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Reprise économique : l’Europe et les Etats-Unis vont-ils suivre l’exemple de la Chine ?

Par Herve Dewintre

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L’annonce du chiffre d’affaires enregistré par la boutique Hermès à Guangdong – 2,7 millions de dollars en une journée – le jour d’ouverture après le confinement, a ravivé l’espoir en Europe et aux États-Unis. Chacun y a vu le signe d'une reprise éclatante selon une courbe en V bien connue des économistes : l'activité s'arrête puis reprend en quelques semaines son niveau normal, d'avant la crise.

Ce que vit la Chine est-il transposable ailleurs ? Le PIB va t’il rebondir au niveau où il était auparavant ? Premier constat, la reprise en Chine est réelle, tous les signaux sont encourageants. « Cela ressemble à une reprise assez forte, d'après les données que nous avons » a déclaré Robin Brooks, ancien de Goldman Sachs, désormais Chief Economist à l’Institute of International Finance (IIF). Cette association mondiale de grandes banques et d'institutions financières mondiales, basée à Washington, a été créée en 1983. En 2011, elle a notamment été chargée de négocier la réduction de la valeur des créances de la Grèce.

Brooks tempère néanmoins son enthousiasme. « L'expérience chinoise est difficilement traduisible en Occident où l’accent est mis davantage sur les libertés individuelles. Le retour rapide au travail, contrairement à la Chine où l'obéissance aux consignes est totale, risque de relancer la propagation du virus accompagnée de toute une série de maladies et de bouleversements économiques. » Ce risque est important : des endroits en Asie qui ont été salués comme des modèles de gestion de l'épidémie, des endroits comme Hong Kong, Taiwan, Singapour, connaissent une deuxième vague d’infections (généralement importées) peu après la levée des restrictions.

L’autre bémol concerne le fait que, contrairement à ce que laisserait supposer l’éclatant chiffre d’affaires de la boutique Hermès de Guangdong, la reprise en Chine n’est pas généralisée. Les centrales électriques de charbon ont retrouvé leur activité, la demande d’articles industriels tels que l’acier, est revenue à son niveau de 2019, les constructeurs automobiles ont rouvert leurs usines, les ventes de logements progressent. Mais, et c’est un grand mais, une grande partie de l’économie reste atone.

« La reprise est en cours mais elle sera sélective »

Le succès de la boutique Hermès pourrait bien être l'arbre qui cache la forêt : les consommateurs restreignent toujours leurs dépenses, en particulier pour les articles coûteux. Pour Houze Song, macroéconomiste au Paulson Institute, ce ralentissement de la consommation, préfigure ce qui va se produire dans les prochains mois en Occident. Même modération dans l’enthousiasme du côté de la société de conseil Promise Consulting et de l’institut d’études marketing Panel On The Web. Du 26 au 29 mars dernier, ces deux sociétés ont interrogé 600 chinois vivant en milieu urbain et appartement au 10 pour cent de foyers disposant des revenus les plus élevés.

Philippe Jourdan et Jean-Claude Pacitto ont décrypté les résultats de cette étude : « Les secteurs de consommation courante (alimentaire, habillement, etc.) sont les postes sur lesquels les consommateurs chinois sont les plus confiants s’agissant d’un retour progressif à la normale : leurs anticipations de reprise, sans être exagérément optimistes, sont les moins pessimistes. » Les deux experts notent également des perspectives assez encourageantes pour le secteur de la restauration et du shopping avant de dresser cet avertissement : « Le secteur du luxe montre lui des signes de reprise plus modérés, et inferieurs à la moyenne : il ne figure qu’au 7ème rang des secteurs pour lesquels les Chinois anticipent un retour à la normale. »

Ces signaux modérés sont d’autant inquiétants pour la reprise du luxe en Europe et aux États-Unis que les plus fortes anticipations négatives d’un retour à la normale portent sur les déplacements à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Les chinois concernés estiment, selon l’étude, qu’il y a que 27 pour cent de chances que les choses reviennent à la normale concernant ces déplacements. C’est une sombre nouvelle pour le commerce européen quand on sait que la majorité́ des achats de produits de luxe par les Chinois est effectuée en déplacements touristiques, en dehors de la Chine.

« Sans anticiper sur les décisions des autorités chinoises dans les mois qui viennent, un scenario est probable, estiment Philippe Jourdan et Jean-Claude Pacitto : une volonté déjà forte avant la pandémie de diminuer la dépendance économique de la Chine vis-à-vis du monde extérieur. Les Chinois voudront davantage encore se réapproprier leur espace de consommation. Si les activités économiques locales, sorties en ville, au restaurant, shopping en ville, sont au cœur du redémarrage, ces perspectives ne sont pas nécessairement les plus encourageantes pour nos économies, pour qui le marché́ chinois est celui d’une fraction de la population, mondialisée, mobile et fortement occidentalisée. En conclusion, tout semble se mettre progressivement en place pour que l’activité́ en Chine redémarre sur un plan intérieur. En revanche, la croissance de l’économie mondiale et de la Chine elle-même, fortement dépendante des échanges et des déplacements, est plus problématique. »

« Participer à un format numérique valorise l'innovation et l'expérimentation »

Face à ces difficultés pressenties, deux attitudes se mettent en place. D’un coté, les entreprises qui choisissent, parce qu’elles disposent d’un leadership confortable, d’un héritage constitué de modèles intemporels, et d’une trésorerie conséquente, de mettre en stand-by leurs propositions créatives et en quelque sorte, de se reposer sur leurs lauriers : c’est le cas par exemple de Rolex qui ne présentera vraisemblablement de nouveaux modèles cette année.

De l’autre côté, les entreprises dont l’essence repose sur la nouveauté et qui doivent continuer de mobiliser l’intérêt de leurs clients malgré la crise. L’exemple de Pinko est édifiant : principalement via le numérique. La marque a été l'une des premières marques à s'inscrire à la Fashion Week de Shanghai après que les organisateurs ont annoncé leur intention de déplacer l'ensemble de l'événement sur une version numérique, en ligne. En moins de deux semaines, Pinko a organisé un défilé « See Now, Buy Now », présentant 25 looks de sa collection actuelle sur un fond virtuel. Pietro Negra, PDG et fondateur de Pinko est satisfait de cette initiative.

D’une part, indique le CEO, parce que « participer à un format numérique valorise l'innovation et l'expérimentation », d’autre part parce que « l'utilisation des technologies numériques a également permis à Pinko de maintenir ses ventes en Chine et de maintenir les relations avec ses clients au milieu de l'épidémie ». Negra a déclaré que la marque investirait davantage dans la diffusion en direct pour renforcer les interactions avec les consommateurs sur Tmall, le site chinois de commerce en ligne fondé par Jack Ma en 2008. Le CEO de Pinko n'est pas le seul à avoir pris cette décision. Des marques aussi diverses que Cartier, Prada, Miu Miu,Tesla et même Ikea, ont également décidé d’implanter leur espace virtuel sur Tmall qui pourrait être le grand gagnant de cette crise. La plateforme digitale du groupe Alibaba – qui a enregistré 12 millions de commandes quotidiennes supplémentaires en mars - n’est plus perçue désormais comme un simple canal de vente mais comme un véhicule de promotion et de sensibilisation.

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Crédit photo : Carlox Freixeda (OBCM) pour Pinko

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