient, à l'écoute de vous-même, responsable, clair et éduqué sur les conséquences de vos choix, c'est le plus important ».

Selon Berelovich, les clients désirent ardemment être protégés, se sentir à l'aise, se sentir à nouveau heureux et excités, et avoir une connexion. La reprise après une pandémie n'est pas une excuse pour recommencer à polluer la terre. Une récession n'est pas une excuse pour croire que les clients ne seront pas prêts à payer pour une solution durable. « Nous ne pouvons pas laisser les consommateurs se débrouiller seuls », rappelle-t-elle. « En tant que créateur conscient, il faut se demander ce qu’on va apporter à la planète ».

La créativité

Selon Berelovich, « les créatifs ont besoin de reprendre leur pouvoir. Il faut leur faire confiance et il faut honorer à nouveau leur créativité, leur imagination et leur intuition ». En tant que designer depuis plus de 20 ans, elle se souvient de l'époque où la vision du designer comptait et de la façon dont celle-ci se répercutait jusqu'à la vente, alors qu'aujourd'hui les designers sont devenus des robots, obligés de mélanger tellement de données dans le processus de conception qu'ils ont perdu leur intuition ou que la peur les envahit dès qu'ils y ont accès. « Plus on entend dire que quelque chose ne peut pas se faire, moins on le fait, et l'âme créative meurt. Cette situation a été douloureuse à observer », dit Berelovich, ajoutant que l'aspect fragile et émotionnel des designers est quelque chose qu'il faut chérir et non pas tuer.

« Dans notre équipe, nous sommes tellement illuminés par les idées, et la recherche est si puissante, mais quand nous la présentons au monde, même si nous y croyons pleinement, il y a tellement d'obstacles que le chemin de la créativité peut se transformer en une minuscule ouverture sur ce qui passe » .

En ces temps de grande incertitude et de peur, son espoir est que les entreprises s'appuient sur leurs leaders créatifs pour vraiment remettre les choses en question. « C'est là que se trouvent les réponses. Les données sont puissantes, nous les utilisons beaucoup, mais les réponses se trouvent dans l'imagination, les hypothèses, l'exploration et l'expérimentation ».

Cependant, au moment où nous sortons du combat contre la Covid-19, il y aura inévitablement des marques qui regarderont autour d'elles, paniquées, leurs frères tombés, qui donneront la priorité aux chiffres de vente du passé et qui modifieront des stratégies autrefois efficaces pour retrouver un sentiment familier de normalité. Berelovich les exhorte à faire de la place pour les erreurs et la prise de risques, et donne l'exemple d'une entreprise qui a invité des auteurs de science-fiction à des réunions de design pour lancer des idées.

« La voie de l'innovation est si petite, si segmentée, si brisée, qu'il n'y a pas le temps de considérer les grandes idées », dit-elle. Certes, si la pandémie nous a offert quelque chose, c'est bien le temps, l'occasion de ralentir et de vraiment considérer les choses plutôt que de se précipiter pour tirer des conclusions. Ce comportement ne doit pas être soudainement abandonné. « Nous avons commencé à nous rendre compte que la certitude n'est pas réelle. Nous avons cru aux chiffres qui semblaient corrects sur le papier, mais boum, tout nous a explosé au visage. Si rien n'est certain, disons que tout est possible. Les entreprises doivent élargir cette perspective pour être un peu plus curieuses et ouvertes à l'exploration, c'est là que réside une grande partie de la magie ».

A partir des mots Rétablir et Redémarrer, qui ont dominé les médias de mode au début du confinement, nous sommes passés à une nouvelle phase, la Renaissance. Mais Berelovich nous propose la réflexion suivante : « Nous devons laisser les choses mourir pour avoir une vraie renaissance, s'autoriser à laisser les choses s'effondrer ».

Alors que nos attentes sont remises en question, laisser les choses mourir devient une directive tout à fait appropriée pour le second semestre de 2020. Ce n'est pas seulement une réouverture mais, espérons-le, l'aube d'une nouvelle ère de Conscience.

La rédactrice de mode Jackie Mallon est également formatrice et auteur de Silk for the Feed Dogs, un roman sur l'industrie internationale de la mode.

Texte traduit et édité en français par Sharon Camara.

Crédit : Fashion Snoops

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