Courir, randonner, nager sans polluer : le casse-tête des équipementiers sportifs
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Paris - S'équiper pour faire du sport, oui, mais à quel prix pour l'environnement ? Matières issues du pétrole, difficilement recyclables... Montrés du doigt par les ONG, les équipementiers sportifs jouent les équilibristes entre nécessaire technicité et injonctions environnementales.
À la recherche d'une veste de randonnée dans un Decathlon parisien, Luna, 37 ans, assure à l'AFP regarder les étiquettes et "faire attention à la composition". A contrario, Alexis Tolentino, 60 ans et féru de course à pied, avoue "surtout faire attention au prix".
Il rejoint en cela la majorité des consommateurs français pour qui "le rapport qualité/prix" est le premier critère d'achat d'un équipement de sport en plein air, selon une étude Ipsos pour l'association professionnelle Outdoor Sports Valley (OSV). Le marché des articles de sport en France pesait en 2022 quelque 17 milliards d'euros et est "en pleine expansion", selon les professionnels interrogés par l'AFP.
Or, en matière d'équipement sportif, les enjeux environnementaux sont particulièrement lourds. Leurs fibres synthétiques, utilisées pour les T-shirts ou les leggings par exemple (souvent du polyester), sont fabriquées à partir de "pétrole, de gaz et de charbon", explique Manon Richert de l'ONG Zero Waste à l'AFP, et leur lavage rejette "énormément de microfibres dans l'environnement, notamment dans les océans".
Également dans le viseur, les perfluorocarbures (PFC) qui assurent la déperlance des vêtements, connus pour être volatils et perturbateurs endocriniens, rappelait en 2021 l'Ademe (Agence de la transition écologique). D'autres matières techniques, comme le néoprène des combinaisons produit à partir de pétrole ou de calcaire, génèrent de fortes émissions de CO2 lors de leur fabrication et mobilisent des ressources non renouvelables, selon l'Agence.
Enfin, très techniques, les équipements sportifs sont difficilement recyclables, "comme ceux en matériau composite en carbone, ou multi-matériaux très imbriqués comme le ski ou les bâtons de marche", selon Vanessa Montagne, directrice Nouvelles Filières au sein de l'éco-organisme EcoLogic.
Concevoir autrement, revendre, relocaliser
Ce casse-tête industriel pousse certaines marques à repenser leurs produits, de la conception jusqu'à la fin de vie. La marque de sportswear Circle, par exemple, a conçu une basket à base de bois, laine et huile de ricin, soit "à partir de matériaux biosourcés et biodégradables", intégralement fabriquée en Europe. Elle a mis trois ans à être finalisée, les machines permettant "d'injecter de l'air dans une semelle" n'existant qu'au Vietnam et en Chine. Circle a donc dû convaincre des partenaires d'investir dans une telle technologie au Portugal, explique le fondateur de la marque Romain Trebuil.
La relocalisation (qui permet d'éviter un transport coûteux en termes environnementaux) mais aussi la production via des énergies renouvelables font partie du plan de bataille d'Outdoor Sports Valley (OSV), qui rassemble la plupart des entreprises de sports en plein air. Pour l'élasthanne et le polyester, "on est passé sur du recyclé" presque sur "l'ensemble du marché", "même si on reste sur du pétrosourcé", admet le président Cédric Georges.
"Les marques s'intéressent aussi à la durabilité, car la technicité n'est pas tout le temps au rendez-vous sur des matières recyclées", complète Céline Brunel, la directrice d'OSV. Un effort également noté par Greg Cottret, fondateur de la plateforme de seconde main Sporteed et qui pratique la course à pied : "Avant, avec une paire de baskets, on faisait 200/300 kilomètres avant de devoir en changer, maintenant, c'est plutôt 800".
L'entrepreneur a eu un déclic en comptant dans ses placards quelque 200 T-shirts de "finisher", maillots donnés en cadeau à la fin d'une course, "qui ne servaient à rien". "Je me suis dit : Ce n'est pas possible, il faut que les sportifs aient quelque chose", un lieu pour revendre leur matériel.
Il lance Sporteed en 2021 et ça marche : aujourd'hui, sa plateforme peut s'enorgueillir de quelque 125.000 inscrits. S'il y a un "petit côté écologique", l'entrepreneur n'est pas dupe : "l'inflation joue" aussi dans le choix de la seconde main chez les consommateurs, de plus en plus nombreux à pratiquer une activité sportive. (AFP)