Filling Pieces collabore avec des marques LGBTQ+ pour promouvoir l'inclusion dans le streetwear
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En juillet dernier, la marque néerlandaise de streetwear Filling Pieces a signé une collection capsule avec la marque de skate allemande Dagger, qui collabore étroitement avec la communauté LGBTQ+ et s'inspire de l'ère du glam punk. Les deux marques ont dévoilé une collection qui met à l’honneur l’imprimé léopard, et s’éloigne du style habituellement proposé par FIlling Pieces, notamment connue pour sa chaussure Low Top qui fusionne streetwear et luxe.
Début août, Filling Pieces lancera une autre collection capsule en collaboration avec Yamuna, un artiste queer multidisciplinaire dévoué au service et à la célébration de la communauté underground LGBTQ+ ballroom. Au rendez-vous : une série de pièces aux tons doux et colorés.
La collaboration, véritable bouffée d’air frais, soulève de nombreuses interrogations sur la représentation de la communauté LGBTQ+ dans le streetwear. Selon Alberto Lopez, responsable marketing chez Filling Pieces, l'industrie du streetwear a encore un long chemin à parcourir à cet égard. En comparaison, le secteur du luxe montre plus de progrès en matière d’inclusion et de représentation. Grâce à ces collaborations, il espère créer un lien entre la culture queer et le streetwear afin de parvenir à un avenir plus inclusif.
Depuis sa fondation en 2009 par Guillaume Philibert Chin, l'éthique de Filling Pieces a été centrée sur le concept de « bridging the gap » (combler l'écart), une valeur fondamentale et un pilier de l'entreprise. Pendant plus de dix ans, la marque a ainsi œuvré à créer un lien entre des personnes de différentes cultures et origines ethniques. Lorsque Alberto Lopez a rejoint l’entreprise il y a deux ans, il s’est entretenu avec Guillaume Philibert Chin au sujet de la représentation de la communauté LGBTQ+. Suite à cela, l'éthique de la marque a été maintenue, mais sur de nouvelles bases.
Le premier grand projet axé sur ce sujet était en partenariat avec Zalando, lancé au mois de février. Selon Lopez, Filling Pieces opère depuis le début de l’année des changements internes, qui se reflètent dans ces différents projets et collaborations. Elle a inauguré quelques mois plus tard une collaboration avec Joolz, spécialiste des poussettes, autour des familles non traditionnelles. Dans sa dernière campagne à l’occasion du Keti Koti, fête célébrant la fin de l’esclavage au Suriname, l’accent était mis sur les talents queer. Aujourd’hui, une part croissante de l’équipe de Filling Pieces est queer et issue de divers horizons. « C'est quelque chose qui s'est développé de manière organique, mais la diversité reste de toute façon notre valeur principale », explique Lopez. FashionUnited l'a interrogé sur le rôle de ces collections inclusives pour Filling Pieces et l'industrie du streetwear.
Selon vous, quels rôles jouent l’inclusion et la représentation dans le monde du streetwear ?
Selon moi, le streetwear demeure encore très masculin. C’est quelque chose de profondément ancré dans la communauté et l’héritage de cette culture. Bien sûr, de nombreuses marques de mode s'ouvrent à la communauté queer, qui est davantage représentée dans le segment du streetwear. Cependant, il reste encore beaucoup à faire. C’est à ce niveau que j’espère apporter des changements chez Filling Pieces. Lorsque j’ai rejoint la marque, j’ai ressenti et constaté que l'image que Filling Pieces projetait en tant que marque était également très masculine. Je souhaitais qu'elle soit plus ouverte, rendant ainsi la marque accessible à tous.
Quels changements avez-vous opérés pour y parvenir ?
J’ai bénéficié du soutien du fondateur de la marque, ce qui est formidable. Nous partageons la même vision, et nous avons donc pu apprendre l’un de l’autre et en faire profiter nos équipes en interne. Nous nous sommes appuyés sur le concept de « bridging the gap » (combler l'écart), avec pour ambition de créer un pont entre les différentes communautés et cultures. Après de nombreuses discussions avec Chin, nous avons commencé à regarder non seulement du côté des ethnies, mais aussi des genres et sexualités afin de s’ouvrir à tous.
Guillaume Philibert Chin souhaitait en apprendre davantage sur la façon dont Filling Pieces pouvait être plus diversifiée, et les manières dont cela pouvait se traduire en interne. Il m’a très rapidement fait confiance et a accepté de suivre cette voie. Nous avons embauché des personnes pour m’aider à rendre la marque plus inclusive, ce qui a également contribué à renforcer notre crédibilité. Cela a également entraîné des initiatives en interne. Nous avons créé « un club culturel » afin que l’équipe de Filling Pieces puisse s’éveiller sur des sujets culturels, y compris la communauté queer. Nous organisons de nombreuses activités telles que des tables rondes et des sorties toutes les deux semaines. Je suis moi-même queer, mais embaucher du personnel queer ne signifie pas que tout change du jour au lendemain. J’ai également beaucoup appris de mon côté, en écoutant les autres parler de leur vécu et en découvrant et me familiarisant avec des nouvelles méthodes de travail.
Pourquoi avez-vous choisi de collaborer avec Dagger et Yamuna ?
Nous avons déjà travaillé avec Zalando et Joolz par le passé. Nous avons également collaboré avec des artistes LGBTQ+ pour Keti Koti, en mettant l’accent sur la diversité et l’identité. Pour cette campagne, notre philosophie s'articulait autour de l’idée que la mode est avant tout personnelle. La perception de ce qui est féminin, masculin ou neutre est différente pour chacun. Nous voulions donc aller au-delà de la polarisation traditionnelle entre masculin d’un côté et féminin de l’autre, mais plutôt relier ces deux piliers à un sentiment qui peut varier d'un jour à l'autre. La mode ne devrait pas se limiter à une identité de genre ou une orientation sexuelle. Elle concerne l’expression de soi. Le matin, vous pouvez vous sentir très féminine ou avoir une énergie puissante, et le soir vous pouvez être d’une humeur complètement différente. Nous voulions créer des capsules qui conviennent à tout le monde, pour exprimer différents types d'énergie à différents moments. C'est pourquoi nous avons choisi deux marques qui, selon nous, pouvaient le mieux véhiculer cette idée car elles possèdent toutes deux une énergie distincte et très différente. Yamuna dégage une énergie audacieuse, puissante et assertive avec des touches très féminines et un rose prononcé. À l’inverse, Dagger est plutôt punk, underground et provocant. Mais les deux marques revendiquent une identité queer dont elles sont fières.
Il était également important pour nous de représenter différents marchés. C'est pourquoi nous avons choisi Dagger en Allemagne et Yamuna aux Pays-Bas.
Pouvez-vous nous en dire davantage sur le processus créatif derrière les collections ?
Je pense que, dans ce cas, nous avons principalement joué le rôle de coordinateurs. Nous souhaitons offrir une plateforme aux talents queer à travers laquelle ils puissent s’exprimer. C’est pourquoi, nous nous sommes assis avec eux, avons discuté de la manière dont ils définissaient l’identité et l’énergie et leur avons expliqué nos valeurs de marque, qu’ils ont bien comprises et respectées. Notre mocassin est l’une de nos pièces les plus emblématiques, et nous l’avons donc repris pour ces deux collections. En ce sens, les trois marques étaient représentées.
Nous leur avons fourni les bases, les modèles de vêtements existants, qu’ils ont ensuite réinterprétés. Par respect pour l'identité des deux marques, nous avons également choisi ensemble le photographe, l’assistant photo et les mannequins pour la campagne. C'était vraiment un travail d'équipe.
Quelles sont les réactions aux nouvelles pièces ?
Je comprends qu’au début, certaines personnes aient pu trouver que ces pièces étaient très différentes de ce que nous avions l'habitude d’offrir. Comme je l’ai mentionné précédemment, les efforts de la marque en matière de diversité étaient principalement tournés vers une meilleure représentation des ethnies. Nous voulons désormais montrer que la diversité englobe bien plus d’aspects, surtout dans le streetwear et la mode en général. Jusqu'à présent, toutes les réactions que nous avons reçues ont été vraiment positives.
Certaines personnes ont dit que c'était assez audacieux pour notre marque, mais rien de vraiment négatif. Je pense que cela tient davantage au fait que notre marque est solidement ancrée dans une certaine esthétique, et nos nouveaux produits peuvent effectivement créer un contraste. Je crois que notre communauté le comprend, et je m'y attendais.
Il est important d'être cohérent et de continuer à investir dans cette direction. Nous devons vraiment préparer le terrain et continuer d'avancer avec des projets comme nous l'avons fait. Ce n'est pas un événement ponctuel. Je ne veux pas que quelqu'un pense que nous faisons cela simplement pour faire bonne impression. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec la communauté pendant plus d'un an, et nous continuerons à le faire. C'est bien plus qu'un simple geste symbolique.
D’après vous, quelle place l’inclusivité va-t-elle occuper dans le streetwear à l'avenir ?
Je vois de plus en plus de personnes de la communauté LGBTQ+ représentées dans le streetwear, et je pense que c'est là que réside l'avenir. Je le remarque par exemple chez des marques comme Daily Paper, qui vont également dans cette direction et s'adressent à cette communauté. Malheureusement, cela prend du temps alors que cela devrait aller plus vite. C'est pourquoi nous entreprenons ces collaborations, car parfois, un message fort est nécessaire. Pour ma part, il n'y a plus de temps à perdre.
Y a-t-il d'autres collaborations en préparation ?
Nous voulons continuer à collaborer avec la communauté queer et d'autres minorités. Il est important de mentionner que pour nous, il ne s'agit pas seulement de collaborations avec d'autres marques queer, mais que nous collaborons constamment avec des photographes, des mannequins, des stylistes et des créateurs queer. Notre équipe et les personnes avec qui nous collaborons chaque semaine sont souvent des talents queer qui nous aident à transmettre la vision de la marque. En ce moment, nous avons quelques collaborations prévues, par exemple avec la marque néerlandaise Fest, mais il est surtout important de s’intéresser aux personnes et marques avec lesquelles vous vous associez pour donner vie à ces collaborations.
Quand je regarde en arrière, je suis extrêmement heureux du chemin parcouru en deux ans. Ces deux collections capsules représentent la cristallisation de tout ce sur quoi nous avons travaillé et les changements que nous tentons d'opérer au sein de de l'entreprise. Bien sûr, nous avons le projet avec Zalando et toutes les autres collaborations que nous avons faites par le passé, mais travailler avec deux marques queer aussi particulières est un véritable honneur pour moi-même et pour la marque dont je fais partie.
La collaboration Filling Pieces x Dagger comprend une chemise noire, un débardeur, un short et des mocassins, mettant en avant l'imprimé léopard et la couleur bleue caractéristique de la marque.
La collaboration Filling Pieces x Yamuna se compose d'un cardigan et d'une veste courte en tricot, d'un haut monogramme et de mocassins, chacun comportant des œuvres d'art conçues par Yamuna elle-même.
Cet article a initialement été publié sur FashionUnited.nl. Il a été traduit et édité en français par Aéris Fontaine.