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Cinq créateurs incontournables qui ont eu des débuts difficiles

Par Jackie Mallon

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Mode |OPINION

Après la déferlante de critiques liées à la présentation de la première collection d’Hedi Slimane pour Celine, FashionUnited vous propose de passer en revue ces moments-clés de la mode où les créateurs de grandes maisons se sont eux mêmes tirés une balle dans le pied en dévoilant des collections qui n’ont vraiment pas fait l’unanimité, parce que dans la mode, même les plus grands ne sont pas à l’abri de gros échecs !

Karl Lagerfeld pour Chanel

Aujourd’hui, tout ce que touche Karl Lagerfeld se transforme en succès mais cela n’a pas toujours été le cas. Le créateur qui était présent au premier rang du défilé Celine il y a quelques semaines, est aussi passé par des périodes difficiles. Lorsqu'il rejoint la maison Chanel en 1983, avec un salaire d’un million de dollars en plus des avantages, il travaillait 16 heures par jour dans l’atelier de la rue Cambon afin de délivrer sa première collection haute couture. À l’époque, il y avait selon WWD : “une guerre des camps entre l’équipe de Lagerfeld et celle des employés permanents de Chanel. Résultat, le défilé tant attendu n’a pas été à la hauteur des espérances, des tissus trop volumineux, des vêtements inadaptés, etc.. Lagerfeld aurait cumulé les faux-pas”. Réponse de l'intéressé : “Même si elle ne l’a jamais créé de cette façon, cette collection est très Chanel, n’est-ce pas?” Plus de trente ans plus tard, Karl Lagerfeld est perçu comme celui qui a sauvé la maison Chanel de la faillite.

Tom Ford pour Yves Saint Laurent

Que se passe-t-il lorsque le fondateur et créateur d’une marque de renommée est présent lors du premier défilé de son successeur ? C’est ce qui est arrivé à Tom Ford lorsqu’il a été nommé directeur artistique chez Yves Saint Laurent en 1999. Le couturier français qui méprisait les goûts des texans, est devenu encore plus hostile au fur et à mesure que les affaires grandissaient sous l’impulsion du nouveau venu. En 2015, Tom Ford racontait son aventure à CNBC : " Je me souviens d'une phrase qu’il m’a dit : "en treize minutes, vous avez détruit 40 ans de mon travail" ou encore "c’est le travail de ma vie” ou quelque chose du genre." La vision de Tom Ford pour YSL, et précédemment Gucci, a impacté la mode mondiale au XXIe siècle, attirant une nouvelle génération de consommateurs vers les deux maisons emblématiques mais qui étaient endormies. Quel souvenir a-t-il gardé de Saint Laurent décédé en 2008 et son associé Pierre Bergé? “C’était si difficile et si pervers, ils ont fait de ma vie une telle misère.”

Alexander McQueen pour Givenchy

Des tensions similaires, entre la maison de mode et le nouveau créateur au talent audacieux ont eu lieu chez Givenchy en 1996 lorsque le designer britannique Alexander McQueen, âgé de 27 ans, qualifié par la presse de "hooligan de la mode anglaise", a repris la direction créative de la marque. N'ayant jamais travaillé dans la haute couture auparavant, la nomination de McQueen a horrifié l'ancienne génération de la maison et cela s’est ressenti dans les ventes. McQueen a lui-même qualifié ses collections, longtemps après, “d’échec”. Avec le recul, Givenchy a eu un impact décisif dans le parcours personnel du designer, qui a oeuvré pour changer le paysage de la mode de luxe, après être passé par de nombreuses étapes.

Marc Jacobs pour Perry Ellis

Les débuts de la collection grunge de Marc Jacobs en 1992 pour Perry Ellis sont devenus une légende. Les chemises en soie imitant la flanelle, le polyester floral imitant la soie, les t-shirts imprimés de bandes dessinées, les chapeaux à pompons et les Doc Martens. Tout cela coïncidait avec la montée du Nirvana, MTV, l’Héroïne chic et cela reflétait directement les tendances de l’époque.

Mais cela n’a pas été un succès puisque Marc Jacobs a été renvoyé et pire encore Perry Ellis a été fermé. Même la journaliste Cathy Horyn, généralement prévoyante a écrit dans le Washington Post : “Le grunge est un anathème pour la mode et, pour une grande maison de couture de la septième Avenue, sortir une telle collection avec de tels prix est tout simplement ridicule.”

Mais cette collection dévoilait surtout la fraîcheur de Marc Jacobs, rappelant même la collection «Libération» du jeune Yves Saint Laurent de 1971, qui reflétait également la rue, notamment parce que ses modèles étaient comparés à des prostituées. L’influence de la collection de Marc Jacobs pour Perry Ellis résonne encore un quart de siècle plus tard. Il passera ensuite quinze ans chez Louis Vuitton.

John Galliano pour Margiela

Après quatre années d’exil pour ses propos antisémites, le retour de John Galliano pour Margiela en 2015 s’est avéré être un événement malgré le tumulte causé par sa nomination à la maison belge. Le choix de Galliano révélait la volonté de changement de la maison Margiela alors que son fondateur a passé toute sa carrière dans l’ombre. Avec cette nomination et le travail accompli, John Galliano a réussi à prouver que le scandale et le tribunal de l’opinion publique n’ont pas pu lui retirer son talent.

Depuis lors, ses collections pour la maison Margiela sont devenues des incontournables de la Fashion Week, des réflexions poignantes sur notre société en mutation et une évolution inattendue de l’héritage avant-gardiste de la déconstruction et du surréalisme du fondateur. Alexandra Shulman a déclaré dans Vogue, que ceux qui se plaignaient de son retour "se sentiront misérables. Il est sans conteste l’un des designers les plus imaginatifs de sa génération et il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour s’acquitter de sa dette.” À ce jour, il y a ceux qui ne pardonneront jamais sa sortie mais ses références en matière de mode volent plus haut que jamais.

Il y a eu d'innombrables autres échecs dans la mode et de fiascos complets, l’indignation qu’avait suscité les créations de Stella McCartney pour Chloé en 1997. Alors âgée de 25 ans, la créatrice a dû faire face à de nombreuses critiques et son célèbre nom de famille était fortement lié à cela. À l’époque, qui aurait pu imaginer que la Stella McCartney deviendrait précurseuse dans le succès de la mode durable et responsable? Il est peut-être mieux de ne même pas évoquer le passage d'Alexander Wang chez Balenciaga. Et les conseils créatifs de Lindsay Lohan pour Ungaro ne méritent pas d’être mentionné puisqu’elle n’est pas une créatrice.

Lorsque les déceptions des collections printemps-été 2019 tomberont aux oubliettes, nous nous demanderons, comme Cathy Horyn a réfléchi après sa critique sur Marc Jacobs: “Pourquoi étions-nous si choqués à l’époque ?."

La journaliste de mode Jackie Mallon est également éducatrice et auteure de l’ouvrage “Silk for the Feed Dogs”, un roman sur l’industrie de la mode internationale. Article traduit et édité en français par Sharon Camara.

Photo : Tom Ford au Festival du Film de Venise 2009 par Nicogenin Wikimedia Commons; “Karl Lagerfeld (né en 1938), couturier allemand, à la maison, Paris, le 11 février 1974”, Jean-Régis Roustan / Roger-Viollet

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