Mode éco-responsable: et si le lin était la solution?
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L’industrie du textile fait face à une vague de suspicion qui semble perdurer depuis quelques années malgré la bonne volonté affichée des labels et des enseignes de mode. Une vague somme toute légitime. Les chiffres l’attestent: l’industrie du vêtement est l’une des plus polluantes du monde. D’après l’Union internationale pour la conservation de la nature, 35 pour cent des micro-plastiques qui polluent nos océans proviennent des textiles synthétiques. L’utilisation intensive de certaines fibres naturelles posent aussi de nombreux problèmes : notamment le coton qui nécessite pour sa culture une quantité déraisonnable d’engrais, de pesticides et d’eau.
Pourtant une fibre végétale merveilleusement écologique existe : c’est le lin dont la culture de rotation rejette peu de phosphates et de nitrates. Un véritable puits de carbone : un hectare de lin retient chaque année 3,7 tonnes de CO2 ; ces chiffres ne vous diront rien mais c’est un avantage « vert » important. Disons donc simplement que le lin demande cinq fois moins d’engrais et de pesticides que le coton. La plante ne nécessite pas d’irrigations puisqu’elle pousse dans des régions naturellement pluvieuses. A titre de comparaison, la fabrication d’un tee-shirt en coton nécessite l’apport de 2500 litres d’eau.
Autre avantage, toute la plante est utilisée : son huile servira par exemple à la confection du linoleum (qui lui doit d’ailleurs son nom), ses graines riches en oméga 3 serviront à l’alimentation. De puissants développements industriels permettent désormais d’utiliser le lin non seulement dans la fabrication de textile, de ficelle et de papier (saviez-vous que le dollar US était en grande partie constitué de lin européen pour ses qualités de robustesse et de souplesse ? ) mais ce n’est pas tout : ses fibres courtes (qu’on appelle les étoupes) seront aussi utilisées pour la fabrication de sous toitures, de coques de l’iphone, de raquettes de tennis, de kayaks, de pare-chocs de voiture. La fibre écolo par excellence. Sans OGM et zéro déchet.
Le lin est bon pour la santé
Enfin dernière vertu non négligeable : le lin est bon pour la santé. C’est un isolant naturel qui apporte de la fraicheur en été et qui réchauffe agréablement en hiver. Pourquoi ? Parce que ses longues fibres, non seulement isolent et emprisonnent l’air mais possèdent également un puissant pouvoir d’absorption de l’eau. Cette propriété vient des pectines qui sont des composés associant les fibres entre elles. On retrouve ces pectines dans les textiles en lin ce qui leur confèrent un caractère vivant puisqu’elles peuvent réguler la température. Elles se gorgent d’eau ou en libèrent selon les conditions climatiques sans provoquer de sensation d’humidité au toucher. De plus, comme un textile en lin régule plus rapidement les écarts de température, il ne provoque pas d’irritations à la différence des textiles synthétiques. Il a été prouvé que des médications effectuées à l’aide de tissu de lin accélèrent la guérison de certaines maladies de peau. Une serviette de toilette en lin n’irrite jamais car le lin est doté de propriétés antiallergiques et antibactériennes. Enfin, comme le lin absorbe la transpiration.
Une fibre en adéquation avec les interrogations de notre époque
Pourquoi, malgré toutes ces qualités, la production de lin a t’elle décliné au XIXème siècle ? Deux chiffres marquent les esprits : 300 000 hectares de lin étaient cultivés en France sous Louis XIV, ils n’étaient plus que 20 000 hectares avant 1945. Pourtant, dans chaque foyer du Nord de l’Europe, on a filé du lin durant des siècles : Plaute décrivait la Gaule comme « recouverte de champs de lin », Charlemagne imposait sa production et sa consommation dans chaque famille du royaume. Au XVIIe siècle, le lin était la fibre des rois, la cour ne jurait que par les chemises, les collerettes et les jarretières en lin le plus fin. La réponse vous surprendra peut être : ce déclin n’a pas été provoqué par un désamour soudain du public, mais par une guerre commerciale entre la France et l’Angleterre. Les importations offensives de coton en provenance d’Angleterre ont en effet joué un grand rôle dans le déclin du lin, en plus de provoquer la colère de Napoléon. L’Angleterre a une fois de plus gagné la bataille. Il faut dire que la filature du coton se prêtait davantage à une exploitation industrielle intensive.
Le déclin du lin est maintenant terminé. Grâce à de nouvelles variétés et de puissants perfectionnements agricoles et industriels, le lin est de nouveau au cœur de l’innovation textile grâce au savoir-faire des filateurs et des tisseurs européens qui en ont renouvelé les touchers, les finitions, les enductions et les reliefs. La France est le premier producteur de lin en Europe, le marché européen représente 80 pour cent de la production mondiale. La Chine achète 80 pour cent de la production de lin français.Pour favoriser cet essor, la confédération européenne du lin et du chanvre a ouvert un showroom à Paris dans lequel les créateurs peuvent trouver une « matériauthèque », une « filothèque » et une « tissuthèque », mais aussi un accompagnement à la création, une aide au « sourcing » et des cahiers de tendances. Parmi les nouveautés figure la maille en lin qui allie toutes les qualités du lin, sa douceur au toucher, son confort, sa brillance, mais qui ne se froisse pas. On peut citer aussi le lin d’hiver, qui mélangé avec de la laine ou de la soie fait une remarquable percée chez les tisseurs.
En phase avec les préoccupations de notre époque, les agréments du lin séduisent de nouveau les grandes enseignes comme Uniqlo qui a récemment poursuivi son partenariat avec la Confédération du lin et du chanvre mais aussi les jeunes labels qui perçoivent à sa juste valeur la nature intrinsèquement écologique de cette fibre européenne : la marque française Splice a décidé de se spécialiser dans le lin. Elle propose un vestiaire made in France et local, éco-conçu, réalisé à partir de lin. Les teintures utilisées sont certifiées Oeko-tex. Les tee-shirts sont mêmes compostables.
Crédit photo : Splice, dr