Consommons-nous énormément de vêtement “made in Daesh” ?
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Nos préoccupations mode ont changé depuis quelques jours. Les regards et les pensées des français se sont soudainement tournés vers la Syrie. Et plus particulièrement vers l’organisation Daesh (aussi appelée Etat Islamique) dont chacun essaye de comprendre - afin de les combattre - les intérêts, les ramifications et les sources de financement a priori très importantes puisqu’on parle de 2 milliards de dollars pour 2015.
La plupart des citoyens - et consommateurs - ont donc appris que le coton qui compose leur garde robe avait de forte chance d’avoir été vendu par l’organisation terroriste. En effet, la Syrie faisait partie avant la guerre, des plus gros producteurs de coton au monde. Or on estime que Daesh contrôle aujourd’hui 90 pour cent de ces champs de coton syrien. Comme ce coton passe ensuite en Turquie ou il est manufacturé puis envoyé en Europe, cela signifie t’il qu’en achetant un t-shirt nous financions sans le savoir une organisateur ennemie et vindicative?
La réponse est non. Il est vrai qu’à priori, a partir du moment où nous achetons des vêtements made in Turquie, nous avons dans l'absolu une chance d’y trouver du coton syrien. Dans un numéro de Capital diffusé au printemps dernier, les journalistes Eric Declemy et Emanuel Creusez décortiquaient déjà les mécanismes par lesquels, en achetant un t-shirt à bas prix en France, chacun d’entre nous pouvait financer l’organisation involontairement car « la provenance du coton, comme du pétrole d’ailleurs, n’est pas traçable une fois qu’il est mélangé à celui provenant d’autres zones de production".
« Un risque mineur »
Concrètement, l’organisation terroriste tire aujourd’hui, notamment grâce au commerce du coton, quelque 180 millions d’euros par an de revenus de l’agriculture: sur un euro de coton vendu, expliquent les deux journalistes, l’agriculteur est tenu de reverser dix centimes à Daesh. Donc un calcul simple atteste que l’industrie du vêtement rapporte environ 18 millions d’euros par an à Daesh. Non négligeable quand on sait que l'organisation rémunère 2000 euros par mois ses combattants.
Mais malgré tout - et cela pourra soulager un petit peu le moral des français - le vêtement made in Turquie n’est: primo, pas ou peu consommé en France puisque les principaux clients de ce pays reste avant tout les États-Unis, la Grèce, l'Ouzbékistan, l'Égypte…et la Syrie. Secondo, comme le souligne José Sette, directeur exécutif de l’ICAC, l’organisme qui représente les pays producteurs et consommateurs de coton : « Même en supposant que toute la production syrienne passe en Turquie, ce qui est hautement improbable, cela ne représenterait que 5 pour cent du coton utilisé »
Evidemment, ce sujet préoccupe énormément les grandes maisons de luxe de la Capitale. Interrogée par le Point, sous couvert d'anonymat, une source chargée des approvisionnements pour les collections haute couture d'une enseigne prestigieuse reconnaît se montrer particulièrement vigilante sur la provenance des tissus. "Notre fournisseur habituel nous a envoyé cet été des rouleaux de tissu sans le bordereau d'origine, nous avons demandé aux ateliers de ne pas y toucher en attendant d'avoir tous les certificats requis." Le groupe de luxe et d'habillement sportif Kering (Gucci, Puma, Saint Laurent) lui, se dit d'ailleurs serein : il déclare via son service de communication, toujours au Point : "Une grande majorité du coton acheté par Kering vient de fournisseurs basés en Chine, au Bangladesh, en Italie ou aux États-Unis. Le risque est donc mineur. Mineur ne signifie pas nul diront les mauvais esprits. C’est vrai, personne ne peut garantir aujourd’hui avec une absolue certitude l’exacte identification tous les intervenants concernés de près ou de loin par ce coton qui, en réalité, change de propriétaires et de lieux de multiples fois avant de finir son voyage sur nos pulls, pantalons ou couvertures ; mais à ces esprits inquiets et patriotes, nous répondrons : essayer le lin, matière écologique, propre, qui réchauffe l’hiver, rafraichit l’été et que nous fournit en abondance les terres humides et généreuses du Nord.