Textile, habillement: les (vrais) bonnes idées de collaboration
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Le « co-branding », la « collab’ » : rappelez vous, c’est il n’y a pas si longtemps. Une époque où ces mots étaient synonymes de potentialités nouvelles et disruptives, de détonateurs d’énergie, de catalyseurs chimiques entre deux univers que personne jusqu’alors n’avaient eu l’idée de rapprocher. Or, que reste-il de cette excitation du temps jadis ? Rien de comparable tant le concept a été utilisé, usé jusqu’à la corde en une décennie. Prononcez cette phrase : « eh il y a une nouvelle collaboration entre… » , arrêtez de parler, regardez votre interlocuteur : oui, apres un soupir de désolation, vous l’avez bien vu lever les yeux vers le ciel: il est consterné d’avance. Car la collab’ est synonyme aujourd’hui, dans tous les cœurs, de traquenard poussif, pondu machinalement par une équipe marketing aux méninges esquintées par la frénésie des collections à promouvoir.
Pourtant les merveilleuses potentialités de la coopération dans le domaine de la mode, du textile et de l’habillement sont vastes. Encore faut-il qu’elles conservent et diffusent ce qui constituent leur essence et leur vocation première : à savoir l’innovation et la créativité.
Depuis 2002, un laboratoire réunit industriels et experts de la filière textile, mode mais aussi art de vivre et industrie, en lien avec l’IFM. Ce laboratoire s’appelle le R3iLab, anciennement R2ith. Un nom austère qui désigne pourtant une stimulante initiative du Secrétariat d’Etat à l’Industrie destinée à rassembler des acteurs autour de projets concrets d’innovation collective, et à accompagner les entreprises afin de les aider à lancer de nouveaux produits véritablement novateurs.
Parmi les différents programmes développés par le R3iLab, une initiative particulièrement intéressante fut lancée en 2010 par les membres du réseau. Une initiative baptisée Scenarii 2020 qui comme son nom le suggère était résolument tournée vers l’avenir. premier objectif d’inviter des industriels du secteur textile habillement à se réunir périodiquement pour discuter de leurs visions de la consommation et des usages futurs.
Définir les réponses du textile aux comportements à l’horizon 2020
Ces rencontres ont nourri 2 nouveaux programmes prospectifs « à vocation marchés » : deux programmes baptisés Futurs immédiats et Connectitude. 10 produits et solutions ont émergés. Cinq trinômes composés de chefs d’entreprises, de designers et d’experts marketing avaient combiné pour l’occasion savoir-faire internes, technologies externes, apports design et marketing. Le champ couvert était vaste et ambitieux puisqu’il portait sur l’ensemble de la filière : des textiles techniques à la mode et à la décoration. Tous les métiers représentatifs de la chaine de valeur du secteur (de la production de fibres à la distribution) furent associés à ces réflexions qui mobilisèrent un groupe de 80 experts pendant 8 mois. Il s’agissait ni plus ni moins de définir les réponses du textile aux comportements à l’horizon 2020. Les 5 projets de Futurs Immédiats ont pour vocation à répondre aux tendances de consommation avec des produits du futur liés aux marchés de demain : énergies renouvelables, e-commerce, nouveaux modes de production industrielle et économie circulaire. Les 5 projets de Connectitude ont pour but de développer les fonctionnalités des textiles grâce aux technologies connectées dans les univers événementiel, médical, bien-être et logistique.
Un projet concerne l’énergie renouvelable : il s’agit de développer un textile biosourcé, diffuseur de chaleur douce. Les entreprises Lemaitre Demeestere et Bouchara, couplées avec les designers Sheila Kennedy, KVA Matx, utilisant une technologie prodiguée par MCP ont développé une écharpe, un masque de détente, une sacoche d’ordinateur et un rideau en lin diffuseurs de chaleur et/ou de fraîcheur douce se rechargeant sur les sources de chaleur « perdues » du quotidien : soleil, radiateur, ordinateur.
Autre exemple, le maroquinier Dognin, avec Veronique Maire utilisant une technologie concue par Centrale Lille et l’Univertisé d’Orsay ont imaginé, à partir d’un brevet de cuir à mémoire de forme, permettant un volume 3D sans couture, tout le développement d’un process industriel : un sous main dissimulateur de techno (par Alice Baraud et Clara Marcenac), un porte manteau nomade et ses cintres 3D (par Adeline Faveau), un luminaire : autant d’items prouvant la possibilité de passer intelligement d’un mode de production artisanal à un mode industriel pour diversifier l’offre produits. Autre projet remarquable issu des forces conjuguées de la société Les Tissages de Charlieu avec le designer Eugeni Quitllet : un sac produit en économie circulaire en toile recyclée et recyclable, produit à 100 pour cent dans l’entreprise, en 1 seule pièce, sans couture, fermé par un clip lui aussi en plastique recyclé.
Les dix projets issus de ce programme sont visibles en video sur le site internet du R3ilab. En les consultant, on comprend mieux les vagues d’enthousiasmes qu’a soulevé leur présentation, au Hall 4 de la dernière édition du salon Première Vision le 14 septembre dernier.
crédits photos: Nicolas Tilly