Au salon du 100 pour cent Made in France, des histoires de familles
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Blandine Berjot produit une ligne de sweat-shirts, et polos depuis son salon de Triel-sur-Seine dans les Yvelines. Ses enfants posent sur le catalogue, son beau-frère est mannequin, régisseur et imprimeur. Le 100 pour cent Made in France est souvent une histoire de famille. Surfant sur la mode du patriotisme économique incarnée par l'ancien ministre socialiste Arnaud Montebourg, Blandine et près de 400 autres exposants, qui vont des coutelleries Esprit de Thiers dans le Puy-de-Dôme au porcelainier Revol venu de la Drôme, présentent jusqu'à dimanche leurs productions au salon "100 pour cent Made in France", qui se tient pour la quatrième fois à Paris.
Après avoir perdu son emploi en août 2012 chez Sony Music où elle était cadre commerciale, Blandine, née à Sarcelles, près de Paris, s'est demandée ce qu'elle pouvait faire. "Autour de moi beaucoup de gens perdent leurs emplois, beaucoup râlent mais tout le monde veut conserver ses avantages" dit-elle. "Quand je vois que même Air France (où travaillait son père, NDR) est touchée, j'ai réagi comme une mère qui s'inquiète pour ses enfants, j'ai voulu créer de l'activité ici chez nous", explique la jeune femme qui a investi la quasi-totalité de ses 50.000 euros d'indemnités de licenciement dans l'aventure. Bien consciente que ses sweat shirts, dont le premier prix est à 39 euros, devaient avoir quelque chose en plus pour séduire les acheteurs, elle a parié sur la qualité et une identité rétro années 50, avec des sacs en forme de pochettes de 33 tours. Sa marque "Orijns" est déclinée sur tous les modèles, au style plutôt classique. Beaucoup de bleu marine, dans des cotons épais aux détails soignés. Les boutons viennent d'une grande maison du Jura, le façonnage et les sérigraphies sont faits à Troyes, et le bouton-clou emblème de la marque, apposé au bas de chaque modèle féminin, vient de Marseille, raconte Blandine, 38 ans, qui élève six enfants dans une famille recomposée. Juste un détail. Le tissu ne vient pas de France mais d'Allemagne. "98 pour cent du tissu prêt-à-porter est fabriqué à l'étranger, il n'y a plus de filatures en France", s'excuse la jeune femme.
Lancer sa marque: une aventure périlleuse
Elle y croit dur comme fer: "la qualité et l'éthique, ça marche". "Je travaille pour l'emploi induit, je respecte des normes environnementales sévères et je réduis la pollution liée aux transports lointains". Résultat: "Sur le site, nous avons 50 pour cent" de personnes qui commandent à nouveau. Mais elle a peu de marge de manoeuvre. 1 tee-shirt Made in France a un coût unitaire de fabrication de 21 euros, le même venu d'Asie de 3 euros. Et l'aventure reste très fragile. La jeune femme ne se paie aucun salaire, elle a préféré recruter en CDD un jeune homme chargé du marketing. Elle a bien essayé de "placer" un de ses tee-shirts sur un film produit par Christian Clavier, mais on lui demandait 15.000 euros par tee-shirt.
Invitée au Japon pour un salon, la jeune entrepreneuse a reçu beaucoup d'encouragements. "A l'étranger, on ne comprend pas que la super qualité française, les polos Lacoste ou les vêtements Petit Bateau ne soient plus fabriqués dans le pays" dit-elle. "Nous ça nous fait rire cet engouement pour le 'Made in France', ca fait 123 ans qu'on fait français et pendant des années on a presque dû se cacher tellement on était vus comme ringard", dit Julien Tuffery, 30 ans, sur le stand d'à côté. Aujourd'hui, le jeune homme s'active pour aider son père, maître-tailleur, à relancer les pantalons de jeans Tuff's, longtemps le dernier fabricant historique de jeans's en France, basé à Florac en Lozère, dans les Cévennes. "Notre histoire est similaire à celle des Levy Strauss, mon arrière grand-père Celestin fabriquait des pantalons de travail pour les ouvriers en toile résistante (en toile de Nîmes, d'où le qualificatif "denim", ndlr). Dans les années 90, on ne vendait plus que 300 jeans par an. Aujourd'hui on est en passe d'avoir le logo Origine France Garantie et on a un projet de réouverture de l'atelier!". Encore une histoire de famille. (AFP)