Hong Kong se met à la lutte contre la mode jetable
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Hong Kong est réputé être un temple de la consommation mais un mouvement balbutiant contre la mode jetable fait tâche d'huile, avec des ateliers de raccommodage de vêtements, des boutiques de troc éphémères et des défilés couture de textiles recyclés.
Pour le couturier Jesse Lee, qui a montré récemment ses créations lors d'un show consacré à la mode durable, tout peut être porté, même les parapluies cassés.
Le créateur s'est rendu compte qu'on pouvait se servir d'objets de tous les jours quand sa famille a jeté un vieux canapé. Il a transformé le cuir en veste et depuis, confectionne des vêtements à partir de rideaux et de draps usés. La toile des vieux parapluies se métamorphose en imperméables. Jesse Lee essaye aussi de fabriquer des vêtements unisexe et ajustables afin qu'ils puissent être partagés aisément. "Si vous n'avez pas envie de le mettre, vous pouvez le donner à quelqu'un d'autre, garçon ou fille peu importe", explique-il à l'AFP.
D'après le cabinet d'études McKinsey, les consommateurs de la planète ont acheté en 2016 60 pour cent de vêtements de plus qu'en 2010 mais ont divisé par moitié la durée de détention des pièces.
A elle toute seule, Hong Kong jette chaque jour 343 tonnes de textiles dans des décharges qui débordent. Dans un rapport de 2016, Greenpeace expliquait que les Hongkongais portaient rarement ou pas du tout un sixième des vêtements qu'ils achètaient.
Au bord du gouffre
Jesse Lee comme d'autres tentent de capitaliser sur la prise de conscience croissante des consommateurs des coûts humains et environnementaux de la "fast fashion" (mode rapide), après des catastrophes comme celle de l'effondrement meurtrier en 2013 d'un bâtiment abritant des ateliers textiles au Bangladesh.
La tragédie avait scandalisé le monde entier et encouragé les consommateurs militants à acheter local plutôt que des vêtements produits par les multinationales de la "fast fashion".
Mais le vent tourne, juge Christina Dean, fondatrice de Redress, l'organisation caritative qui a organisé le récent défilé de mode durable. Les créateurs exposés ont métamorphosé des kimonos vintage, des échantillons de robes de mariées, et même du silicone et du caoutchouc usagés. Mme Dean juge qu'il en va de la survie du secteur de la mode.
"Plein de gens s'en détournent en se disant: + j'ai plus de vêtements que je ne pourrais jamais porter". Choqués par la pollution causée par les grandes marques et le volume jeté, les couturiers hongkongais Kay Wong et Toby Crisp ont créé "la clinique de la mode" pour aider les gens à rapiécer leurs vêtements.
"Jeter trop facilement"
Ils ont installé des ateliers éphémères dans des magasins de vêtements pour offrir des services de rapiéçage et de remodelage ainsi qu'apprendre aux gens à coudre.
"Avec la fast fashion, les gens jettent facilement car les vêtements sont trop bon marché, ils ont l'impression que ça ne coûte rien de balancer leurs vieilles affaires", explique Mme Wong. "Une fois qu'ils ont appris les points de couture, ils peuvent réparer beaucoup de choses, comme les chemises et les chaussettes élimées".
Lors d'un atelier récent, Jack Lam, 31 ans, apprend à coudre des patchs sur ses jeans déchirés sous le regard curieux des clients. "Les patchs sont des embellissements", assure-t-il à l'AFP. Ses jeans, dit-il, lui sont désormais plus précieux car il les a réparés lui-même. Si ces initiatives apportent une petite pierre à l'édifice de la mode durable, certains veulent confronter le problème à échelle bien plus grande.
L'Institut hongkongais de recherches sur les textiles et les accessoires (IHRTA) a mis au point une filature high tech qui permet le "recyclage vers le haut" des tissus L'usine de 1.765 mètres carrés, qui ouvrira en octobre, stérilisera, triera et transformera les textiles usagés en fibres nouvelles, traitant chaque jour trois tonnes de déchets textiles.
Inspiration
Six ouvriers ôteront boutons et fermetures éclair. Puis des machines trieront les tissus par couleur et procèderont au filage. Les tissus à base de fibres mélangées seront réduits à leurs différents éléments. Le fil recyclé sera d'aussi "bonne qualité que les matériaux vierges", et sera vendu 30 pour cent moins cher, explique le PDG d'IHRTA Edwin Keh.
L'ouverture de l'usine survient au moment où la Chine ferme ses portes aux importations de la plupart des déchets solides, y compris textiles. Le territoire revenu en 1997 dans le giron de Pékin est donc sous pression pour traiter ses propres déchets.
"La Chine ne veut pas importer les poubelles des autres mais elle est très contente d'importer du fil et des fibres, alors c'est ce que nous allons faire", ajoute M. Keh.
Il espère inspirer d'autres villes. "Si dans une ville surpeuplée comme Hong Kong on a trouvé cette solution pour traiter nos déchets, toutes les villes du monde devraient en être capables". (AFP)
Photo: Redress Facebook