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Quand la Haute Couture renoue avec sa vocation initiale

Par Herve Dewintre

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La haute couture est une spécificité parisienne qui a connu de nombreuses phases. Ces phases seraient trop longues à exposer ici. Disons simplement, pour résumer grossièrement, que la vocation initiale de la haute couture fut de systématiser l’innovation en faisant passer l’artisan tailleur modéliste au statut de couturier artiste. La Haute couture, pendant longtemps, c’était l’avant-garde, la rupture systématique, l’invention permanente. Au service des clientes.

Inutile de préciser que ce principe d’innovation a changé de sphère, se déplaçant de la Haute Couture vers le prêt à porter. C’est le prêt à porter qui, depuis une cinquantaine d’années, incarne la nouveauté, la mode. La haute couture a t’elle définitivement perdu son rôle d’avant-garde ? Les chiffres le laissent penser. Dans les années 60 certaines maisons pouvaient encore avoir pour activité principale le sur-mesure. En 1975, la part du sur-mesure ne représentait plus que 18 pour cent du chiffre d’affaires direct (parfums exclus) des maisons de couture. Dès lors, la messe était dite et ce pourcentage n’a cessé depuis de diminuer jusqu’à devenir totalement anecdotique.

Idem pour le personnel employé : dans les années 20, Patou employait 1300 personnes dans ses ateliers, Chanel, avant la guerre en employait 2500 ; Dior : 1200 au milieu des années 50. Aujourd’hui, l’ensemble des maisons bénéficiant du label Haute Couture, ou communiquant sur ce label de manière plus ou moins officieuse, emploient au grand maximum 2000 ouvrières et n’habillent plus sur ce créneau que 3000 femmes dans le monde.

Réalité commerciale ou politique de marque ?

C’est un fait irréfutable (et irréversible ?) : les vénérables maisons de couture ne prospèrent plus que par leur prêt à porter, leurs accessoires, leur parfums. Elles continuent d’organiser deux défilés par an uniquement par politique de marque, afin d’exalter leur univers prestigieux au profit des articles divers vendus sous leur griffe dans le monde. Ni classique, ni avant-garde, la Haute Couture ne reproduit que sa propre image de marque « éternelle » en réalisant des chefs d’œuvre de gratuité esthétique. Métamorphosée en vitrine publicitaire de prestige, la Haute Couture semblait ainsi condamner à ne plus créer pour personne.

Pourtant, en dépit du recul de sa vocation initiale, en dépit de cette désincarnation totale, la Haute Couture continue d’attirer les talents et il semblerait qu’un frémissement se fasse sentir depuis plusieurs saisons. La présence de la marque Vêtements invitée l’année dernière dans le calendrier de la Haute Couture a été une décision intelligente, presque un réveil, de la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne. Cette présence attestait le fait que la Haute Couture n’était plus simplement le terrain des prouesses techniques et des chefs d’œuvres d’exécution, mais qu’elle pouvait encore habiller les femmes du dernier cri. Vêtements, c’est la marque à la mode. Et la Haute Couture, nous dit la chambre syndicale, c’est aussi de la mode et non pas simplement la perpétuation d’ une grande tradition du luxe, de virtuosité de métier à mi-chemin entre le musée et le labo.

Même constant pour la marque Georges Hobeika invitée officiellement, et pour la première fois, cette saison dans le calendrier des défilés Haute Couture. Si la maison du créateur libanais prodigue des robes conformes à l’imaginaire haute couture traditionnelle, elle n’en reste pas moins une maison parfaitement rentable qui prouve que le monde de la haute couture faire encore rêver de nombreuses clientes, adeptes du sur-mesure.

L’annonce ces derniers jours de l’attribution « haute Couture » à de nouvelles maisons prolonge cette volonté de mettre en avant des maisons connectées à leur époque. La Commission de Classement Couture Création du Ministère de l'Industrie, réunie le 16 décembre 2016 dans les locaux de la Fédération Française de la Couture du Prêt-à-Porter des Couturiers et des Créateurs de Mode, a accordé l'appellation Haute Couture à la maison Julien Fournié. Diplomé de l’école de la chambre syndicale de la Couture Parisienne, dernier directeur artistique de la maison Torrente, Julien Fournié n’est pas un couturier old school. Il développe par exemple des outils 3D grâce à son partenariat avec Dassault Systèmes, une société européenne avec laquelle il a co-fondé le FashionLab depuis 2011. Cette nouvelle décision de la chambre syndicale exprime une volonté bienvenue de faire rimer Haute Couture à la fois modernité, mais aussi avec réalité commerciale. Car la meilleure façon de sauver la Haute Couture, c’est encore de communiquer sur les maisons qui s’intéressent avant tout aux clientes ; c’est de mettre en lumière les couturiers qui considèrent que leurs maisons n’est pas juste une vitrine publicitaire destinée à vendre des it-bags ou des rouges à lèvres.

Crédit photo: Julien Fournié dr.

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