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Vertbaudet : en deux mois de grève, des femmes devenues symboles des bas salaires

Par AFP

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Marquette-lez-Lille (France) - "Tant qu'il n'y aura pas d'augmentation de salaires, aucune fille ne rentrera !": en deux mois de mobilisation dans un climat tendu, les grévistes de l'enseigne de puériculture Vertbaudet, essentiellement des femmes, sont passées de syndicalistes débutantes à emblèmes de la lutte contre les bas salaires.

Elles boivent du café sur des chaises pliantes devant leur entrepôt de Marquette-lez-Lille (Nord), près d'un fourgon de police. Plus de tente sur le piquet de grève : il a été évacué une semaine plus tôt en raison de "troubles à l'ordre public". Pas de quoi entamer la détermination de ces 70 grévistes (sur 320 salariés), qui reste, elle, intacte.

Unies depuis le 20 mars derrière la déléguée CGT Manon Ovion, préparatrice de commandes de 30 ans, elles réclament 150 euros nets d'augmentation par mois. Une somme "vitale" pour ces femmes souvent peu qualifiées, qui touchent majoritairement le Smic, parfois même après 40 ans d'ancienneté, dans un contexte de forte inflation.

"Je me prive beaucoup pour éviter d'être trop dans le rouge", résume l'une d'elle, Anaïs Vanneuville, mère d'un petit garçon de 5 ans. Dans ses mains, un tupperware fait office de caisse de grève. "J'ai trois jours (de congés) d'ancienneté, mais pas de prime d'ancienneté", se désole Christine, 54 ans, brodeuse depuis 17 ans chez Vertbaudet. Elle s'interroge : "Que met le patron sur la table pour que j'ai une retraite un peu plus digne dans sept ans ?"

Violente intrusion

Elle qui n'a jamais été syndiquée vient de s'encarter à la CGT. Selon Manon Ovion, le syndicat a enregistré une cinquantaine d'adhésions depuis le début de la grève. Bien que minoritaire face à FO et à la CFTC, qui ont eux signé en mars les négociations sur les salaires (NAO), le nœud du conflit, la CGT mène le mouvement.

La visite mi-avril de la nouvelle secrétaire générale du syndicat, Sophie Binet, venue appeler au boycott de l'enseigne, a apporté un coup de projecteur. D'autres personnalités de gauche se sont succédé sur le piquet de grève, dont Jean-Luc Mélenchon, dernier en date, venu exprimer lundi sa "solidarité absolue". Mais derrière cette valse médiatique, les tensions vont croissant depuis le début de la grève.

Après la venue de Sophie Binet, la direction a imputé à des éléments extérieurs à l'entreprise une violente intrusion dans ses locaux. La CGT dénonce, elle, les brutalités d'un policier contre une gréviste pendant l'évacuation du piquet de grève et "un camarade tabassé" en garde à vue.

Une enquête du parquet est par ailleurs ouverte après des violences rapportées par un délégué CGT, qui aurait été frappé par des personnes se présentant comme des "policiers en civil", selon le syndicat.

"C'est pas le bagne"

Dans ce climat très tendu, la direction accuse les grévistes d'être "instrumentalisés" et leur reproche de contraindre les 250 non-grévistes à "travailler dans des conditions dégradées (...) en raison des blocages et violences répétées".

"Cette grève est allée beaucoup trop loin", abonde l'une d'elle, Caroline Binot, 22 ans chez Vertbaudet, qui décrit des salariés la peur au ventre face à une possible intrusion. "C'est pas le bagne et on est quand même 17 pour cent au-dessus du Smic, on a un 13e mois", lance-t-on chez FO, au soutien des non-grévistes, qui "se font menacer moralement, physiquement" quand ils entrent sur le site. Le délégué CFTC Alexandre Lemahieu dit, lui, comprendre le mouvement mais juge que "la situation aurait été pire" sans l'accord NAO, qui prévoit notamment une prime de 650 euros en 2023.

Sur leur piquet de grèves, les femmes présentes jurent qu'elles tiendront "le temps qu'il faut". Elles ont encore balayé lundi de nouvelles propositions de leur direction. L'une d'elle, Aurore Tonnelle, espère que son combat motivera "d'autres femmes qui ont peur et qui ne savent pas comment faire pour se battre pour leurs droits". (AFP)

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