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À bas le « jeune créateur », vive la « création d’auteur »

Par Herve Dewintre

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Le terme “jeune créateur” est une expression atroce, d’autant plus imprécise et inexacte qu’elle nie l'épouvantable parcours du combattant auquel sont soumis les créatifs indépendants en justifiant cette difficulté par la jeunesse. Or la réalité, pour les grands magasins et les boutiques (qui imposent des conditions intenables), pour la presse (qui les ignorent), pour les institutions (qui leur imposent une foule d’interlocuteurs qui agissent en ordre dispersé et sans politique commune), c’est que le créateur Indépendent, c’est à dire celui qui n’est pas acheté ou employé par ou dans un grand groupe, reste un jeune créateur à vie, qu’il ait 20 ou 60 ans.

Un constat d’autant plus douloureux que les banques, de leur coté, refusent tout financement aux créateurs. Pourtant, si l’on se réfère à l’étude publiée par Forbes à partir de l’étude Mc Kinsey, la mode est la "terre promise de la valeur " pour les investisseurs. Un message que les investisseurs français se refusent pourtant à entendre. Dans son rapport présenté au ministre de l’économie, et au ministre de la culture lors de la tenue du comité stratégique de filière Mode et Luxe du conseil national de l’industrie, Lyne Cohen-Solal préconise les solutions suivantes pour remédier à cette situation.

Créer le label et le vivier « mode d’auteur » avec professionnels

Tout d’abord, s’inspirer voir même reproduire les modèles de financement en vigueur dans le cinéma français, modèles qui ont fait leurs preuves et qui sont excellents. Ce serait l’occasion d’en finir avec ce terme absurde de « jeune créateur » pour créer un label « mode d’auteur » qui se caractériserait par l’indépendance de son créateur, l’univers original de ses collections, l’exigence d’une recherche artistique, des moyens de production réduits. Les contours de ce label pourraient être définis par les fédérations et le Défi. Il s’agirait d’identifier un vivier d’une vingtaine de créateurs pouvant obtenir ce label. « Une fois repérés, ces créateurs pourraient bénéficier d’un soutien et d’un accompagnement spécifique et adapté au niveau de développement de leur marque. Ce soutien fort, visible et professionnel aurait la possibilité de durer de cinq à dix années pour assurer dans le temps la montée en puissance de la marque et franchir avec elle les étapes les plus risquées de son éclosion ».

Créer un guichet unique

Plusieurs dispositifs de financement et d’accompagnement des créateurs existent, que ce soit dans les fédérations, les salons, les institutions publiques et les organismes. privés. Mais les interlocuteurs sont souvent difficiles à identifier. Notamment pour tout ce qui concerne la deuxième phase de développement de l’entreprise, celle qui nécessite le plus d’aide en trésorerie mais aussi en compétences business (gestion financière et comptable, planification logistique, négociation avec les sous-traitants, marketing de l’offre, commerce et distribution, conception et gestion de la marque, management des équipes, gestion des exportations, protection de la propriété intellectuelle). Le rapport préconise de mettre en place un ensemble de « coaching » professionnel et de créer un guichet unique de services à destination d’un « vivier de créateurs de la mode d’auteur» qui serait sélectionné par les Fédérations, les écoles, les prix, les concours.

Réunir et mettre en commun les différentes aides aux créateurs

Pour créer un guichet global de services et de soutiens en faveur des créateurs de la mode d’auteur, Lyne Cohen-Solal pose en condition préalable de recenser puis d’associer et de mettre en commun les différents moyens d’aide aux créateurs déjà existants. On pense à la remarquable opération Designer’s Apartment, mise en place par la Fédération française de la Couture du Prêt-à-Porter des Couturiers et des Créateurs de Mode avec l’appui du Défi, mais aussi aux services d’accueil de la Fédération du Prêt-à-Porter féminin, aux prix distribués par l’Andam, et enfin aux prises de participation de Mode et Finances. Le but louable (mais difficile) clairement affiché : « surmontant leurs différences et leurs discussions antérieures, les présidents des différentes fédérations professionnelles, avec les responsables du Défi, pourraient rapidement mettre en place une instance de préfiguration ».

Des prestations offertes, davantage de capacité d’emprunt, des soutiens pour créer des emplois

Qui seront les responsables de ce guichet unique ? Comment seront sélectionnés les créateurs bénéficiaires de ces accompagnements ? Comment l’offre de ces services sera-t-elle organisée et dispensée aux créateurs ? A cette dernière question, le rapport de Lyne Cohen-Solal avance plusieurs pistes. Première proposition : du coaching et des prestations de haut niveau offertes à cette vingtaine de créateurs sélectionnés. Ces prestations comprendraient la mise en place d’un atelier mutualisé pour le prototypage qui produirait une dizaine de pièces par créateur et par défilé, la proposition de lieux de défilés à coûts réduits, la mise en place de showrooms permanents à Paris lors des Fashion Weeks, un travail d’intermédiation avec les sous-traitants, la recherche immobilière pour des ateliers, une visibilité garantie dans les Grands Magasins français ou étrangers, la mise en valeur dans les salons nationaux et internationaux sous un label commun.

Deuxième proposition, tout aussi capitale : davantage de capacité d’emprunt, de garantie ainsi qu’une prise de participation renforcées auprès de la BPI et de l’IFCIC, grâce à un abondement supplémentaire du Défi et à un abaissement des seuils d’acceptation des dossiers dans ces deux organismes. Face aux banques privées qui craignent d’engager des fonds dans cette discipline qu’elles estiment risquée, les créateurs auraient ainsi l’avantage de se trouver « parrainés » et donc garantis face à leurs prêteurs. Ces aides seraient contrebalancer d’obligations pour les créateurs soutenues : notamment celle de réserver une part de la fabrication auprès des façonniers français, cette part pourrait être de l’ordre de 40 à 60 pour de leur production. A ce propos, afin d’aider les façonniers locaux à répondre aux commandes des créateurs et de trouver les emplois conformes à leurs besoins de production, les exécutifs régionaux pourraient soutenir des plans de formation et offrir des garanties financières face aux emprunts nécessaires à l’augmentation des volumes de production.

photos : Présentations Yiqing Yin et Christine Pung au showroom Designer’s Apartment. Présentation Naco, Photos Herve Dewintre


BPI
DEFI
Designer'sApartment
Fédération Française du Prêt a Porter Féminin
IFCIC
Lyne Cohen-Solal