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Report accuse Gucci de sous-payer des ouvriers chinois pour produire ses sacs de luxe

Par Herve Dewintre

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Le sourcing, ou pour employer un mot français, l’approvisionnement, c’est à dire les pratiques d’une entreprise concernant ses choix de prestataires de fabrication, dans différents pays, en fonction des différents produits. Vaste sujet. Un domaine de spécialistes, souvent mal compris par le grand public choqué de bonne foi lorsqu’il constate la différence de prix entre le salaire d’un ouvrier et le cout de production par unité d’un produit par rapport à son prix en boutique ; une réalité plus complexe qu’il n’y paraît mais à laquelle les marques doivent être désormais très vigilantes pour éviter les quiproquos, les erreurs d’appréciation, ou même parfois tout simplement les excès comme ce qui semblerait être le cas de Gucci qui vient ,dans un reportage de 20 minutes diffusé dimanche 21 décembre à la télévision italienne, d’être accusé de recourir, via une sous-traitance opaque, à des ouvriers chinois sous- payés et travaillant jusqu'à 14 heures par jour.

C’est Report, la célèbre émission diffusée avec succès depuis 1997 et présentée par l’animatrice-journaliste Milena Gabanelli qui a provoqué une fois de plus le scandale. C’est cette même émission qui en novembre avait accusé une autre marque italienne, Moncler (qui a aussitôt fermement démenti), de mauvaises pratiques notamment en ce qui concerne les élevages de plume d’oie.

Report indiquait dans son reportage sur le ton du scoop que la marque phare du groupe Kering payait 24 euros les artisans chargés de fabriquer des sacs qui seraient ensuite vendus aux environs de 800 euros en boutique. Le reportage indiquait également que certains ateliers payés par Gucci sous-traitaient leur production aupres de fournisseurs employant une main d’œuvre chinoise rémunérée 12 à 13 euros par sac. Main d'oeuvre parfois non déclarée. Enfin, la journaliste indiquait que Gucci qui affiche une conscience sociale forte etait en réalité tres indulgente vis à vis de ces pratiques. Il faut noter ici que le reportage laissait entendre que le prix de revient d’un sac se résumait à son cout de main d’œuvre sans prendre en compte le prix de la matière première, des matériaux en général, ni de la découpe, de l'emballage et du transport.

Evidemment, la maison de luxe italienne a aussitôt réagi via un communiqué qui affirme que les pratiques journalistiques déployées pour la réalisation du reportage produit par Report n’étaient pas rigoureuses et que les conclusions de l’émission étaient non seulement biaisées mais aussi qu’elles donnaient une image globale de la politique de sourcing de Gucci tout à fait « fausse et sans fondement ».

"Des caméras cachées ou utilisées de manière inappropriées, seulement dans des entreprises sélectionnées exprès par Report (trois laboratoires sur 576) ne témoignent pas de la réalité Gucci", indique le communiqué qui poursuit : "Se mettre d'accord - sans que Gucci le sache - avec des laboratoires qui utilisent de la main-d'œuvre chinoise illégale est une arnaque dont Gucci se dissocie et qu'il poursuivra en tous lieux". La marque qui pourtant indique mener 1.300 audits par an auprès de ses fournisseurs italiens, concède toutefois qu’elle approfondira désormais ses contrôles.

Une nouvelle pratique du sourcing

Si le débat concernant le sourcing s’est récemment focalisé sur l’Italie (au point que le president de la région toscane Enrico Rossi s’est fendu d’un tweet vindicatif pour s’interroger "Qui a intérêt à falsifier l'image de la Toscane et des entreprises de la mode qui donnent du travail et font des produits de qualité?"), l’ensemble de la profession s'interroge avec la multiplication affolante, cette dernière décennie, du nombre de collections devant être produites chaque année, sur les nouvelles pratiques nécessaires de fabrication et d'approvisionnement.

Si les tendances mondiales du sourcing confirment que la Chine et le bangladesh restent les deux gros fournisseurs de l’Europe et de l’Amérique du Nord, nombreux sont les professionnels respectés qui affirment à l’instar de Jan Hilger, directeur des opérations de Ahlers AG Pierre Cardin Jeanswear qu’ il faut repenser la façon dont on aborde le sourcing : « Il est désormais capital de penser les coûts sur l’ensemble de la chaîne et éviter le piège de ne se focaliser que les coûts de production et du travail. Les financiers sont focalisés sur les coûts de production et négligent des critères aussi précieux que l’existence d'une qualité et d’une tradition de savoir-faire dans la production d’habillement : or, ce sont des variables décisives, comme on l’a vu avec les bassins traditionnels de production en Italie où l’érosion de la fabrication annonce souvent l'assèchement de la créativité ».

D’un point de vue plus global, M.Hilger insiste sur le fait que la tendance au ralentissement est à prendre au sérieux par l’industrie de la mode. « Les entreprises ont réagi à la crise par une surenchère de l’offre, au lieu de se recentrer sur quelques produits bien définis et des clients bien ciblés. Les études menées notamment aux États-Unis ont pourtant montré que l’essentiel des ventes se réalisait sur les produits basiques et non sur les produits montrés dans les défilés». Sans parler des études de consommation qui pointent le découragement des clients face à des offres pléthoriques, et leur doute croissant quant à la justesse des prix affichés.

Même son de cloche pour Harry Van der Zee, PDG de Micro Fashion-brands, de Michaelis & Profuomo : pour l’entrepreneur (qui possède aussi deux marques propres), il faut passer par une approche collaborative étendue à toute la chaîne. « Nous sommes passés d’un pilotage dicté par les coûts, à une approche davantage focalisée sur les ventes finales. D’autant plus que la technologie nous permet d’analyser finement les ventes, d’entrer dans le détail des plans d’assortiments et d’affiner en conséquence les collections, la part des basics, le time to market ».

Le résultat ? « Radical, d’après Harry Van der Zee qui affirme « nos ventes ont augmenté de 12 à 20 pour cent grace à l’implication de tous les acteurs internes (financiers, vendeurs, acheteurs) et externes à l’entreprise, avec une transparence tout au long de la chaîne, et enfin une vision proactive partagée par tous ».

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