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Hublot et Marc Ferrero : l'art de la rencontre inattendue

Par Herve Dewintre

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Marc Ferrero n’est pas un artiste maudit. Il n’a rien de ténébreux, d’ostensiblement impénétrable, de prétentieusement inintelligible. Il travaille 12 heures par jour dans son atelier à Eze, l’un des plus jolis villages de la Cote d’Azur. L’atelier ressemble à l’artiste: il règne ici une délicieuse conjugaison de simplicité, d’allégresse et de flamboyance. Il est couleur et lumière. De la maison qui communique avec l’atelier, une terrasse permet de jeter un large regard vers l’horizon. Cette vaste perspective qui embrasse tout, c’est précisément ce qui caractérise le travail du peintre. Peintre ? le mot semble restrictif. Réalisateur ? Oui ça sonne mieux. Quand on se fait une toile avec Marc Ferrero, c’est-à-dire quand Marc Ferrero peint devant vous, on pense infailliblement à la science du cinéma. Ici l’artiste fait jaillir les émotions, les souvenirs, les visions au bout de son pinceau, son fusain, son chiffon. Les styles, les techniques, les mouvements picturaux, les époques se superposent sur la même toile pour composer un récit d’ensemble – un « storytelling » - qui explore les effets du temps en promenant une conscience particulière sur les êtres. On sent bien que le doigt de l’artiste est à la fois guidé par le cerveau, mais aussi par le cœur et l’estomac. Comme pour mieux écrire le désir d’inconscient, par le biais de la mémoire involontaire, à mi-chemin entre l’ivresse, l’hypnose et le rêve. Après tout, ne dit-on pas que retrouver l’unité perdue, le moi profond sous les couches successives dont les a recouvert l’habitude est le travail premier de l’artiste?

Les personnages qui peuplent les toiles de Marc Ferrero ont la particularité d’être récurrents et différents, comme s’ils appartenaient à différents moments d’un même travail d’écriture, comme s’ils voulaient nous faire appréhender, à la manière de Proust, Lynch ou Freud, la sensation du temps écoulé sans se soucier d’une chronologie factice. Ils s’appuient tous sur les gisements profonds du sol mental de l’artiste, sur ses souvenirs de globe-trotter juvénile, car Marc Ferrero, joyeux autodidacte a sillonné le globe durant ses tendres années avant de se poser sur les hauteurs de Provence dont il aime la lumière et les senteurs.

Où est-elle cette créature aux lèvres pulpeuses dont la silhouette conquérante et la fière allure se découpent avec panache sur la plupart des tableaux, qui est cette femme aux lunettes noires évoluant avec aisance aux cotés de traders énergiques, de jazzmen volubiles, de banquiers voraces ? On connait juste son nom : Lisa L’Aventura. Il parait qu’elle est Franco Américaine et qu’elle s’éclate au sein de sa bande d’amis, sa « Comitive » comme on dit en Italien. On soupçonne qu’elle doit beaucoup de sa beauté à l’épouse du peintre. « J’ai proposé à ma femme de m’épouser une demie-heure après l’avoir rencontrée » admet l’artiste. Pour la postérité, Lisa L’Aventura sera une allégorie : celle de la femme du XXIème siècle, forcément multiple, forcement héroïne. Elle est, comme toute œuvre d’art qui se respecte, le produit conjugué des forces de la mémoire et de l’imagination. Parce que précisément les toiles de Marc Ferrero raconte une histoire sans le biais de la chronologie, ils permettent aux spectateurs d’être à la fois acteur et réalisateur, de voir en eux-mêmes des choses qu’ils n’auraient peut-être pas vues sans le tableau qui devient pour l’occasion un instrument d’optique, une lunette intérieure.

C’est précisément le visage de cette héroïne immortalisée dans la célèbre série de tableaux baptisée Lipstick, qui développe ses courbes sensuelles sur le cadran des deux nouvelles montres féminines présentées par Hublot en présence de l’artiste à Monaco le dernier jour de février. On ne présente pas Hublot. La maison est jeune (elle a été fondée en 1980) et cette jeunesse constitue précisément sa force. Il faut se rappeler l’explosion de surprise et d’envie qui se propagea en 2005 lors de la première présentation à la foire de Bâle du premier modèle Big Bang. L'aspect sportif et élégant, le bracelet en caoutchouc, les vis, la superposition inédite de matériaux firent de cette montre le symbole d’une génération. Ce fut aussi l’affirmation définitive d’un concept (maintes fois primé) dont la pertinence continue d’étonner aujourd’hui : l’Art de la fusion.

« Une approche marketing rationnelle, mais pas clinique »

Cet art de la fusion peut se résumer ainsi : l’association d’objets et de matériaux qui n’apparaissent jamais ensemble dans les conditions normales de l’existence. Cela peut être par exemple du caoutchouc et de l’or : le premier est récolté sur un arbre tandis que le second provient des entrailles de la Terre. L’association de ces éléments provoque un contraste saisissant qui donne l’impression de marier le passé et l’avenir. C’est clair, net, puissant. Cette aptitude à conjuguer, à fusionner deux éléments inattendus, ce « pas de côté » comme on dit dans le milieu de la danse s’exprime aussi dans l’art de la rencontre. Hublot ne cesse en effet, avec une vigueur saisissante, d’initier des collaborations qui font sens. Des rencontres initiées sur le signe du plaisir véritable. Un plaisir qui tempère agréablement les ressorts inévitables et nécessaires du marketing. « Nous avons une approche rationnelle, mais pas clinique, confirme Philippe Tardivel, directeur marketing de Hublot. On veut que les gens soient à l’aise avec la modernité. C’est notre définition du luxe contemporain. Notre art horloger est tourné vers l’avenir. »

28 février, le climat est merveilleusement doux ce soir. Sur la haute vitrine de la boutique monégasque de Hublot, se détachent les couleurs flamboyantes de l’œuvre iconique de Marc Ferrero autour du slogan : Hublot love Art. Les clients sont venus en nombre découvrir les deux nouveaux garde-temps nés de la collaboration entre l’artiste ézasque et la marque suisse. Les deux modèles dévoilés passent avec une vitesse prodigieuse de poignets en poignets (il faut choisir entre le modèle bleu constellé de topazes et le modèle incarnat, serti de spinelle rouge) sous les regards concupiscent des femmes mais aussi des hommes : il est vrai que les deux modèles s’avèrent totalement mixtes. Le coffret, livré avec le garde-temps et ses deux bracelets (l’un en cuir, l’autre en alligator et caoutchouc), créé lui aussi l’enthousiasme : « une œuvre d’art » répètent plusieurs clients. « Tu me réserves le numéro 3 » demande l’un d’eux au directeur de la boutique (en effet, les deux modèles, numérotés, sont en édition limité à 50 exemplaires chacun. Marc Ferrero, au milieu de cette foule admirative, a des yeux d’enfants « Mes tableaux ne sont pas dans les musées, confie-t-il. Non seulement ça ne me dérange pas, mais ça me fait plaisir : ça me rend fier de savoir qu’on achète mes œuvres pour les avoir chez eux ». Marc Ferrero n’est pas un artiste maudit, c’est un artiste heureux.

Crédit photo : Hublot, dr

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