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A Mulhouse, le mystérieux "pillage" du Musée de l'impression sur étoffes

Par AFP

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Culture

Mulhouse, - “Le plus grand pillage d’un musée en France” ? A Mulhouse, les vols de milliers de pièces dans les réserves du Musée de l’impression sur étoffes (Mise), découverts en 2018, embarrassent, alors que l’enquête entamée il y a trois ans connaît un coup d’accélérateur.

Héritier de l’industrie textile mulhousienne jadis florissante, le Mise est une institution dans son domaine, riche d’une collection d’imprimés unique au monde. De renommée internationale, son Service d’utilisation des documents (SUD) est sans conteste sa grande originalité : cette bibliothèque textile, composée de livres regorgeant d’échantillons de tissus imprimés, est très prisée des chercheurs et des professionnels, qui viennent y puiser leur inspiration et paient pour utiliser ses motifs.

Parmi ses visiteurs : “Paloma Picasso, Pierre Frey, les maisons Ratti, Canovas et Zumsteg, Ikéa…”, énumère l’ancienne conservatrice, Jacqueline Jacqué, qui a officié au musée jusqu’en 2009.

“Vengeance”

Une belle réputation… écornée par les révélations sur des vols de pièces dans les réserves du Musée. Tout démarre en mars 2018, lorsqu’une célèbre maison d’enchères alerte le Mise : elle a reçu pour être vendus deux vases Gallé semblant provenir des réserves du musée.

Ces vases appartiennent à la Société industrielle de Mulhouse (SIM), qui siège au conseil d’administration du musée aux côtés de la collectivité Mulhouse Alsace Agglomération (M2A). Propriétaire du magnifique bâtiment XIXe qui abrite le Mise, la SIM y entrepose certaines de ses collections, dont ces vases.

Le directeur du musée, Eric Bellargent, dépose plainte début avril. Mais deux semaines plus tard, alors qu’il change une ampoule au Mise, il tombe d’une échelle et se tue. Un accident, conclura l’enquête… Fin avril, son délégué à la conservation, Jean-François Keller, est interpellé et reconnaît le vol des vases ainsi que ceux d’une centaine de carrés Hermès. Mis en examen pour vols et escroquerie, il est incarcéré quelques mois, puis libéré sous contrôle judiciaire.

Âgé de 60 ans, il est à ce jour la seule personne incriminée dans ce dossier, explique à l’AFP la procureure de la République de Mulhouse, Edwige Roux-Morizot. Son mobile? La “vengeance”. Il a agi par “dépit” de ne pas avoir été reconnu pour ses 33 années de travail au Mise dont il estimait être “l’âme”, explique son avocat, Me Marc Staedelin. Fin de l’histoire? Loin de là. Car l’ampleur des vols va vite s’avérer bien plus importante que ceux assumés par M. Keller.

Selon un audit interne au musée, que l’AFP a pu consulter, plus de 4 100 livres d’échantillons textile, sur 5 158, ont ainsi disparu. De même que 440 carrés Hermès, une centaine d’empreintes cachemire et près d’un millier de dessins, même si quelques pièces ont pu être retrouvées.

Le document évalue le préjudice total à plus de 2,7 millions d’euros. Mais selon Mme Roux-Morizot, il n’est pas encore “totalement établi”. C’est le Service d’utilisation des documents “qui a le plus souffert des disparitions”, explique à l’AFP Aziza Gril-Mariotte, maître de conférences en histoire de l’art à Mulhouse et présidente du Mise depuis juillet 2019.

“Pillage”

Dans un livre qui a fait beaucoup de bruit, (“Musée de l’impression sur étoffes de Mulhouse - Autopsie d’un pillage”, Médiapop Editions), l’ex-adjoint PS à la mairie de Mulhouse, Pierre Freyburger, va beaucoup plus loin : selon lui, trois des six millions de pièces du musée ont disparu dans ce qui serait “le plus grand pillage d’un musée en France”. Des chiffres “qui ne reposent pas sur des données fiables”, balaie Mme Gril-Mariotte.

Que sont devenues ces pièces ? Ont-elles été vendues ? A qui ? Par quels canaux ? M. Keller a-t-il agi seul ? Depuis le début, ce dernier soutient, sans nommer personne, qu’il “n’est pas le seul concerné” par les vols, glisse Me Staedelin. Selon les quotidiens régionaux Les Dernières Nouvelles d’Alsace et L’Alsace, des perquisitions ont eu lieu en février au musée et des auditions ont été menées par les enquêteurs de l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels et de la gendarmerie.

“Des actes ont été accomplis récemment sous l’impulsion du juge d’instruction”, a indiqué à l’AFP Mme Roux-Morizot. Le dossier prend “du volume”, a-t-elle assuré aux journaux alsaciens, qui écrivaient début mars que “de nouvelles mises en examen” étaient “à attendre dans les prochaines semaines”. Actuellement fermé en raison de l’épidémie de Covid-19, le Mise tente de sortir de cette crise : l’Etat, qui a déposé plainte, lui a dépêché une directrice scientifique pour poursuivre l’inventaire des collections, longtemps lacunaire. Tâche colossale tant le fonds reste, en dépit des vols, pléthorique.

“Les enjeux sont patrimoniaux, financiers et juridiques”, analyse Mme Gril-Mariotte, qui veut “tout mettre en oeuvre pour que l’équipe puisse travailler sereinement et que le code du patrimoine soit respecté”. (AFP)

Crédit : Unsplash, Ivann Schlosser.

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