Une juge américaine bloque l'union Tapestry/Capri, qui devait créer un géant de la mode
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New York - Une juge fédérale a bloqué jeudi l'acquisition du groupe de prêt-à-porter multimarques Capri, propriétaire notamment de Michael Kors et Versace, par son concurrent Tapestry, au motif que cette union affaiblirait la concurrence.
Cette décision, publiée par le tribunal fédéral de Manhattan, constitue un succès pour l'Autorité américaine de la concurrence, la FTC, qui avait saisi la justice pour empêcher ce rapprochement, censé créer un géant de la mode. Tapestry a qualifié ce jugement de "décevant" et "incorrect sur le plan des faits et du droit", dans un communiqué transmis à l'AFP, l'entreprise indiquant son intention de faire appel.
Sollicité, Capri n'a pas donné suite dans l'immédiat à ce jugement, qui intervient après trois semaines de procès en septembre. La nouvelle a dynamité le cours de Bourse de Capri, qui perdait plus de 46% dans les échanges électroniques postérieurs à la fermeture de la Bourse de New York.
Le titre Tapestry, en revanche, gagnait plus de 13%, plusieurs analystes ayant considéré le prix proposé par le groupe comme trop élevé. Annoncée initialement en août 2023, cette opération devait permettre à Tapestry de constituer un portefeuille de marques de premier plan. Déjà détentrice des maisons de mode Coach et Kate Spade, ainsi que du chausseur Stuart Weitzman, la holding new-yorkaise mettait 8,5 milliards de dollars sur la table pour y ajouter Michael Kors, Versace et un autre chausseur, Jimmy Choo.
Sur son exercice décalé 2024, achevé fin mars, Capri a dégagé un chiffre d'affaires de 5,2 milliards de dollars, contre 6,7 pour Tapestry sur son année fiscale clôturée fin juin. Plus de six mois après l'annonce, la FTC s'est décidée à agir contre ce rachat, qui risquait notamment d'assurer, selon elle, une position "dominante" au groupe fusionné sur le marché des sacs à main "dans le luxe d'entrée de gamme".
Coach et Kate Spade sont, à l'origine, des créateurs de sacs à main, tandis que Michael Kors est devenu un acteur important sur ce marché.
Industrie "fragmentée"
L'ouverture d'une procédure civile avait surpris car les actions des pouvoirs publics pour empêcher des rapprochements dans la mode sont rares, le marché étant généralement considéré comme très éclaté, sans risque de position dominante.
La magistrate Jennifer Rochon est allée dans le sens de la FTC, estimant qu'un mariage "mettrait fin au face-à-face entre deux concurrents directs", selon la décision publiée jeudi. "Il existe des preuves selon lesquelles cette fusion amoindrirait la concurrence", a poursuivi la juge fédérale. C'est un camouflet pour Tapestry qui ambitionnait de "créer un puissant groupe mondial de marques de mode et de luxe", avait expliqué, en août 2023, la directrice générale Joanne Crevoiserat à la chaîne CNBC.
Longtemps cantonné aux sacs et maroquinerie, Coach a pris son envol au début des années 2010. La maison new-yorkaise a lancé une ligne de prêt-à-porter en 2014, puis racheté Stuart Weitzman en 2015, et Kate Spade en 2017.
Pour conclure cette première phase de croissance, le groupe avait choisi de se rebaptiser Tapestry, distinguant la holding de la marque Coach, devenue une enseigne au sein d'un portefeuille plus large.
Tapestry a ensuite cherché à glisser dans son escarcelle Capri, une entreprise aux résultats jugés décevants et au cours de Bourse déprimé. Les trois marques de Capri ont vu leur chiffre d'affaires se contracter l'an dernier, en particulier Michael Kors (-9%).
Jadis prisé d'une clientèle exigeante, Michael Kors a vu son image se détériorer ces dernières années, pénalisée par une stratégie marketing incertaine et des rabais à la pelle.
Lors de la présentation des résultats, en août, Joanne Crevoiserat s'était dit confiante dans la capacité de Tapestry à "revigorer" Michael Kors. "Tapestry et Capri évoluent dans une industrie intensément concurrentielle (...) et très fragmentée", a fait valoir Tapestry jeudi. "Nous continuons de penser que cette transaction est favorable à la concurrence et aux consommateurs." (AFP)