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Splendeurs et décadences de la maison Tati

Par Herve Dewintre

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Depuis vendredi dernier, Tati est officiellement en cessation de paiement. Ce ne sera pas la première fois puisque c’est à la barre du tribunal de commerce que son propriétaire actuel, le groupe Eram, avait repêché cette grande enseigne française en 2004. En vain, puisqu’en treize années, Tati n’aura jamais véritablement réussi à renouer avec les bénéfices. Sa clientèle historique préfère désormais H&M ou Kiabi.

La période glorieuse de Tati s’étale de 1948 à 1982. Elle se confond avec la vie de son fondateur Jules Ouaki, sellier juif sépharade tunisien établi en France après la seconde guerre mondiale. L’enseigne fut inaugurée en 1948 dans le quartier Barbès à Paris. C’était une modeste boutique de 50 m2. Jules Ouaki disposait d’un merveilleux sens du commerce au détail : ses méthodes de présentations de la marchandise étaient originales ( tout était vendu en vrac dans des bacs), son slogan accrocheur (« Tati, les plus bas prix ») et bien sur son célèbre logo représentant des chiffres bleus sur fond rose évoquait à merveille l’allégresse des années Bardot. A sa mort en 1982, son magasin s’étalait sur 2800 m2 le long du boulevard de Rochechouart. Entretemps, ce grand entrepreneur avait implanté Tati dans d’autres quartiers parisiens, rue de Rennes, aux abords de la place de la République, mais aussi à Marseille et à Lyon.

A la mort de Jules Ouaki en 1982, son fils cadet reprit l’enseigne et aligna une succession de mauvaises décisions (Tati Or, Tati phone, Tati Optic, implantation d’une boutique de robe de mariées sur la 5eme Avenue à New York) qui amorcèrent le déclin du bazar bon marché. Des 1995, l’impensable se produisit : les premières pertes d’exploitation firent leur apparition. H&M, Zara et Babou firent le reste en s’accaparant de manière définitive le segment porteur des vêtements bon marché. De fil en aiguille, la société Tati SA se déclara en cessation de paiement, en aout 2003.

Il fallut alors plus de dix mois pour retrouver preneur, faute de conciliateur. L’enseigne fut finalement rachetée en 2004 par Veture, filiale du groupe Eram, pour 10 millions d’euros payables comptant, auxquels s’ajoutèrent 4, 5 millions d’euros pour les stocks. Trois ans plus tard, Tati fut repris à 100 pour 100 par le groupe Eram Celui-ci décida d’une part, - avec bon sens - de faire abandonner à Tati toutes ses diversifications incohérentes. D’autre part, (et cette décision fut moins heureuse), il fit disparaître les fameux bacs à fouille au profit d’une présentation en rayonnage, tout en opérant une montée en gamme, si contraire à l’esprit originel de Tati. Malgré toutes les tentatives du groupe Eram, Tati ne refit jamais connaissance avec les bénéfices.

Sept repreneurs éventuels pour Tati

Un premier mandat de vente fut confié en 2015 à Natixis. Aucune proposition ne convint les frères Bioteau, qui sont les principaux actionnaires familiaux d’Eram. En février 2017, le groupe Eram (1,6 milliards de chiffre d’affaire) enfin résolu à céder cette affaire déficitaire, mit en vente sa filiale dAgora (Tati, Giga Store, Degrif'Mania et Fabio Lucci) qui affichait 65 millions de pertes pour 354 millions de chiffre d’affaires. Dans le but vraisemblable d’améliorer cette cession, le groupe Eram a choisi la voie de la cessation de paiement. Un probable redressement judiciaire sera surement ouvert au cours de la semaine du 1er mai. Deux administrateurs judiciaires devraient être nommés au tribunal de commerce de Bobigny.

Tati compte 1700 salariés. C’est le tribunal qui jugera - et non les frères Biotteau – de la qualité des offres proposées par les repreneurs. La plupart de créanciers ne seront surement pas remboursés. C’est le nombre d’emplois gardés qui sera déterminant, à offre comparable. Sept candidats ont déposé une offre d’achat. Elles ont toutes été détaillées aux représentants du personnel. SI on ne connaît pas l’identité des repreneurs, on peut néanmoins dire avec certitude que l’enseigne Gifi est intéressée puisque son PDG Philippe Ginestet a déclaré vouloir reprendre 110 des 140 enseignes Tati, dont celles de Barbes. Foir’Fouille aussi sur le coup avec d’autres discounters. La famille Biotteau espère pouvoir clore ce dossier dès mi-juin. Les salaries quant à eux, envisagent une grève et des manifestations la semaine prochaine. Ils craignent la disparition de nombreux emplois et ne comprennent pas pourquoi le groupe n’a pas accepté plus tôt l’offre de Gifi.

Crédit photo : Ici Barbes, DR
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