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Exposition : Olivier Theyskens modernise la dentelle à Calais

Par AFP

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Culture

Calais - Qu'y a-t-il de commun entre les tenues romantiques d'Olivier Theyskens et le graphite ? La dentelle, tissu fétiche du créateur belge fabriqué sur des métiers bruyants et lubrifiés à la poudre noire à Calais, dans le nord de la France.

Des porte-bobines, torsiomètres et sacs remplis de graphite sont délicatement posés au pied des robes en organza et dentelle, manteau composé de rubans ou tailleur pantalon décoré d'une étole dans l'exposition « In praesentia » à partir de samedi à la Cité de la dentelle et de la mode à Calais.

« La dentelle est un produit extrêmement compliqué dans la mise au point, les usines sont un univers très brutal et plein de poussière. On travaille comme il y a 100 ans pour fabriquer ce tissu délicat et précieux », explique à l'AFP le créateur, qui a été directeur artistique des maisons françaises Rochas, Nina Ricci et américaine Theory, avant de lancer sa propre marque. Pour la commissaire de l'exposition Lydia Kamitsis, « In praesentia » célèbre notamment un patrimoine et "des gens dont on parle peu", ceux qui produisent la dentelle.

Le visiteur assiste à la mise en fonctionnement d'un métier à tisser datant de 1907, une monumentale machine en fonte qui fait un bruit infernal. « On n'a pas fait mieux mécaniquement depuis. Ces machines, si elles sont entretenues correctement, peuvent servir 200-300 ans », explique Delphine Nicola, une responsable du musée situé au coeur d'une authentique usine de dentelles du XIXe siècle.

Seule modernisation : les cartes perforées qui définissent le dessin de la dentelle sont remplacées par le numérique. L'ordinateur a accéléré la création des motifs, qui prend une semaine contre 2-3 mois auparavant.

Toute intervention sur le métier est faite manuellement et on ne peut pas le lubrifier à l'huile car cela laisse des traces sur la dentelle. La poudre de graphite salit aussi, mais n'abîme pas le tissu, toutefois il faut sept heures pour faire partir les grains de poussières. Si un fil casse, l'étoffe est raccommodée à la main ou avec des machines à coudre.

« C'est du sur-mesure », souligne Mme Nicola, en ajoutant qu'une trentaine de métiers sont associés à la production de la dentelle.

La dentelle « ne se démode jamais »

« La dentelle ne se démode jamais vraiment », souligne Olivier Theyskens, 42 ans, qui est venu à cette matière par les vieux coupons et rubans trouvés dans les greniers de sa grande-mère en Normandie.

Il faut juste la présenter de façon décalée, comme l'avait fait Alexander McQueen avec des créations en dentelle coupée à une époque où les jeunes trouvaient le tissu « vieillot », estime-t-il.

Dans ses premiers souvenirs des années 80, la dentelle était « intimement liée à l'univers de la lingerie, de la féminité absolue et aussi au monde rock ».

L'une des rares pièces de la collection privée de cet autodidacte exposée à Calais est un corsage noir en satin de soie, dentelle et broderie de jais datant des années 1880, une « pièce d'étude » acquise à la brocante et qui a inspiré la couleur et la ligne de ses nombreuses créations qu'avaient portées Madonna, Nicole Kidman et Cate Blanchett.

Dans sa dernière collection, il a tenté de rendre la dentelle « abstraite » avec des modèles rebrodés avec des fibres très couvrantes et en jouant sur les superpositions.

La dentelle est « sous-utilisée par la création », estime le styliste. « On le perçoit de façon très canalisée- lingerie, ornement des robes, matière à fleurs- mais en réalité c'est une technique qui peut être utilisée pour beaucoup d'autres champs. Certaines tulles sportifs, certaines matières technologiquement avancées sont faits d'après les principes » des dentelliers.(AFP)

Crédit photos : Julien Claessens et Thomas Deschamps, dr

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