FIMA: La mode africaine envisage de créer une fédération pour s’exporter plus facilement
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Qui dit FIMA dit panafricanisme. L’heure est à la reconnaissance de ce qui se passe dans l’autre continent, découvrir ses talents et comprendre ses inquiétudes. Décodage.
Pour célébrer ses 20 ans, le Festival International de la Mode en Afrique (FIMA) est devenu le porte-parole de cette doctrine, le panafricanisme, qui tend à développer l’unité et la solidarité africaines. L’évènement a clôturé samedi soir sa 11ème édition, organisée à Dakhla, dans le Sahara Occidental, sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Au programme, conférences sur l’industrie de la mode en Afrique et défilés engageant la participation de 3500 invités internationaux, dont l’acteur américain Gary Dourdan, le mannequin Noémie Lenoir ou encore Magic System et Maalem Hamid El Kasri.
Si le FIMA était placé sous l’égide de son fondateur et président, le créateur nigérien Alphadi, d’autres talents de la mode comme le styliste burkinabè Pathé’O et les marocains Hisham Oumlil, Fadila El Gadi ou encore Karim Tassi ont également proposé un voyage au coeur de Maroc et de l’Afrique chargé de couleurs et d’artisanat local.
Les concours « jeunes créateurs » et « top models » ont permis de consacrer les nouveaux talents de l’Afrique. D’ailleurs, six lauréats ont été désignés à l’issue des compétitions : Youssef Drissi (1er prix, Maroc) élève à Casa Moda Academy, la seule école de mode au Maroc à vocation internationale dirigée par Sylvie Billaudeau, Kevin Yao (2ème prix, Côte d'Ivoire) et Ben Isak (3ème prix, Burkina Faso). Pour le concours “top models”, c’est Fatoumata Conté (Guinée Conakry) qui a remporté la catégorie femme et Akrame Adechokan (Bénin) pour l’homme.
Concernant l’innovation, le Hack&Pitch Haské by FIMA, consacrée à la mode des textiles et de la beauté à travers les applications mobiles a retenu trois applications lauréates : Green Wool met en relation la chaîne d’approvisionnement de la laine de son état brut jusqu’à sa transformation (1er prix), Afrikana, une plate-forme de promotion des produits de beauté africains et de mise en relation avec les créateurs présents dans chaque pays (25ème prix) et My Fima, qui se veut une fenêtre sur le monde de la mode et de la beauté en Afrique avec la possibilité d’acheter en ligne des produits.
Quel modèle d’entreprise pour la création marocaine?
En amont des défilés, le FIMA a dédié une partie de son programme aux conférences. Les invités ont évoqué le besoin de se centrer sur un « business model ».
Salma Djerrani, directrice de communication et marketing de Diamantine Softgroup, souligne l’importance du positionnement des marques et du storytelling : « Une marque qui n’est pas cohérente (ou squizophrène) est condamnée à mourrir ». Concernant la reconnaissance du travail de designer, le marocain Karim Tassi, en activité depuis 35 ans, explique que « personne ne fait rien pour les créateurs marocains. On a besoin d’industiels, de financiers, de banques... Le développement de nos structures est difficile. On nous dit que nous ne sommes ni des artistes, ni des indutriels ». La profession ne serait donc pas reconnue à sa juste valeur.
Quant à Alphadi, il explique l’importance de vendre les collections de designers africains en boutiques multimarques et de cohabiter afin d’aider les jeunes créateurs, la nouvelle génération d’artistes.
Pour Hicham Oumlil, expatrié aux Etats-Unis, la mode est liée au branding. « Nous pouvons très bien commencer à vendre nos collections ici en Afrique et nous expatrier ensuite à l’international moyennant un modèle d’entreprise solide. »
L’Union fait la force
« Jean-Louis Scherrer et Yves Saint-Laurent ont lancé l’Afrique. Ce sont eux qui, en premier, ont utilisé nos tissus et nos coupes dans leurs collections», ajoute Karim Tassi. « Sur place, en Afrique, les produits ne prennent pas de valeur ». Que faudrait-il faire alors pour changer la donne ?
D’après Khady Diallo, Secrétaire Générale de la Commission Nationale de la Francophonie en Côte d`Ivoire et manager des projets Arts et Culture de la télévision ivoirienne RTI, le système de ventes n’est pas exploité à l’intérieur des pays. Elle suggère : « Pourquoi ne pas créer des bureaux d’achat dans chaque région qui puissent faire des pré-ventes par internet ? Chacun doit pouvoir s’organiser par rapport à son contexte ». Elle évoque les débuts de l’histoire de la mode en Afrique, de son vivant, dans les années 1960 : « la Côte d’Ivoire était un pays de rencontres. Un tailleur malien (que l’on appellerait aujourd’hui « couturier »), Chris Seydoux, avait fait sensation à Abidjan. Il était parti à Paris en 1971 travailler avec Paco Rabanne et Yves Saint-Laurent, pour revenir ensuite en Côte d’Ivoire. Il utilisait dans ses créations les différents tissus traditionnels africains, notamment le bogolan, une étoffe traditionnelle malienne. »
« Pour avancer il faudrait créer un projet fédérateur avec Alphadi qui traduirait une union des pays d’Afrique et un esprit de solidarité. »
« Plusieurs associations et fashion weeks sont créées partout, mais il manque une voix, une autorité qui parle au nom d’une même filière » avance Faouziya Tarik, chef d’entreprises qui a travaillé dans plusieurs domaines et pays d’Afrique. « Il faut qu’elles soient acréditées au sein des Nations Unies pour être reconnues et pour qu’on sache qu’on peut créer et innover. »
Enfin, à Isabelle Anoh, présidente de l’Association des fashion weeks africaines, de conclure le débat : « On a tout ce qu’il faut et on ira plus loin ensemble. Le Maroc pourrait être la voix de 54 pays africains pour rendre hommage à la mode africaine. »
Photos : FIMA 2018 : Alphadi, Karim Tassi, Pathé’O, Jedd Khan, jeunes créateurs.