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Malgré les défis, l'industrie russe de la mode rêve de "Made in Russia"

Par AFP

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Yevgeniya Moseychuk, CEO de la société You basée à Saint Petersburg (août 2023). Credits: OLGA MALTSEVA / AFP

Moscou, 13 sept 2023 (AFP) - Déficit d'équipement, de cadres et de tissus... Malgré des carences profondes, l'industrie de la mode en Russie tente de se construire pour combler le trou béant laissé par le retrait des grandes marques occidentales depuis l'assaut russe contre l'Ukraine.

Neuvième plus gros client pour l'habillement européen avant 2022, la Russie a vu ses importations européennes annuelles chuter de 37,2% l'an dernier, selon le site de Fashion network. Sur la même période, la part de marché des enseignes occidentales s'est réduite de 46%, selon la compagnie spécialisée Antro.

Les autorités russes martèlent, elles, à l'envi que les sanctions sont l'occasion de construire les industries légères, que la Russie n'a jamais vraiment eues, le pays s'étant toujours focalisé sur les matières premières et l'industrie lourde.

De premiers efforts avaient été faits après les sanctions adoptées à la suite de l'annexion de la Crimée en 2014, mais c'est depuis l'offensive en Ukraine et la rupture avec l'Occident que le Kremlin en a fait un leitmotiv.
Dans le monde de l'habillement, des subventions étatiques ont été mises en place avec pour but de développer le "Made in Russia".

Révolution industrielle en Russie

"L'industrie légère rebondit après 30 ans de stagnation post-soviétique face aux nouveaux défis venant de l'extérieur", estime l'AFP Nadejda Samoïlenko, vice-présidente de l'Union des entrepreneurs de l'industrie légère de Russie, interrogé par l'AFP.

Mais cette petite révolution industrielle n'en est qu'à sa première étape, le pays manquant de cadres, d'ouvriers spécialisés, de tissus... Mme Samoïlenko, active dans le secteur depuis 1978, rappelle qu'avec la chute de l'URSS, l'industrie légère s'est écroulé également : le pays a arrêté la production de tissus et perdu son système de formation de cadres.

Résultat, il manque aux fabriques "entre 25% et 50% de spécialistes" dont elles ont besoin. Pour le moment, le "Fabriqué en Russie" reste donc une niche. Les marques, comme Lime ou Ladies And Gentlemen qui remplacent H&M et autres Uniqlo, "produisent en Asie, exactement dans les mêmes fabriques que les enseignes occidentales ayant quitté la Russie", explique à l'AFP la présidente de l'Association russe de Fashion Industry (RAFI) Tatiana Belkevitch.

Basée à Saint-Pétersbourg (nord-ouest), la société You se pose en alternative de la marque espagnole Massimo Dutti appartenant au groupe Inditex (Zara, Bershka etc.), qui a fermé plus de 500 magasins dans la foulée de l'offensive en Ukraine.

L'entreprise produit en Russie certes, mais les volumes restent faibles. You dit avoir doublé sa production l'an dernier, à 4.000 articles. La société vise un doublement encore d'ici 2024, "même si les délais de livraison de matières premières et de fourniture en provenance de l'Asie ont doublé aussi", dit à l'AFP la PDG Evguénia Mosseïtchouk.

La marque a triplé ses effectifs en 18 mois et ouvert six magasins, mais elle reste loin d'une production de masse. Et il lui manque un quart des couturières.

Consommateur patriote ?

Reste que le nombre des entreprises dans l'habillement explose. Rien qu'à Moscou, le maire Sergueï Sobianine se targue d'une multiplication par 6,6 de la production de vêtements.

Selon l'agence officielle Rossaccreditatsia, le nombre d'entreprises dans le secteur a augmenté de 20% entre 2021 et 2022. Pour autant, s'agissant du marketing, le russe n'est pas porteur : la majorité écrasante des enseignes choisissent des noms anglais. "Dans son cœur, le consommateur russe reste toujours sous l'influence du 'soft power' de l'Occident", explique Mme Belkevitch, et les marques "locales veulent (à terme) avoir accès aux (marchés) extérieurs".

Stanislava Najmitdinova, conseillère en développement dans l'habillement, relève que le facteur coût pèse sur l'essor du Made in Russia. Pour l'acheteur, "consommer bon marché" l'emporte sur "consommer local". Selon Fashion Consulting Group, les prix des vêtements ont grimpé de 30%, du fait de chaînes logistiques plus complexes à cause des sanctions, et d'un rouble au plus bas face au dollar.

Au final, "les Russes se disent aujourd'hui plus ouverts aux marques locales, mais en réalité ont-ils vraiment le choix ?", s'interroge l'experte. En outre, près de la moitié des Russes (45%) continuent à acheter des marques occidentales commandées via des circuits d'importations parallèles, selon la société d'audit et de conseil B1, l'ex-antenne russe du géant EY. (AFP)

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