Richemont et Farfetch scellent leur partenariat pour faire avancer la digitalisation du luxe
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Attendu depuis plusieurs mois, l’accord entre Richemont et Farfetch a propos du futur de YNAP aboutit à une alliance d’envergure qui concerne toutes les maisons du groupe de luxe.
Johann Rupert avait prévenu : si un accord devait se produire à propos de Yoox-Net-a-Porter, ce ne pouvait être qu’avec Farfetch. La plateforme conçue par José Neves, son modèle économique basé sur la e-concession, sa technologie de pointe, ses systèmes de paiements multiples, sa philosophie consistant à mettre en relation les boutiques peinant à écouler leurs stocks avec les acheteurs du monde entier apparaissent comme la solution la plus pertinente aux yeux du patron de Richemont pour appréhender le futur du e-commerce.
Le e-commerce, Johann Rupert y croit. Il l’a répété dans les colonnes de Finanz und Wirtschaft. L’action majoritaire de Richemont y croit pour les raisons suivantes : « Tout le monde se concentre sur les coûts du commerce en ligne. Ils oublient que nous dépensons environ un milliard d'euros par an en baux ou en loyers. Je préférerais déplacer un plus grand pourcentage des ventes en ligne au lieu d'avoir des baux fixes. Plus nous vendons en ligne, moins nous avons besoin de boutiques partout. Pour démarrer pleinement, nous devrions déplacer 20 à 30 pour cent de ce montant vers Internet au cours des cinq prochaines années, ce qui est tout à fait faisable. L'objectif n'est pas d'avoir une activité en ligne en soi, l'objectif est de répondre aux besoins de nos clients et de minimiser les coûts fixes ».
Le magnat sud-africain poursuit : « « Chaque fois que nous sommes en récession, les coûts fixes sont un frein. Vous devez toujours payer un loyer et c'est ce qui pousse les entreprises vers le bas. Vous êtes beaucoup mieux en mesure de résister aux ralentissements économiques si vous avez des coûts variables. Notre mission est de réduire les coûts fixes du processus et de les investir plutôt dans l'innovation, la conception et la communication des produits. » S’il croit au e-commerce, Johann Rupert ne croit plus en revanche au système linéaire proposé par YNAP contrairement au modèle de plateforme proposé par Farfetch. « Il y a quelques années, mon fils m'a conseillé de passer d'un modèle linéaire à un modèle de plate-forme. J'aurais dû agir plus vite ! Nous passerons certainement à un modèle basé sur une plateforme. »
Richemont cède plus de la moitié de YNAP à Farfetch et Alabbar
Pour passer à ce modèle de plateforme, la clé consistait à obtenir la technologie de Farfetch, pour pouvoir mettre en œuvre ce que le patron de Richemont appelle le « Luxury New Retail », le LNR. C’est désormais chose faite. Dans un communiqué publié ce 24 aout, le groupe de luxe, propriétaire notamment de Cartier, Van Cleef & Arpels, Buccellati, Alaia, Chloe, Delveux, Dunhill, mais aussi de plusieurs manufactures horlogères d’exception, annonce avoir cimenté un accord avec Farfetch mais aussi avec Symphonie Global, une des véhicules d’investissement de Mohamed Alabbar (« Alabbar »). Reconnu comme étant le moteur de la croissance économique de Dubaï, Mohamed Alabbar est le président d'Emaar Properties, développeur d'actifs tels que Burj Khalifa, la plus haute tour du monde, ou encore le Dubai Mall, l'un des les centres commerciaux les plus grands et les plus prestigieux du monde. Cet entrepreneur possède des intérêts actifs dans l’immobilier, l’hôtellerie de luxe, le e-commerce et le retail. Les clients de ce fin connaisseur du marché du luxe au Moyen Orient sont évidemment riches et mais aussi très connectés.
Dans les grandes lignes, Richemont cède 47,5 pour cent de Yoox Net à Porter à Farfetch et 3,2 pour cent à Alabbar. YNAP devient ainsi une plateforme neutre sans actionnaire majoritaire dans un premier temps. Richemont et Farfetch détiendront respectivement des options de vente et d’achat pour que la société de José Neves puisse acquérir l’intégralité de YNAP sous certaines conditions. Cette cession s’accompagne d’un accord ambitieux destiné d’une part à permettre à YNAP d’adopter un modèle commercial hybride en adoptant les solutions de la plateforme Farfetch mais surtout à faire adopter ces solutions par les maisons de luxe du groupe Richemont. Toutes ces maisons ouvriront des e-concessions sur la marketplace de Farfetcth et connecteront leurs boutiques physiques à l’échelle mondiale : un changement radical dans leurs capacités de distribution omnicanale. La phase initiale de la transaction, soumise notamment à l’obtention de certaines approbations antitrust, devrait être achevée avant la fin de l’année civile 2023.