Victoria / Tomas : « Nous sommes fiers de notre indépendance mais nous sommes ouverts à différents projets »
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Dix ans, pour une marque de mode créateur, signe une certaine stabilité. Victoria Feldman et Tomas Berzins ont fêté l’anniversaire de leur griffe lors de la Fashion Week Paris, fin septembre 2022, à l’occasion de la présentation de leur collection printemps /été 2023. Ce fut l’occasion, aussi, de les rencontrer et de leur demander le ou les secrets de leur longévité. Réponses en c(h)œur.
Comment la marque Victoria / Tomas a-t-elle démarré ?
Victoria Feldman et Tomas Berzins : Nous nous sommes rencontrés sur les bancs de l’école Esmod, en 2009. Nous étions dans des classes différentes mais, étant en couple, nous nous aidions mutuellement. Nous avions la même vision de la mode et avons compris qu’il était beaucoup plus intéressant de travailler sur un projet en commun. En 2011, nous devions concevoir une collection pour obtenir notre diplôme de styliste/modéliste. Nous avons demandé à la direction de la signer à deux sous le nom de Victoria/Tomas. Après l’obtention, Tomas a travaillé à New York chez Alexander Wang et Victoria à Paris dans différents bureaux de style. La marque Victoria / Tomas a été enregistrée à la Chambre de Commerce le 7 septembre 2012.
Que souhaitez-vous apporter à la mode ?
Victoria / Tomas est un dialogue entre un homme et une femme. Deux visions différentes, alimentées par deux backgrounds très décalés. Le parcours de Victoria, au sein de plusieurs écoles d’art, est plus raisonnable. Tomas est plus expressif, il écoute du rap et est plus street. Victoria/Tomas, c’est le masculin/féminin raconté par deux jeunes. Comment mixer un « plus sexy avec un plus protecteur », un « plus doux avec plus agressif ». Aujourd'hui on retrouve ce « masculin / féminin », dans nos pièces réversibles, où un côté est plus workwear et masculin et l’autre plus habillé.
Comment fonctionne votre duo ?
Le process créatif est partagé. Tomas est plus technique, Victoria gère plutôt l’organisation.
Quel est votre business model ?
Nous avons lancé notre marque avec nos économies. Pour notre premier Noël ensemble, on s'est offert un cadeau commun : une machine à coudre industrielle. Nous ne cherchions pas des partenaires financiers, car nous voulions garder notre indépendance. Aujourd’hui nous disposons d’une équipe qui évolue en fonction des besoins du calendrier. Nous sommes fiers de notre indépendance mais, pour faire grandir la marque dans les années à venir, nous pourrions réfléchir à différents projets.
Quelles ont été les étapes fortes de votre parcours ?
Nous avons été finalistes du Festival de Hyères en 2013. En 2015, nous avons intégré le showroom Designers Apartment (N.D.L.R. : aujourd’hui nommé Sphère), organisé par la FHCM et le Défi. Nous y avons reçu le coaching de Patricia Lerat. Elle nous a aidés à trouver la bonne direction. Nous avons beaucoup parlé de nous en tant que personnalités, de notre vision, de ce qu'on aime et ce qu'on n’aime pas. De ce que l’on souhaite partager via nos collections. Patricia nous a invités à suivre notre chemin sans ajouter d'extras inutiles. En tant que jeunes créateurs, on regarde beaucoup ce que font des marques plus importantes, pour faire des collections pour riches. Mais, parfois, c'est inutile et il faut juste parler de ce qui nous est proche. Pour nos défilés, nos équipes, directeurs de casting, photographes, coiffeurs et make up teams sont devenus nos amis et nous ont beaucoup soutenus dès les débuts.
Comment produisez-vous vos vêtements ?
Nos matières viennent d'Italie. Nous travaillons avec des fabricants et des usines qui véhiculent une histoire de père en fils. Partage, respect et savoir-faire sont importants. Pour la fabrication, nous avons notre propre atelier à Paris, dans le 19e arrondissement. Nous pouvons tout faire, à part la maille, et nous sous-traitons les sacs et les chaussures.
Quel type de clientèle visez-vous ?
La question qu’on déteste : la femme Victoria / Tomas a quel âge ? On ne s'est jamais donné des limites. On ne souhaite pas avoir de cadres. Nos look books ont été shootés sur la cousine de Victoria qui a 14 ans et, en même temps, portés par les mamans des créateurs. Notre gamme de produits est répartie comme suit : chemises (400-600 euros), robes (620-900 euros, 3 000 euros pour des pièces artisanales), pantalons/jupes (300-700 euros), outwear (520 – 1 300 euros).
Comment est organisée votre force commerciale ?
Après Designers Apartment, nous avons été représentés par un showroom multimarques en France et en Italie, mais on a vite compris qu'on y perdait notre identité. Nous avons donc ouvert nos propres showrooms, à partir de mars 2020. Nous avons un e-shop et sommes représentés par près de cinquante boutiques. Nos marchés les plus forts sont l’Asie, les USA (Neiman Marcus, Market Center à Dallas, Ikram à Chicago, Joan Shepp à Philladelphie) et le Moyen-Orient (Harvey Nichols et Al Ostoura au Kuwait, Ounass Dubai et online).
Quels sont vos best sellers ?
Les chemises et les blazers. Les best sellers sont toujours les pièces les plus visuelles et les plus compliquées en termes de design. Les clients recherchent la perle rare ou un design original et c’est précisément ce qu'on aime faire : des vêtements compréhensibles et portables mais toujours avec un design différent.
Quid des partenariats avec d’autres labels ?
Nous collaborons avec La Redoute, Chantelle – marque pour laquelle nous avons intégré la capsule Chantelle X dans notre collection printemps été 2023 - et différentes marques en Chine pour lesquelles nous faisons du consulting
Quel thème avez-vous choisi pour votre dixième anniversaire ?
La collection, comme le livre, s'appelle « Decade of Love ». On a retravaillé le symbole du coeur. Le show a été ouvert par Victoria et son fils Rain, les deux habillés en blanc. Un message très simple et très fort. Une femme avec son enfant. La force et la pureté. La paix. Ce qu'il nous faut pendant ces temps difficiles. Mais aussi une nouvelle page, une nouvelle décade qui commence.
Quel était le but d’autoéditer un livre anniversaire ?
Pour célébrer nos dix ans, nous avons sélectionné parmi plus de 60 000 photos illustrant notre histoire, des images inédites de work in progress et behind the scene. Nous voulions partager notre histoire, inspirer les gens et montrer que tout est possible.
Quels conseils donneriez-vous à une jeune marque créateur ?
Être honnête avec les gens et avec soi-même. Ne pas créer des fausses histoires Et, surtout, beaucoup travailler. Si ça ne marche pas, il ne faut pas le prendre comme un signe comme quoi « ce n'est pas le bon chemin ». Le marché est bien rempli, mais il ne sera jamais plein. Il y aura toujours de la place pour quelqu’un de jeune, motivé et passionné.