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Portées par les plus grands, les cravates E.Marinella, symboles de l'artisanat italien

Par AFP

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Naples (Italie) - On les a vues au cou de Jacques Chirac, John Kennedy ou du prince Charles. Symboles de l'élégance italienne, les cravates E.Marinella, entièrement fabriquées à la main, résistent bien dans un marché en berne, malgré les difficultés induites par le coronavirus.

Des vitrines en verre et bois, des moulures et un immense lustre au plafond : à Naples, la minuscule boutique est la même ou presque qu'en 1914. "Nous fêtons cette année nos 106 ans, on peut parler d'une espèce de miracle parce que tout a commencé et continué (ici) dans 20 m2 à Naples, où tout est un peu plus difficile qu'ailleurs", sourit Maurizio Marinella, 64 ans et troisième génération à la tête de l'entreprise.

L'aventure naît quand son grand-père Eugenio décide de créer "un petit coin d'Angleterre à Naples", en proposant chemises et accessoires masculins avec des tissus directement venus d'outre-Manche, qui dicte alors les codes de la mode hommes. Mais, peu à peu, il se concentre sur la cravate, qui devient sa pièce phare. Aujourd'hui encore, la soie utilisée est imprimée à la main à Macclesfield, en Angleterre. La réalisation des cravates se fait elle dans la région, notamment dans un atelier proche de la boutique, qui emploie 20 couturières.

"Travail d'orfèvre"

Chaque cravate requiert environ 45 minutes de travail, de la coupe de la soie aux coutures, en passant par l'ajout du passant et de l'étiquette. Dix étapes au total.

"C'est un travail de précision, comparable à celui d'un orfèvre. Nous travaillons sur les demi-millimètres", explique Maria Rosaria Guarino, 60 ans dont 38 de maison.

E.Marinella permet en effet à ses clients de personnaliser leurs cravates -longueur, largeur ou épaisseur- en fonction de leur stature, taille ou... chiffre porte-bonheur.

Si la marque a réalisé un chiffre d'affaires de 18 millions d'euros en 2019, la chute sera "importante" cette année à cause de l'épidémie de coronavirus qui a entraîné la fermeture des ateliers et boutiques pendant deux mois, l'arrêt du tourisme, des mariages et des congrès.

Chaque jour, 150 cravates en moyenne sortent de l'atelier. Avec le coronavirus, la demande s'est rapprochée de ce niveau de production, mais habituellement, elle est double voire triple. Et les trois mois précédant Noël, "elle peut atteindre 900 cravates par jour", souligne M. Marinella.

Des présidents italiens à l'acteur Marcello Mastroianni, en passant par Rainier de Monaco, des personnalités du monde entier ont endossé des E.Marinella. Ce fut aussi le cas du chancelier Helmut Kohl - un "géant pour qui nous faisions des cravates 65 centimètres plus longues que la normale"-- ou de Jacques Chirac - à qui il en fallait des "un peu plus longues" en raison de sa grande taille.

"Soin maniaque"

Chaque jour ou presque, dimanche compris, dès 06H30, Maurizio est là pour "accueillir, chouchouter les clients, leur offrir le café", dans la pure tradition napolitaine. Parmi eux, Rudy Girardi, vice-président national des entreprises de construction, a commencé à fréquenter la boutique quand il avait 17/18 ans et compte désormais "des milliers de cravates Marinella", vendues entre 130 et 215 euros.

"La cravate est fondamentale", c'est un signe de "respect" vis-à-vis de sa fonction et de ses interlocuteurs, souligne-t-il, en expliquant la changer plusieurs fois par jour: colorée le matin, un peu plus institutionnelle l'après-midi et élégante pour les dîners haut de gamme. Il ne fait aucune infidélité à E.Marinella, qui représente selon lui le "must": "Maurizio a sacrifié sa vie pour cette maison, qui a désormais une dimension internationale: ceci est le fruit d'un travail quotidien, d'un énorme investissement, d'un soin maniaque pour chaque détail".

Les exportations (en valeur) de cravates, noeuds papillons et tours de cou ont diminué de 10 pour cent entre 2015 et 2019 dans le monde, pour atteindre 1,25 milliard d'euros, avec 46,5 pour cent de part de marché pour les produits chinois et 13,6 pour cent pour l'Italie (170 millions d'euros), selon le Centre international du commerce (ITC).

Une conséquence directe des changements de mode, alors que la jeune génération la porte moins et que des entreprises comme Goldman Sachs ont supprimé l'obligation de l'endosser.

"Mais heureusement, les modes sont cycliques. Dernièrement on a assisté un peu à un abandon du streetwear pour revenir à la mode classique dont la cravate est le point cardinal", note Alessandro Marinella, 25 ans. Lui qui représente la quatrième génération entend orienter davantage la maison "vers le 'total look'", y compris féminin" --un mouvement initié ces dernières années et qui a conduit la cravate à représenter moins de la moitié du chiffre d'affaires.(AFP)

Crédit : FILIPPO MONTEFORTE / AFP

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