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Pour aborder la mode 2024, que retenir du Fashion Reboot 2023 ?

Par Florence Julienne

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Fashion Reboot 2023. IFM Crédits: F. Julienne

Paris, jeudi 30 novembre 2023, 3 Mazarine, Paris : le Fashion Reboot, organisé par l’Institut Français de la Mode (IFM), réunit les professionnels autour de plusieurs thématiques (inflation, pouvoir d’achat, mass market vs industrie du luxe). Il introduit des mots relativement nouveaux dans le vocabulaire de la mode (découplage, Shein, effet de cadrage, curation, Intelligence Artificielle, traçabilité, politique de la mode), à même d’offrir des perspectives pour 2024.

« Le pire n’est pas peut-être pas derrière nous », cette phrase, prononcée lors de l’événement Fashion Reboot 2023, résonne tout au long de la journée au sein d’un amphithéâtre rempli par des professionnels plutôt atones en cette fin 2023. Il faut dire que la conjoncture est difficile et les intervenants ne cessent de le répéter, arguant de différentes raisons.

Il y a d’abord l’érosion du marché chinois, signalée par Alain Frachon, éditorialiste au journal Le Monde, et Denis Ferrand, directeur général du bureau d’études Rexecode. « Sans sécurité sociale ni solidarité familiale, due à la politique de l’enfant unique, les Chinois épargnent plutôt qu’ils n’achètent, signale ce dernier. De plus, le secteur immobilier chinois s’effondre, l’objectif visé étant la reconquête de l’outil industriel national. De l’autre côté du globe, les Américains continuent de consommer, mais, idem, ils investissent sur leur outil de production, anticipant la transition énergétique et l’arrivée de l’Intelligence Artificielle dans le work process ».

Heureusement, de nouveaux pays émergent, « c’est le cas de l’Indonésie ou du Mexique » indique Denis Ferrand et c’est peut-être dans cette direction que les entreprises françaises ont intérêt à lorgner pour leur développement international.

« Découplage » ou le décrochage de la consommation française

Par rapport aux pays précédemment cités, la France est en « découplage ». Ce mot, souvent répété par les conférenciers, a plusieurs significations, mais on peut ici le comprendre comme l’adoption d’une posture différente : la France épargne plutôt qu’elle ne consomme. Inversement, en 2023, les entreprises nationales ont investi et embauché, ce qui revient à dire que leur trésorerie risque d’être tendue en 2024.

Cette frugalité du marché français est amplifiée par une inflation des prix qui, au dire du prescripteur Denis Ferrand, n’est pas près de s’arrêter. Ce, eu égard aux facteurs d’inflation que sont la transition énergétique et le maintien des taux d’intérêt élevés. Elle devrait être aux alentours de 1 % fin 2024.

Inflation oblige, l’habillement est classé premier sur le podium des restrictions budgétaires.

Gildas Minvielle, directeur de l'Observatoire économique de l'IFM, dresse ensuite son traditionnel bilan socio-économique (sur lequel Fashionunited aura l’occasion de revenir). Les principales conclusions des enquêtes menées auprès de la profession estiment que le marché de l’habillement 2023 devrait totaliser 27 milliards d’euros (hors accessoires), avec un volume de ventes inférieur de 4 % par rapport à 2022.

Les prix ayant progressé de 4 % en 2023 (contre 6 % en 2022), 73,7 % des personnes interrogées répondent que l’inflation a changé leur comportement d’achat. De fait, l’achat de vêtements ou chaussures est relégué derrière les cafés/restaurants, l’équipement de la maison et les loisirs. Après une flambée pendant la politique de confinement due à la crise Covid, les ventes en ligne subissent, elles aussi, un contrecoup avec un recul de 7,1 %, mais restent supérieures à 2019 (+ 6 %).

Dans ce contexte, Gildas Minvielle pose la question de l’impact des nouveaux entrants de l’ultra fast fashion, à commencer par Shein (une enseigne maintes fois citée), Lidl, ou encore Temu. Un sujet sur lequel Yann Rivoallan, président de la Fédération du Prêt-À-Porter Féminin, ne manque pas de rebondir, implorant une solution radicale.

Contrebalançant ce constat un peu morose, Gildas Minvielle indique une perspective encourageante : la mode française s’exporte (hausse de 11 % par an de 2020 à 2023). Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le secteur du luxe ne représente qu’un tiers des exportations.

Quelles pistes pour motiver les consommateurs défiants ?

Thomas Delattre, professeur et directeur du Fashion Entrepreneurship Center à l’IFM, donne ensuite la parole à de jeunes entrepreneurs via le prisme d’un film, diffusé dans l’amphithéâtre. Une façon d’ouvrir la voie à de nouveaux foyers créatifs.

Le challenge ? Compenser l’offre de mass market avec autre chose. Autrement dit, s’adapter à la réalité du pouvoir d’achat. Pour cela, le professeur signale trois pistes : la nouvelle technologie qu’est l’Intelligence artificielle, une communication ciblée, une offre pluridisciplinaire, une politique de prix justes et des styles attractifs.

Thomas Delattre relève l’importance de l’effet de cadrage dont usent les acteurs de la fast fashion. L’effet de cadrage, c’est le biais cognitif par lequel nous réagissons différemment aux messages ou aux choix que l'on nous soumet en fonction de la manière dont on nous les présente. Et de citer, en exemple, le fait que le consommateur achète plus volontiers un pull avec 25 % de cachemire que le même avec 75 % de polyamide.

Le mot clef, pour tenter de recadrer l’irrationalité du comportement d’achat, c’est la « curation », autrement dit la sélection et mise en valeur de l’offre, affirment en chœur Léa Germano du Studio Paillette (location de vêtements) et Timothée Richard, fondateur de Choose (application de ventes ponctuelles administrée par des datas). Cette nouvelle génération réinvente, version numérique, le conseil à la clientèle.

Enfin, la tentation de se diversifier est vite balayée par Anouck Duranteau-Loeper, CEO Isabel Marant, qui considère « qu’aller vers l’ameublement, par exemple, pourrait être un coup marketing, mais qu’il est important de ne pas se déplacer trop vite sur d’autres territoires que la mode, au motif qu’on ne peut pas tout faire bien. »

Intelligence Artificielle et transition écologique, les deux piliers de transformation pour 2024

« On a eu les NFT, puis le Métaverse, cette année, c'est l’Intelligence Artificielle, assiste-t-on à une nouvelle tendance mode ? » questionne, légitiment, l’animateur de la journée, Lucas Delattre, professeur à l’IFM. « Non », lui répond Grégory Boutté, directeur du digital et de la relation client Kering, en déployant ses arguments. L’IA permet la personnalisation entre le vendeur et son client et la concrétisation des achats.

Côté entreprises, elle rend plus efficace la façon dont sont conduits les projets, en prédisant comment les articles vont se vendre, pour pouvoir produire en conséquence (du moins ceux reconduits chaque saison). Toujours selon l’expert digital, l’IA serait avant tout un outil de rationalisation, qui ne viendrait pas se substituer aux équipes créatives, mais encouragerait le « test and learn » plutôt que le « wait and see ».

Cette nouvelle technologie aidera-t-elle les acteurs de la mode à passer le cap obligatoire de la transition énergétique ? Possiblement. Ainsi, le logiciel Oritain est capable de jauger la traçabilité d’un tissu, même composé de plusieurs fibres. Ce processus, qui s’appuie sur des tests physiques, est plus rationnel que les certifications, basées sur du déclaratif, et auxquelles « les entreprises font trop confiance », dixit Michela Mossali, business development manager Oritain.

La traçabilité, il en est également question pour la filière cuir française qui doit faire sauter le frein de la politique agricole commune pour permettre, dans le respect de la condition animale, l’élaboration de peaux premier choix, comme le montre l’exemple du Domaine des Massifs.

Une première conclusion de cette journée destinée à « repenser la mode » est offerte en sept leçons par Isabelle Guichot, directrice générale SMCP (FashionUnited aura l’occasion de développer). Ce, avant de donner le micro à Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme. Sa prise de parole, qui résonne telle l’esquisse d’une politique de la mode pour 2024, est à lire sur FashionUnited.

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