Walter Van Beirendonck ou le model business d'un créateur des années 90
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Comment un créateur, sans le support d’un groupe et l’appui marketing qui va avec, peut-il aujourd’hui survivre dans la mode ? C’est la question que nous avons posée à Walter Van Beirendonck et à son équipe commerciale, à l’occasion de notre visite dans son showroom du Marais, lors de la Fashion Week Hommes juin 2023.
« Walter a été à la tête du département Fashion de l'Académie Royale des Beaux-Arts d'Anvers, c’est ce qui lui a permis de financer sa propre société, nous répond Susan de Groot, responsable commerciale. Mais il y a aussi le fait que de nombreux clients ont été fidèles, durant toutes ces années, à son style qui est unique et l’est resté. »
Dans les années 90, Walter Van Beirendonck a cédé à la proposition de Mustang. Une augmentation de moyens qui lui a permis de défiler dans le monde entier et de présenter à New York. Mais, finalement, le créateur belge, n’ayant plus le contrôle sur sa propre marque, a préféré se retirer pour retrouver, en 2002, son nom et un nouvel essor.
Sur les six d’Anvers, ne reste plus que Walter Van Beirendonck pour revendiquer l’héritage d’une marque créative et indépendante
Aujourd’hui, le créateur se satisfait de défiler lors de la Fashion Week Paris « parce que c’est pratique, à trois heures de route d’Anvers, et que les photos prises à cette occasion font le tour du monde ». La griffe mise tout sur sa créativité et le fait que chaque collection est différente. « Nous invitons la presse (85 pour cent des personnes sur place) et nos clients, qui ne peuvent être tous présents du fait que nous défilons le mercredi dans le calendrier officiel, ajoute Susan de Groot. Nous ne travaillons pas vraiment avec des VIP ou des célébrités. Nous n’avons pas les moyens d’habiller toutes ces personnes ou de leur donner gratuitement des vêtements. »
Leur marché est principalement américain, avec environ treize revendeurs. Des boutiques qui ont évolué avec la marque et savent exactement quoi acheter, car elles connaissent leurs clients. Mais aussi des magasins créés par une nouvelle génération, séduite par un style trop personnel pour se démoder. Le défilé hommes printemps été 2024 en est témoin.
« Rêvez grand, mais protégez notre humanité », Walter Van Beirendonck
Le show, intitulé Dawleetoo, en référence à une cité perdue dans la forêt tropicale hondurienne, évoque un monde qui se transforme à une vitesse fulgurante, dans lequel nous avons l'impression d'être utilisés comme des mannequins pour les crash-tests : « Où nous mènent les machines ? ».
Outre un style reconnaissable entre mille, le final montrait une parade de mannequins, recouverts de la tête aux pieds de sacs en plastique transparents, sur lesquels étaient dessinés des squelettes et figuraient les lettres d’un alphabet extraterrestre, comme pour une déclaration.
« Ce passage raconte tout ce qui ne va pas dans le monde de nos jours, explique Walter Van Beirendonck. Pendant que je créais ma collection, j’étais secoué par toutes ces choses que nous traversons (la pandémie, les désastres écologiques dus aux changements climatiques, les guerres) et, par-dessus tout, j’ai senti que la mode était aussi un champ de bataille. Je sais que certaines personnes ont peut-être été choquées ou offensées, mais c’est le privilège d’un artiste de pouvoir faire ce genre de déclaration. Je le vois comme une performance à la fin de mon fashion show. »
Depuis 2022, le créateur s'est retiré de l'Académie royale des beaux-arts d'Anvers.
Erratum : Walter Van Beirendonck n'est pas, comme cela était précédemment indiqué, à la retraite. Le créateur s'est simplement retiré de l'Académie royale des beaux-arts d'Anvers. D'autre part, la marque a retrouvé un nouvel essor en 2002 et non 2022, comme cela était précédemment mentionné dans le 3e paragraphe.