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Il faut sauver le Musée des Tissus de Lyon

Par Herve Dewintre

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Culture

L’éventualité de sa fermeture a suscité une émotion mondiale. Daniel Fruman, collectionneur parisien de broderie, ne doit pas en revenir lui-même du succès recueilli par sa pétition lancée sur internet il y a deux mois ( et relayée notamment par Pierrick Chalvin, le délégué général d’Unitex -le syndicat des professionnels du textile) pour interpeller Fleur Pellerin: 78000 signatures, dont des personnalités de premier plan du monde de l’art et de la culture, venant de 130 pays différents (les Etats-Unis en bonne place) pour clamer haut et fort: non à la fermeture du Musée des Tissus de Lyon.

Il est vrai que ce musée fondé en 1864 par les soyeux, propriété actuelle de la Chambre du Commerce et de l’Industrie de la ville, est une splendeur. Ses collections fabuleuses, couvrant 4500 ans d’histoire (on parle de 2,5 millions de tissus allant de la haute antiquité jusqu’à nos jours, du Moyen-Orient au Japon, des Amériques à l’Europe), sont vues par plus de 80000 visiteurs par an. Pour faire bref, ce musée a la plus importante collection de tissus au monde. Un ensemble qui ferait pâlir la gloire du Victoria & Albert à Londres, du Met à New York ou des Arts déco à Paris.

Une manifestation à Lyon contre la fermeture du musée

Mais ce n’est pas tout. Au delà de ce vaste patrimoine, inaliénable et intangible, qui ne cesse de s’enrichir, (il vient ainsi d'entrer dans le fonds un très important ensemble de vêtements liturgiques du XIXe siècle et des débuts du XXe siècle), au delà des superbes expositions mises en chantier, souvent en un temps record, par le remarquable directeur du musée Maximilien Durand (dont notamment l’exposition « Le Génie de la Fabrique », présentée jusqu’en juin :un hommage aux grandes maisons lyonnaises qui ont œuvré pour les résidences royales et impériales, de Versailles à Istanbul) le tout avec seulement 20 salariés, dont les gardiens ; au delà du fait que le musée dispose d’un atelier de restauration qui joue un rôle essentiel dans la formation et la restauration ; c’est aussi toute l’âme profonde de la région - la soie, les canuts – qui se perpétue dans l’ancien Hôtel de Villeroy où est logé le musée depuis 1946.

Les lyonnais l’ont bien compris : une manifestation s’est déroulée vendredi dernier devant la préfecture du Rhône au moment même où devait se tenir une réunion de la dernière chance avec tous les acteurs du dossier. Nombreux étaient les manifestants qui, un coupon de tissu agrafé à la boutonnière, interpellaient notamment Gérard Collomb, le maire de Lyon devant ce qui leur apparaissait comme une indifférence absolue de la part de l’élu. Interrogé par le journal Lyon Capitale, Bernadette clamait sa colère : «Le maire dépense des centaines de millions pour le parking Quai Saint-Antoine et pour le Grand Stade, et là il ne pourrait rien donner pour le musée des Tissus ? C’est quand même l’argent des contribuables qu’il dépense !"

1,7 millions de pertes par an que ne veut plus prendre en charge la CCI

Depuis un an et demi, Emmanuel Imberton, le président de la CCI de Lyon essaye de faire prendre conscience aux pouvoirs publics, à tous les niveaux, que cette institution n'a plus les moyens d'assurer seule le fonctionnement du musée. Sans réel succès. L’Etat considéra visiblement cette institution comme un musée de province géré par une CCI qui devait se débrouiller seule ; et du coté de la ville et de la métropole (qui gère six musées municipaux sans coté le musée des Confluences), le verdict fut sans appel « Nous avons supprimé 7 millions d’euros au budget culturel de la ville, expliquait l’adjoint PS à la Culture Georges Képénékian. Pour que ce lieu puisse être conservé, 8 millions d’euros de travaux sont nécessaires et il faudrait refaire toute la scénographie ».

Résultat, personne n’a accepté jusqu’ici de reprendre à sa charge les 1,7 million d’euros assurés d’habitude par la CCI sur un budget annuel total de fonctionnement de 2,7 millions. Ce budget de fonctionnement comprend l’entretien des collections, les salaires et les acquisitions. Côté recettes, la billetterie, la boutique, le mécénat, les locations et le service culturel et pédagogique rapportent 1 million d’euros. Emmanuel Imberton, président de la CCI de Lyon (dont les effectifs ont été réduits de 10 pour cent suite à un plan social) se justifie avec force : « le gouvernement baisse nos ressources fiscales de 38 pour cent sur trois ans. Il a ponctionné 14,3 millions d’euros de notre fonds de roulement. On est une exception culturelle, la seule CCI à gérer un musée. L’Etat me met dans l’obligation de ne plus pouvoir faire face. Je vais le fermer. Ma priorité est d’aider les entreprises . »

Une nouvelle gouvernance partagée

Vendredi 22 janvier, Michel Delpuech, préfet de la région Rhône-Alpes -Auvergne , a donc réuni tous les acteurs concernés - à savoir l'Etat, représenté par la direction des musées au ministère de la Culture et de la Communication, l'inspection générale du patrimoine et la direction régionale des affaires culturelles (Drac) ; la chambre consulaire désormais métropolitaine, la Ville et la Métropole, la Région et le syndicat des industriels rhôdaniens du textile Unitex - pour trouver une issue à une situation bloquée. Quelques heures avant la tenue de cette réunion, Laurent Wauquiez, le nouveau président de la Région Rhône-Alpes-Auvergne avait déclaré vouloir tendre la main au maire de Lyon tout en concédant ne pas avoir d’idée précise de l’investissement attendu. La bonne volonté semblait donc de mise pour sauver le musée. Mais concrètement ?

Des partenariats réalistes, pourquoi pas avec des musées étrangers

Le préfet annonca au cours de cette réunion qu’il faut créer une structure juridique qui se substituera à la CCI, une nouvelle gouvernance partagée : « Le calendrier doit être de la CCI. Nous sollicitons la présence d’un représentant du Louvre. Mais que le Louvre prenne tout n’est pas souhaitable. Il faudrait une réflexion sur des partenariats réalistes, avec, pourquoi pas, des musées étrangers ».

Cette annonce exalta aussitôt les bonnes volontés : « si l’Etat et les collectivités s’impliquent », le président de la CCI se dit disposé de son coté à faire « don des deux hôtels particuliers à la nouvelle structure ». Idem chez Unitex où Pierre Chalvin, annonce que *« si l’Etat accepte de prendre le leadership, Unitex créera un fonds pour le financement d’acquisitions, d’activités de recherche et de formation ». Seule la ville et la métropole semble faire la fine bouche : « Les collections du Musée des tissus, il faut les faire vivre, affirme Georges Képénékian. Il faut 15 à 20 millions de plus pour la scénographie et 8 millions de travaux pour le Musée des arts décoratifs ! ». A titre de comparaison,** les charges de Confluences engloutissent à elles seules 15 millions d’euros par an. *Prochaine réunion dans vingt jours.

photos : Musée des Tissus, à Lyon, salle de la soierie lyonnaise au Premier Empire ; Robe de statue. France, vers 1750 ; Robe d'Enfant Jésus; Flandres ou Italie, fin du XVIIe siècle ou début du XVIIIe siècle pour la dentelle.

direction régionale des affaires culturelles
Drac
Musée des Tissus de Lyon
syndicat des professionnels du textile
Unitex