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La polémique autour du "hijab" de sport, reflet des crispations françaises sur la laïcité

Par AFP

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La polémique en France autour du "hijab" de sport, que le groupe Decathlon a renoncé à commercialiser après une levée de boucliers d'élus de tous bords politiques, rappelle deux ans après l'affaire du "burkini" les crispations autour de la question sensible de la laïcité.

Les flèches ont été décochées en quelques heures, de part et d'autre de l'échiquier politique.

Le "boycott" a été réclamé à la fois par Valérie Rabault, la présidente du groupe PS à l'Assemblée nationale, et Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France.

Aurore Bergé, porte-parole de La République en marche, a fait aussi son choix et ne fera "plus confiance à une marque qui rompt avec nos valeurs", rejointe par Lydia Guirous, porte-parole des Républicains, accusant l'enseigne d'"accompagner la soumission des femmes".

La polémique a, comme à chaque fois, enflammé les réseaux sociaux tandis que l'enseigne a indiqué sur Twitter avoir été inondé d'appels et de mails d'insultes et de menaces, visant aussi les salariés dans les magasins, "parfois physiquement".

"Une hystérisation" du débat déplorée mercredi par la ministre de la Justice Nicole Belloubet, qui a rappelé que ce hijab, "qui laisse le visage libre et visible" selon la marque, n'était pas contraire à la loi sur la laïcité et l'ordre public.

A titre personnel, la garde des Sceaux a néanmoins estimé que "le sport c'est des valeurs d'universalisme" et qu'elle ne voyait pas "pourquoi les femmes se contraindraient elles-mêmes à porter ce type de vêtements".

Une position conforme à celle adoptée mardi par la ministre de la Santé Agnès Buzyn: "c'est une vision de la femme que je ne partage pas. J'aurais préféré qu'une marque française ne promeuve pas le voile".

Dans une tribune au Huffington Post, la secrétaire d'État à l'Egalité femmes-hommes Marlène Schiappa, opposée à l'interdiction du hijab, juge "nécessaire de questionner ce choix philosophiquement". "Quel message la France adresse-t-elle aux femmes courageuses qui, dans plusieurs pays du monde retire leur voile au péril de leur vie?", interroge-t-elle.

Interrogé à l'issue du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux est resté sibyllin, se rangeant "du côté de la liberté de conscience et de la liberté tout court".

Seule la ministre des Sports Roxana Maracineanu a pris clairement position pour la vente de ce type de vêtements: "Je veux aller chercher les femmes, les mères, les jeunes filles partout où elles sont et comme elles sont, les encourager à la pratique du sport car c'est, j'en suis convaincue, un levier puissant d'émancipation", a-t-elle tweeté.

"Idéologisation du foulard"

L'irruption de la mode islamique dans l'espace public soulève régulièrement des tollés en France, suscitant souvent l'incompréhension à l'étranger. "Une nouvelle fois, la France fait tout un drame des choix vestimentaires des femmes musulmans", a écrit mardi ainsi le Washington Post.

En 2016, la commercialisation de voiles islamiques par des marques de luxe occidentales ou, plus encore, les arrêtés municipaux antiburkini sur les plages - finalement invalidés par le Conseil d'État - avaient alimenté de vifs débats.

Cette nouvelle polémique, "c'est de la folie", s'insurge le sociologue Raphaël Liogier. "Quel est le point commun entre l'idée d'être plus élégante, de se baigner ou de faire du sport en public? Dans les trois cas, c'est interdit par l'islam", rappelle l'auteur de "La guerre des civilisations n'aura pas lieu".

"Ces femmes qui portent ces vêtements sont pour la modernisation de l'islam. Donc en demandant de retirer le hijab, on soutient les fondamentalistes", ajoute-t-il.

"Plus on accule les femmes qui portent le foulard à l'ôter ou plus on les culpabilise, plus les fondamentalistes trouveront une légitimité et diront +voyez, la France est contre l'islam, donc tenez à votre foi+", abonde Farhad Khosrokhavar, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (Ehess).

Selon le chercheur, "l'idéologisation du foulard en France est de plus en plus éloignée du monde réel". "Un peu partout maintenant, il y a des femmes qui portent le foulard et qui participent à l'espace public, à la politique, à la mode... On est là dans une forme archaïque de laïcité".(AFP)

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