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André Leon Talley, dernier “dinosaure” du style?

Par Anne-Sophie Castro

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Mode

On aimerait qu’il y ait plus de gens comme lui. Un mètre quatre-ving dix-huit d’émotion et d’excentrisme, ou quand l’extraordinaire et le transgresseur deviennent une référence. André Leon Talley (ALT) a participé hier à la 080 Barcelona Fashion, organisée au sein de l’Édifice Moderniste de Sant Pau, pour présenter le documentaire biographique « The Gospel According to André », dirigé par Kate Novack et sorti en France le 25 mai dernier.

À 68 ans, l’invité d’honneur de la Semaine de la Mode de Barcelone, est reconnu mondialement pour sa grande labeur dans le secteur, comme créateur de tendances et a occupé le poste d’éditeur du Vogue américain pendant plus de 25 ans, ainsi que d’autres supports média comme The New York Times ou Interview. En 1995, il quittait Vogue pour devenir journaliste indépendant et éditeur du magazine W France et rejoignait Vogue peu de temps après, cette fois avec sa propre colonne intitulée « Life with André ». Il est aussi l’auteur de plusieurs livres dont des best-sellers autobiographiques tels que « A.L.T : A Memoir » et « A.L.T. 365 + », une monographie d’art imaginée par Sam Shahid en 2005.

Sa grand-mère, Andy Warhol et Diane Vreeland ont illuminé sa vie

Sous une armure exubérante, son corps opulant enveloppé de vêtements des plus originaux aux tons très vifs, André Leon Talley est en réalité quelqu’un qui vibre pleinement qui il est et profite de ses moments perdus dans la nature pour se ressourcer. Le documentaire trace, avec sympathie et intimisme, toute la trajectoire personnelle et professionnelle de ce gourou de la mode, en laissant un message clair : l’artiste est beaucoup plus simple –voir même timide- qu’on aurait pu l’imaginer.

Originaire du village de Durham en Caroline du Nord (États-Unis), ses parents l’ont abandonné étant petit et sa grand-mère, avec qui il a entretenu des liens très forts, s’est chargée de l’élever. Elle a représenté, pour lui, une personne clé dans son parcours. « Je crois en Dieu, en la foi et en mes ancêtres et surtout en ma grand-mère. Je n’oublie jamais d’où je viens même si j’ai vécu entouré de glamour. C’est d’ailleurs ce qui m’a permi de naviguer tout au long de ma carrière ». D’autres personnes ont marqué sa vie comme Andy Warhol, « avec lui j’ai appri la Bible de la mode à The Factory » et Diane Vreeland, son amie et collègue, éditrice du Vogue américain, qui l’a découvert à la fin des années 60. Il l’a décrite comme étant quelqu’un de dynamique et en rien superficielle. « Elle m’a enseigné que chaque robe a son histoire, quelle soit simple ou fantastique ».

”À chacun de cultiver son propre jardin »

Grand défenseur de la race noire et de personnalités comme les mannequins Iman et Naomi Campbell ou encore Michelle Obama, ALT a été pionnier dans le monde de la mode. Beaucoup le considèrent comme un « superhéro noir » ou un « Mandela de la mode ». Lors de son passage chez Vogue, il utilisait les pages du magazine pour dénoncer le racisme dans l’industrie en exigeant que les mannequins de couleurs soient davantage représentées sur les défilés. De ce fait, il est arrivé à interdire la publication sur des créateurs qui refusaient de donner du travail à ces mannequins.

Ami très respecté de Karl Lagerfeld, Marc Jacobs ou Tom Ford –qui dans le documentaire commentent quelques anecdotes sur leur expériences partagées- André est, selon Anna Wintour, l’actuelle éditrice du Vogue américain, « un pionnier qui a réussi à abattre des murs ». Sa collaboration a changé la vision du monde de la mode et l’a aidée à se démocratiser. Après la projection du film, un débat dirigé par Eugénia de la Torriente, éditrice du Vogue Espagne, a suivi et l’invité a souligné l’importance de l’évolution des moeurs dans le monde : « je crois en une évolution liée à la diversité dans tous les secteurs. Il devrait y avoir plus de mannequins noires, transgenres ou de grandes tailles... La culture est évolutive et la mode ne doit pas être une exception ».

Insultes raciales de la mode parisienne

Le documentaire raconte l’histoire de supération et de dignité car « Queen-Kong » (surnom donné à l’époque par le directeur des relations publiques d’Yves Saint-Laurent en référence à King-Kong) avait été jugé à maintes reprises pour sa couleur de peau. « J’ai vécu des moments cruels et racistes dans le monde de la mode. Dieu saura changer la vision des gens... », disait-il.

Par ailleurs, Talley a réfléchi sur l’importance d’avoir son propre style: “les vêtements sont une armure pour moi. Quand j’étais à l’univesrité je portais des pièces extravagantes et en 2000 j’ai découvert le caftan et la mode africaine ». Il invite à chacun à cultiver son propre style : This is you. This is who you are. This is your destiny ! ».

Éditeur de mode, une profession qui disparaît

André Leon Talley évoquait hier le sujet des réseaux sociaux où tout le monde peut être aujourd’hui éditeur de mode de façon individuelle. Cependant il souligné l’importance d’aller chercher l’information dans les experts pour apprendre d’eux. Il a ajouté qu’il se voyait comme un des derniers « dinosaures » sur la planète et que la profession d’éditeur est en voie d’extinction. D’ailleurs, dans une interview au New York Times, il révélait le mois dernier que la mode est devenue, à son grand regrès, un monde isolé et solitaire.

Photos: courtoisie de 080 Barcelona Fashion

080 Barcelona Fashion
Andre Leon Talley
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