Un an après sa reprise, la chaussette Kindy ne tient plus par un fil
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Racheté il y a un an après avoir été proche de la disparition, Kindy, qui se vantait de produire "les chaussettes qui ne se cachent plus", croit à nouveau en son avenir dans son usine historique située dans un village picard.
"L'année dernière, je pensais que, cette fois, c'était fini après plusieurs vagues de licenciements. Tout doucement, ça se relance", explique, dans le vacarme des machines à tricoter, Patrick Duchaussoy. Cet ouvrier qui effectue quotidiennement près de 5.000 fois le même geste lors du formage -les chaussettes sont placées manuellement sur des pièces en forme de pied- a craint de se retrouver "à la case chômage" à 56 ans... dont 40 à l'usine. A une centaine de mètres de l'église de Moliens, village de 1.100 âmes au milieu des champs, l'usine en briques abrite depuis 1966, rue des Bonnetiers, la marque Kindy, dont le nom est un clin d'oeil vaguement homophonique à la famille Kennedy, symbole alors de modernité.
Aux grandes heures de l'usine, 800 employés s'activaient sur les machines. Le village était tout entier à l'heure Kindy, y compris le club de tennis local, baptisé... Tennis club Moliens Kindy.
Avec des affiches humoristiques et décalées qu'on imaginerait difficilement dans la France de 2018 et un slogan choc, la marque "est devenue très connue, faisant partie du patrimoine industriel français", note le directeur industriel Charles Damand, 53 ans. Parmi ces publicités des années 1970 figure celle, étonnante, mettant en scène Arnold Schwarzenegger devant un paysage alpestre, muscles saillants et chaussettes bleues Kindy bien en vue.
Mais, au gré de l'évolution du marché, de la concurrence, de la désindustrialisation dans les Hauts-de-France et des "erreurs de gestion", la marque a "dépéri lentement", glisse l'un des deux repreneurs Thierry Carpentier, 45 ans, originaire de Troyes, bastion du textile français.
Attirer les moins de 40 ans
Persuadé que la marque "peut repartir", M. Carpentier estime "qu'il y a de la place pour la fabrication française de chaussettes".
Car, selon M. Damand, il existe bien "un savoir-faire" tricolore en la matière, notamment "les produits spécifiques sport, avec des complexités de maille" et la mode avec "une qualité de style".
Preuve d'un signe de retournement de tendance, les repreneurs espèrent finir l'année "à l'équilibre avec un petit bénéfice", ce qui serait une "énorme victoire", pour un chiffre d'affaires d'une quinzaine de millions d'euros. A l'été 2017, "c'étaient eux (les repreneurs) ou la fermeture", rappelle Dany Cottet, secrétaire FO du Comité d'entreprise.
Lors du changement de direction, 60 employés ont été repris: ils sont désormais 108, note la direction, dont de nombreux anciens de Kindy qui s'étaient retrouvés à Pôle Emploi.
Autre signal positif, "1,2 million de paires produites (à Moliens) contre 400.000 avant la reprise", relève Salih Halassi, un des deux dirigeants de "Kindy Project", qui détient également les marques Achile et Thyo ainsi qu'une une licence pour Le Coq sportif. Car, si les nouveaux repreneurs ont tenté de sauver le "made in France", la majeure partie de la production -près de 90 pour cent- reste réalisée à l'étranger, principalement en Turquie, mais aussi au Portugal, en Italie et en Chine, et vendu essentiellement en grande distribution. En tout, Kindy vend annuellement en France entre 12 et 15 millions de chaussettes, sur un total estimé de 265 millions de paires écoulées dans l'Hexagone.
Pour réussir son pari, la nouvelle direction doit s'atteler également à un autre défi: rajeunir son image. "Tous les gens de plus de 40 ans connaissent la marque mais ce n'est pas le cas des moins de 40 ans", reconnaît Julie Coëne, directrice de la communication.
Aussi, le mannequin français Baptiste Giabiconi, 28 ans, "qui a une image populaire et accessible", a été appelé à la rescousse pour présenter une mini-collection fin novembre à Paris.(AFP)
photo: Kindy, Facebook