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Elisabeth Prat : « maintenant on parle de soi-même »

Par Julia Garel

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Cela fait 37 ans qu’Elisabeth Prat évolue au sein de l’agence Peclers Paris. En tant que responsable des tendances mode, elle se trouve aujourd’hui au cœur des évolutions d’une profession dont les habitudes de travail ont été bouleversées par la crise liée à la pandémie.

Pour prévoir l’avenir et ses prochaines tendances, les agences de prospection comme Nelly Rodi ou Peclers Paris se nourrissent de l’air du temps. Au-delà des défilés et des salons professionnels, les discussions informelles, les expositions et les voyages constituent la base du travail de réflexion. Aujourd’hui, les mesures sanitaires pour lutter contre la pandémie contraignent la plupart des secteurs, celui de la mode n’y a pas échappé. Les défilés sont passés en ligne, les expositions ont, dans un grand nombre de cas, été annulées, et il en va de même pour les salons professionnels. Comment alors un bureau de style s’y prend-t-il pour continuer de transcrire en tendances les signaux sociétaux ? Quels changements opère-t-il dans sa manière de travailler ? Elisabeth Prat a accepté de nous expliquer.

« Ce matin, on avait une réunion sur les quatre grandes idées pour l’été 2023 », confie Elisabeth. Elle précise : « On construit ces idées grâce à l’apport de tout le monde. Chaque personne de l’agence, tous niveaux confondus, amène des idées très personnelles. C’est un moment crucial ». Cette manière démocratique de fonctionner n’est pas nouvelle, l’agence parisienne poursuit ce qu’elle avait déjà mis en place, à la différence près que cela se passe en ligne, les employés de Peclers Paris travaillant désormais à 90 pour cent depuis chez eux.

Selon Elisabeth, ces réunions sont toujours aussi consistantes. « Ce qui a été remarquable, c’est que pas mal de personnes ont trouvé des idées malgré tout, se réjouit-elle. Moi je m’intéresse beaucoup à l’art, je ne rate aucune exposition susceptible d’influencer la mode ou plus globalement la culture. Mais avec toutes ces fermetures, il a fallu chercher d’autres façons de trouver ces idées. Évidemment, toutes les expériences qu’on peut avoir sur internet sont encore plus présentes qu’avant. Ce sont le cinéma, les séries qui se sont encore plus développées, puis les réseaux sociaux avec Instagram en numéro un ».

Travail d'introspection

Elisabeth précise cependant une nouveauté au sein de l’agence parisienne : « Juste avant le confinement, on a fait des sessions, d’abord physiques puis derrière nos écrans, sur l’observation de nos consommations respectives. Chacun devait parler de ce qu’il ressentait vis-à-vis de sa propre consommation. Ça nous a aussi donné un indicateur sur les besoins et les désirs de chacun ». Si ce fonctionnement a débuté avant le confinement, il apporte cependant une manière de travailler et de s’exprimer qui n’est pas étrangère à la période de pandémie. Dorénavant, la parole des employés de Peclers Paris et de ses professionnels de la prospection se tourne davantage vers l’introspection. « D’habitude, quand on faisait nos réunions, on parlait de nos clients ou des choses que l’on avait entendues, mais maintenant on parle de soi-même », remarque Elisabeth.

Autre nouveauté : la mise en place d’une réunion d’un nouveau type qui a pour objectif de remplacer les discussions informelles et les traditionnels bavardages autour de la machine à café. Elisabeth explique : « C’est une réunion que j’anime chaque semaine, où toutes les équipes, sans distinction, amènent des choses vues et entendues. Cela peut être vu sur internet, vu dans la rue, vu dans les défilés… On a besoin de communiquer davantage les petits signes émergents. En présentiel, forcément, on se parlait plus, là on est séparé et on a du coup un besoin accru de prendre la température, de savoir ce que les autres ont vu et entendu ».

« voir ce qu’une situation extraordinaire déclenche chez les gens »

Quant au contenu, il absorbe et se développe en fonction de la période inédite actuelle. La responsable des tendances mode explique : « Ce qui est passionnant dans ce que l’on vit, c’est de voir ce qu’une situation extraordinaire déclenche chez les gens. C’est vraiment notre façon de penser quand on identifie un thème, on se demande toujours pourquoi on le fait. Et c’est souvent en réaction à quelque chose. On a par exemple eu un thème qui s’appelait “L’éloge de l’ombre”. On l’a créé en pensant : c’est une situation étrange, les rues sont désertes, il y a un côté bizarre et presque un peu effrayant. On va en faire quelque chose de créatif en développant une facette plus mystérieuse et fantomatique ».

Sans surprise, Elisabeth confie que le cahier maille est plus conséquent car il y a beaucoup plus de choses à dire qu’avant. Elle cite la prévisionniste Li Edelkoort selon qui, en temps de crise, la maille prend une place très importante. « C’est un réconfort, c’est un cocon, c’est très souple, ça réchauffe », ajoute-t-elle .

En termes de tendances, la maille est donc devenue centrale. Mais Elisabeth nous parle aussi du nouvel althesuire, de la mode comme outil, des nouveaux vestiaires urbains et de l’idée d’être « habillé ». « On s’est demandé à l’agence ce que cela faisait de porter des t-shirts et des hoodies toute la journée puis de reporter un vêtement qui a de la tenue », raconte-t-elle. « J’aimais bien l’approche de Demna Gvasalia qui a expérimenté ça lui-même : en ne s’habillant plus et en ne portant que des shorts et des joggings toute la journée, il s’est aperçu qu’il avait une baisse de moral. Il s’est remis à s’habiller et a trouvé que cela avait un impact ».

L’agence Peclers Paris semble quant à elle avoir gardé le moral face aux difficultés induites par les mesures sanitaires. Comme le reste du secteur de l’habillement, elle s’est adaptée. Pour autant, cela ne signifie pas que la situation puisse rester telle quelle. Le physique occupe une place importante dans l’activité d’une agence de tendances. Elisabeth mentionne notamment le travail sur la couleur qui demande une présence tangible. Elle ajoute : « La semaine dernière il y avait un salon de tissus, Fabric Show. C’était hyper intéressant de pouvoir à nouveau toucher les tissus. Être derrière l’écran ne fait utiliser que le visuel, il n’y a pas la partie tactile qui est super importante dans notre métier. Revoir des tissus, c’était un bonheur ».

Crédit : Agence Peclers Paris

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