Défiler ou ne pas défiler, le dilemme des jeunes créateurs
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Londres - Défiler ou ne pas défiler à la semaine de la mode de Londres, la question se pose pour les jeunes marques indépendantes qui doivent faire face à des coûts toujours plus élevés depuis le Brexit, aggravés par la forte inflation des deux dernières années.
Depuis sa création en 1984, la Fashion Week de Londres est connue pour offrir une plateforme aux créateurs émergents, mêlant ainsi les nouveaux talents de la mode souvent tout juste sortis d'écoles prestigieuses comme Central Saint Martins, à des grands noms du panthéon de la mode comme Burberry.
La crise du pouvoir d'achat provoquée au Royaume-Uni par l'envolée des prix et les retombées financières du Brexit représentent "un véritable défi économique" pour les jeunes marques, reconnait Caroline Rush, directrice du British Fashion Council (BFC) interrogée par l'AFP.
Le Royaume-Uni est d'ailleurs entré en récession au deuxième semestre de l'an dernier en raison des pressions provoquées par les taux d'intérêt élevés et l'inflation sur les finances des ménages comme des entreprises.
Sauter une saison
Cette édition de la semaine de la mode à Londres, qui fête ses 40 ans, a été marquée par le retour de piliers de la mode britannique, comme l'irlandaise Robyn Lynch, ou encore de la très suivie créatrice turco-britannique Dilara Findikoglu.
Ses vêtements au ton provocateur, célébrant le corps féminin, en ont fait l'un des noms les plus attendus du calendrier de la Fashion Week de Londres.
Elle avait pourtant annulé son show de septembre en dernière minute, déclarant au New York Times qu'elle n'avait "tout simplement pas les moyens financiers pour un défilé en ce moment".
Interrogée sur son retour sur les podiums en coulisse de son défilé dimanche, la créatrice n'a pas voulu répondre.
Cette saison, le défilé de KWK by KAY KWOK prévu dimanche a été annulé "en raison d'un incident dans l'usine en Chine où sont produites les pièces clés du défilé de la collection", qui a détruit "une grande partie de la collection", a expliqué un représentant de la marque à l'AFP.
La populaire Nensi Dojaka n'apparaissait pas non plus au programme de février.
"Il n'y a rien de mal à sauter une saison", insiste Caroline Rush. "Cela ne veut pas dire que vous ne continuez pas de vous développer" en tant que marque.
"Parfois, les créateurs se verront offrir un lieu d'exposition gratuit dans une autre ville ou un sponsor (...) dans une autre capitale", ajoute-t-elle, une opportunité financière déterminante pour un label émergeant.
La griffe Feben a par exemple délaissé la capitale britannique cette saison pour défiler à Milan, bénéficiant du soutien de la maison italienne Dolce & Gabbana.
Incubateurs de talents
Un autre moyen de présenter son travail: s'attirer les faveurs d'un incubateur de talents.
Le programme "NEWGEN" (pour "nouvelle génération") du British Fashion Council, qui a fêté l'an dernier ses 30 ans, permet à de jeunes créateurs d'exposer leur travail lors de la semaine de la mode de Londres.
Les lauréats reçoivent une subvention du British Fashion Council pendant trois ans pour produire leurs collections, d'une valeur d'environ 80.000 livres (93.000 euros).
"Ils bénéficient d'un mentorat sur la gestion d'une entreprise, les flux de trésorerie, les marges, la préparation à l'exportation... Tous les éléments nécessaires à la tenue d'une entreprise", explique Caroline Rush.
Le British Fashion Council leur fournit également un lieu pour leurs défilés, en ce moment un local du Old Selfridges Hotel.
Au total, la patronne du BFC estime que les coûts d'un show pour une marque se situent au minimum entre 40 et 50.000 livres. Le budget défilé des grandes marques de luxe peut s'envoler jusqu'au million, d'après Vogue Business.
L'incubateur londonien Fashion East propose aussi un programme de soutien aux jeunes talents pour trois saisons, comportant "des présentations pendant la semaine de la mode, des bourses financières et un mentorat d'experts".
En ont profité des noms désormais incontournables de la mode britannique comme Simone Rocha, ou JW Anderson.
Sans cela, les jeunes créateurs qui font la réputation de Londres seraient moins nombreux, reconnait M. Rush. "Ce serait tout simplement trop cher."(AFP)