Uniformes et tenues uniques à l'école, un débat récurrent en France
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Paris - L'uniforme ou la tenue commune à l'école bientôt expérimentés dans des écoles volontaires selon les souhaits de l'exécutif et du ministre de l'Éducation ? Le sujet revient régulièrement au centre des débats depuis des décennies en France, où le port d'un vêtement unique n'a jamais été généralisé.
D'où vient ce débat ?
L'uniforme enflamme régulièrement les débats politiques dans l'Hexagone. Pour l'historienne de l'éducation Laurence De Cock, "ce débat a commencé à émerger dès que les discours nostalgiques sur l'école se sont multipliés, au moment de la massification scolaire dans les années 1970".
"Au nom d'un fantasmé 'c'était mieux avant', on a vu apparaître une succession de poncifs sur l'école de Jules Ferry dont la plupart sont historiquement erronés : le respect du maître, le niveau qui baisse... et le fameux uniforme", poursuit-elle.
Xavier Darcos, ministre de l'Éducation de 2007 à 2009, avait ainsi vanté l'uniforme anglais, "facteur d'intégration". Le sujet est revenu ces derniers mois sur le devant de la scène, opposant la droite et la gauche. L'Assemblée nationale a rejeté en janvier une proposition de loi du RN pour le rendre obligatoire dans les écoles et collèges publics.
Emmanuel Macron s'est dit favorable à une "tenue unique", telle que "jeans, t-shirt et veste" par exemple. Pour lui, cela "règle beaucoup de sujets" comme "la laïcité" et "l'idée qu'on se fait de la décence".
La rentrée 2023 est marquée par l'interdiction de l'abaya, cette longue robe traditionnelle couvrant le corps et portée par certaines élèves musulmanes. Pour Laurence De Cock, "la nouveauté, c'est que ce débat était jusque-là l'apanage d'une droite très conservatrice". "Il ne faut pas minorer la dimension politicienne de cette annonce : couper l'herbe sous le pied à l'extrême-droite, principale porteuse du débat sur les uniformes jusqu'alors", estime-t-elle.
Les uniformes ont-ils déjà été obligatoires ?
Les uniformes scolaires n'ont jamais été obligatoires dans l'ensemble de l'enseignement public en France métropolitaine. Il est donc impropre d'appeler à "un retour de l'uniforme".
"Les lois qui structurent l'école primaire à la fin du XIXe siècle, notamment les lois Ferry de 1881 et 1882, n'imposent aucune obligation vestimentaire pour les élèves", souligne Aude Le Guennec, anthropologue du vêtement à la Glasgow School of Art.
En revanche, beaucoup d'enfants ont porté la blouse à l'école, principalement pour éviter les taches d'encre quand ils utilisaient la plume et l'encrier, rappelle l'historien de l'éducation Claude Lelièvre, dans son livre "L'école d'aujourd'hui à la lumière de l'histoire". La blouse disparait peu à peu dans les années 1960 avec le développement du stylo à bille. Les uniformes, eux, ou la blouse d'uniforme, étaient plutôt portés dans des établissements privés ou des établissements publics sélectifs comme signe de distinction, souligne-t-il.
À la création des lycées en 1802 par Napoléon Bonaparte, les élèves internes portent un uniforme (ils sont alors peu nombreux à accéder à ces établissements). Cet usage décline à la fin du XIXe siècle et "est peu à peu abandonné dans l'entre-deux-guerres", indique Aude Le Guennec.
L'obligation de porter un uniforme ou surtout une blouse a perduré dans certains lycées publics et privés jusqu'à la fin des années 1960. Mais les événements de 1968 ont amené la plupart des lycées qui l'imposaient encore à l'abandonner.
Qu'en est-il aujourd'hui ?
Aujourd'hui, l'uniforme est porté notamment dans des pays anglo-saxons (Royaume-Uni, Australie, Irlande), asiatiques (Japon, Thaïlande, Corée du Sud), ou encore l'Inde. Il l'est rarement en France --dans les lycées militaires ou les maisons d'éducation de la Légion d'honneur par exemple.
Des établissements privés imposent un code vestimentaire assez strict. Le collège Stanislas à Paris par exemple rend obligatoire le port de chaussures de ville en cuir et interdit certains vêtements, comme les hauts à "messages ou motifs ostentatoires". Le tablier bleu marine y est obligatoire en primaire.
En outre-mer, le port de l'uniforme est bien plus répandu, en Martinique, Guadeloupe, Guyane ou Nouvelle-Calédonie, y compris dans des établissements publics. Un tiers des établissements publics de Martinique l'imposent par exemple. Les établissements peuvent imposer une tenue scolaire en modifiant leur règlement intérieur. (AFP)