Le MoMu rend hommage aux années Hermès de Margiela
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Le musée de la mode d’Anvers, le ModeMuseum, va rendre à partir du 31 mars prochain un hommage singulier à Martin Margiela en consacrant, comme on le ferait pour un peintre, une exposition d’envergure à une des « périodes » du créateur : ses années Hermès.
La période Hermès de Margiela est une période relativement courte puisqu’elle s’étale sur cinq années seulement. Elle débute en octobre 1997. Celui qu’on appelle encore à l’époque le « jeune styliste flamand » est engagé par Jean-Louis Dumas, alors président d’Hermès, comme directeur artistique des collections de prêt-à-porter de la maison parisienne. Le « jeune styliste » est déjà au sommet de son art et de sa carrière : diplômé en 1980 de la section mode de l’Académie royale des Beaux-Arts d’Anvers, assistant de Jean-Paul Gaultier en 1984, premier défilé avec ses propres modèles en 1988 puis dans la foulée, fondation de la Maison Martin Margiela avec son associée Jenny Meirens. Son travail est déjà reconnu pour sa supériorité.
Pourquoi donc s’intéresser alors plus précisément à ces cinq années qui ne sont pas particulièrement révélatrices d’un éveil créatif du styliste? La réponse est intéressante : il s’agit de porter un éclairage, non simplement sur un créateur, ni d’ailleurs sur une maison de luxe centenaire, mais précisément sur les interactions entre ces deux entités de nature si différentes.
L’arrivée de Margiela chez Hermès est à mettre dans le contexte de l’époque. La journaliste Sibylle Vincendon écrivait dans le Libération du 7 mars 1998 : « Dernière mode dans la mode: le mariage contre nature. Un créateur déjanté lâché dans une maison bien sous tous rapports. Modèle type: Galliano l'allumé chez Dior, McQueen le mal élevé chez Givenchy. Dernière expérience en date: Martin Margiela chez Hermès. D'un côté, un créateur hautement cérébral, qui n'hésite pas à faire porter par ses mannequins des fragments de vêtements volontairement non terminés. Et, de l'autre, un sellier centenaire chez qui il y a de la rombière dans l'air. »
« Faire des vêtements et non du buzz »
Associer un créateur branché à une maison vénérable n’a donc, à la fin du XXeme siècle, rien d’inhabituel. La journaliste de Libération pointe cependant du doigt l’élément qui singularise cette association : « Généralement, ces mariages n'ont que deux finalités : le réveil publicitaire d'une marque un peu trop plan-plan, ou, carrément, le sauvetage d'une griffe très ramollie. ». Or, en 1998, Hermès n’a absolument pas besoin d’un sauvetage. Ce n’est pas une belle endormie comme Chanel ou Dior ont pu l’être un certain temps. De plus la maison n’aime pas les lubies et se caractérise par son aptitude à penser à long terme. Il faut donc bien se rendre à l’évidence : Martin Margiela a été engagé pour faire des vêtements. Non pas du buzz, mais des vêtements. Un thème qui résonne puissamment avec les interrogations du monde de la mode et du luxe en 2016 : la presse internationale n’a-t-elle pas qualifié Martin Margiela comme étant « le véritable protagoniste » de la semaine de la mode parisienne édition automne-hiver 2016-2017 ?
Si Hermès, entreprise d’essence protestante, a choisi le cérébral Margiela, c’est parce qu’elle aime son approche pure et dure de l’habit, son sens du labeur. Cérébral certes, mais ardent au travail, patient dans l’expérimentation, pointilleux dans un atelier. Un consciencieux. Margiela comme Hermès aiment le travail des artisans, ont une commune passion pour les finitions. Pour ces deux entités, le luxe est dans la qualité des matières et leur mise en œuvre. Elles se méfient aussi toutes deux des images. Margiela refuse les photos, et Hermès a la hantise des clichés repris à tout-va par la presse de collections « d’images » qui ne se vendront jamais. Bref, les deux maisons ont plus de point en commun qu’elles n’ont de différences fondamentales. C’est donc la force de cette association et la trace qu’elle a laissé dans l’univers de la mode actuelle qui seront les vrais sujets de l’exposition. Margiela : Les années Hermès aura lieu du 31 mars au 27 aout 2017.
Crédit photo : HERMÈS “Portraits de femme en Hermès : Marie-Anne” Automne-hiver 1999-2000 - photo Joanna Van Mulder MAISON MARTIN MARGIELA Automne-hiver 1990-1991 - photo Ronald Stoops - design graphique Jelle Jespers