Depuis la métropole lilloise, une entreprise familiale enrubanne la planète luxe
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Son élégance frêle symbolise la sophistication du monde du luxe. Mais c'est en quantité industrielle que le ruban est fabriqué par une entreprise familiale, Sin Rejac, qui domine presque sans partage le marché mondial depuis la métropole lilloise.
"On fait le tour de la Terre chaque année!", aime à répéter Jean-Philippe Hurfin, directeur général de Sin Rejac. Chez son sous-traitant à Comines (Nord) puis dans sa propre usine à Wattrelos, près de Lille, il produit 40 millions de mètres de ruban par an.
Hermès, Dior, Chanel, Cartier, Prada, Louis Vuitton, Bentley, Ferrari... L'entreprise a beau être à taille humaine avec 40 salariés, elle accroche à son tableau de chasse les marques les plus reconnues du luxe mondial. Sin Rejac fournit également des personnalités. Ainsi, les rubans qui décoraient les tables du mariage du prince William et de Kate ou, moins avouable, de l'une des noces de Donald Trump, viennent de Wattrelos. L'entreprise a connu une croissance forte de son chiffre d'affaires au milieu des années 2000, avant de poursuivre à un rythme de 5 pour cent par an pour atteindre aujourd'hui neuf millions d'euros.
Elle est emblématique du succès mondial du luxe à la française. Le ruban n'est qu'un accessoire, mais représente une sophistication jugée indispensable dans certains milieux pour les emballages, les décorations, la dernière touche élégante apportée à un vêtement. "C'est la première chose que l'on voit. Un cadeau sans ruban, c'est quoi?", avance Jean-Philippe Hurfin. Sin Rejac s'appuie sur un savoir-faire développé depuis les années 40, date de la création de la société par le père, qui l'a transmise à ses deux fils dans les années 80.
Le coton et le polyester façon satin sont importés, d'Egypte notamment. Chez le sous-traitant à Comines, près de la frontière belge, les rubans les plus prestigieux sont lentement confectionnés, dans un bruit assourdissant, sur de belles machines à tisser en bois, vieilles de 50 ans, à la précision et à la finesse inégalées.
Le luxe, secteur à part
Le lettrage, d'une importance capitale pour les marques, est ensuite imprimé sur les rubans. De lourds cylindres en acier gravés au laser moulinent une encre noire, à l'aspect étonnant de poudre blanche, qui fait la fierté du patron. Il glisse dans un sourire: "Pourquoi sommes-nous les meilleurs? Parce que les clients nous le disent".
"Le luxe a besoin de choses très précises, très belles. On a toujours été dans l'excellence, mais on a aussi évolué en technique pour donner au client toute satisfaction", ajoute Jean-Philippe Hurfin. Autre atout: "Nous avons investi sur les marchés étrangers avant la crise de 2008, en ouvrant des filiales au Japon, en Italie, aux Etats-Unis", souligne le directeur général.
Les exportations, principalement en Italie et dans les pays du Golfe, représentent 40 pour cent des ventes, contre 20 pour cent il y a 20 ans. Sin Rejac a l'ambitieux objectif d'atteindre les 60 pour cent d'ici cinq années. Les concurrents chinois existent mais se positionnent surtout sur les rubans à bas prix, qui servent par exemple à passer un badge autour du cou dans les salons et festivals.
Une étude de 2014 de la Paris School of economics sur le secteur du luxe pointait "la moindre sensibilité à la distance, au coût de transport des exportations, et un impact très limité des prix sur la demande finale", contrairement aux autres industries. Un avantage décisif dans la conquête des marchés émergents.
L'étude soulignait également "l'avantage compétitif des pays européens", de leur culture, de leur histoire et des actifs incorporels des entreprises (savoir-faire, marque, design et qualité perçue)". Sin Rejac continue donc de rayonner dans les boutiques duty-free et autres salons du monde entier, exception à la règle d'une désindustrialisation impitoyable pour le nord de la France. (AFP)
Photo: Screenshot website Sin-Rejac