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"Un beau trophée qu'on va dépecer" : l'avenir de Clergerie inquiète

Par AFP

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CLERGERIE

Paris - L'avenir de Clergerie, l'un des derniers fabricants français de chaussures, est suspendu à une décision judiciaire scrutée par ses salariés mais aussi le monde de la mode et son fondateur historique qui craint qu'on ne "dépèce" la marque, qui s'était fait une place jusqu'à Hollywood à son apogée.

"Ça m'a fait beaucoup de peine, c'est le travail d'une vie, c'était quand même mon affaire" : le placement en redressement judiciaire de Clergerie fin mars a "ému, touché" Robert Clergerie, fondateur de la marque portant son nom - créée en 1981 et qu'il avait cédée en 2011.

"Et puis il y a les ouvriers, le personnel, il y a des gens de qualité qui ont le tour de main... Ils savent très bien que je ne peux pas faire grand-chose, même si ça m'intéresse que l'affaire redémarre", résume le chausseur, âgé de 89 ans, auprès de l'AFP.

Le tribunal de commerce de Paris doit examiner le 14 juin les dossiers de reprise. Aucun candidat ne s'est publiquement exprimé à ce jour : cinq offres, partielles, que l'AFP a pu consulter, avaient été déposées entre fin avril et fin mai auprès du greffe, mais certaines ont été retirées depuis et l'incertitude demeure quant au maintien des autres.

Au-delà de l'usine et des salariés, pour lesquels "il y a peut-être un vague espoir, très faible" de reprise, "la marque Clergerie va bien sûr être vendue", estime Robert Clergerie car "elle a encore une valeur, c'est un beau trophée qu'on va dépecer, et c'est ce que je voudrais éviter".

"On a peur"

Quelque 160 salariés au total travaillent pour Clergerie, dont une quarantaine dans les magasins et environ 90 à l'usine située à Romans-sur-Isère (Drôme). "On a peur, on sait que tout le personnel ne va pas être repris", confie Valérie Treffé-Chavant de la CFE-CGC.

Sur le réseau LinkedIn, le fils du fondateur Damien Clergerie a appelé les grands groupes de luxe (LVMH, Chanel, Kering et Hermès) à s'intéresser au chausseur et le ministre de l'Economie Bruno Le Maire à soutenir la marque. Cet appel a trouvé écho auprès de plus de 6.000 personnes dont de nombreux chefs d'entreprise. Certains d'entre eux ont suggéré une transmission de l'entreprise aux salariés via une société coopérative et participative (SCOP).

"On aurait dû y penser dès le début (du redressement judiciaire)", regrette Sandrine Martorana, syndicaliste FO qui travaille depuis 24 ans pour Clergerie. Désormais, "c'est un peu court" pour se retourner, déplore-t-elle. Selon la syndicaliste, "les gens sont attachés à l'usine, c'est familial", avec des salariés très "atteints" par le redressement, d'autant que certains travaillent ensemble depuis parfois près de 40 ans. Et puis, "il y a un vrai savoir-faire, c'est tellement dommage que ça se perde", se désole-t-elle.

Jusqu'à Hollywood

Clergerie, tout comme Stéphane Kélian et Charles Jourdan, reste un des noms emblématiques de la chaussure française et de son berceau Romans-sur-Isère. Pendant son âge d'or, la maison avait exporté ses souliers jusqu'à Hollywood, et sa boutique historique du centre de Paris, rue du Cherche-Midi, vendait jusqu'à 11.000 paires par an. Mais après un rachat hasardeux et des difficultés financières, Robert Clergerie avait cédé sa marque une première fois en 1996 à un consortium d'investisseurs.

Resté actionnaire à hauteur de 10 pour cent, il avait racheté sa propre affaire en 2005, à 70 ans, avant de prendre sa retraite sept ans plus tard et de la céder au fonds d'investissement hongkongais First Heritage Brands, qui avait maintenu la production locale des modèles dans l'atelier de Romans-sur-Isère. En 2020, le chausseur avait été revendu au fonds French Legacy Group, placé en redressement judiciaire le 29 mars. (AFP)

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