Textile durable : les Hauts-de-France possibles « moteurs du changement »
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Lille, - Longtemps prospère puis en déclin, l'industrie textile des Hauts-de-France est en train de « muter », portée par l'engouement pour le durable et le made in France, et pourrait devenir « moteur du changement », estiment Isabelle Robert et Maud Herbert, chercheuses à l'Institut du marketing et du management de la distribution, à l'université de Lille.
Elia Vaissiere pour l'AFP : Le virage du textile vers une industrie plus éthique et éco-responsable se fera-t-il dans les Hauts-de-France ?
Maud Herbert : Il y a une vraie volonté et une conjonction de phénomènes. La région concentre toujours d'importants acteurs du textile de masse, comme Idkids, Happychic, Auchan, Kiabi... Depuis environ cinq ans, un certain nombre réfléchissent à cette problématique. C'était au départ un petit dossier, confié au responsable de la qualité, à la direction du développement durable... mais qui se rapproche de plus en plus des directions et s'accompagne parfois d'une volonté de changer de modèle économique.
De gros acteurs institutionnels s'engagent : la Région, la Métropole européenne de Lille ou encore l'Agence de maîtrise de l'énergie (Ademe), qui subventionnent des projets, des recherches sur les filières de valorisation des déchets, les procédés de recyclage, des études prospectives... Le textile redevient un axe stratégique.
On a un alignement des planètes qui favorise le secteur et fait de la région un territoire moteur. Paris reste la référence ultime pour la mode, mais si on veut toucher la plus grande partie des consommateurs, c'est le tissu de production, localisé dans les Hauts-de-France, qui doit avancer. Cette mode responsable-là a un vrai potentiel de démocratisation pour sortir d'une niche de marché, souvent qualifiée de « boboisante », qui l'empêche d'évoluer.
Les industriels jouent-ils réellement le jeu ?
Isabelle Robert : On n'est pas encore dans des business-model qui visent à réduire les volumes, mais dans une vraie dynamique sur deux axes: l'utilisation de matériaux biosourcés, comme le lin, cultivé ici, et la filière recyclage, devant encore être structurée.
La Redoute, par exemple, ou Auchan commencent à développer cela, s'aperçoivent que le proche import permet d'être plus réactif. On va rapidement voir se développer, dans toutes les entreprises, des gammes spécifiques en lin, avec du mix de fibres naturelles, du coton bio. Même si, au départ, ce sera cantonné à des gammes « vitrines ».
Des enseignes travaillent avec le Centre européen des textiles innovants, à Tourcoing, et l'Ecole d'ingénieurs textile, à Roubaix, pour aller vers des fibres en polyester recyclé, améliorer le recyclage des fibres naturelles... Toutes se dotent aussi d'une plateforme de vêtements d'occasion (permettant de déposer ses vieux vêtements contre des bons d'achat par exemple), certaines de location de vêtements, parfois aidées par des start-up.
Ces mutations peuvent elles être rentables, redynamiser le secteur ?
Maud Herbert : Il y a de toute façon une urgence pour le marché : selon une étude récente, 44 pour cent des consommateurs ont récemment réduit leurs achats vestimentaires, 40 pour cent d'entre eux avec une démarche volontaire. Les acheteurs sont de plus en plus sensibles aux questions écologiques, cela pousse les entreprises à réviser leur modèle.
Ce sont encore des signaux faibles, mais on note un début de relocalisation de la production de certains produits, une restructuration de filières. Les enseignes testent plein de choses, sans savoir exactement quels modèles émergeront, mais ça bouge !(AFP)