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Lorsque le DEFI Mode, l’ADEME et Paris Good Fashion unissent leurs forces pour simplifier les bilans carbone des entreprises

Par Diane Vanderschelden

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Image illustrative Credits: Michael Olsen/Unsplash

L'initiative ACT (Assessing low-Carbon Transition) est née d'une collaboration entre l'ADEME, le CDP, et le World Benchmarking Alliance. Ensemble, ils ont développé une méthodologie visant à évaluer la maturité des plans de transition bas-carbone des entreprises. A l’initiative de Paris Good Fashion, avec l’ADEME, Le Défi Mode et Deloitte, en facilitateur des échanges, ils ont décidé (après 14 autres secteurs industriels) de créer une méthodologie ACT consacrée à la mode et au luxe. Alors que l'on pourrait craindre que cette méthodologie ne vienne compliquer un paysage déjà encombré par les CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), bilan carbone et autres baromètres, la réalité est tout autre. Dans cet article, nous analysons comment elle simplifie et facilite, au contraire, le processus plutôt que de l'alourdir.

« Alors que l'affichage environnemental est français et que la CSRD européenne, la méthodologie ACT est une référence internationale. »

Isabelle Lefort, co-fondatrice de Paris Good Fashion.

Une réponse au greenwashing

L'objectif premier de cette méthode est d’évaluer la crédibilité des stratégies de décarbonation des entreprises. En d'autres termes, cela revient à dire : « Je suis l’entreprise X, et je m'engage à atteindre la neutralité carbone d'ici 2030 », ce à quoi la Méthodologie ACT répond : « Montrez-nous comment, et avec quels moyens vous comptez y parvenir », nous explique Isabelle Lefort, co-fondatrice de Paris Good Fashion à l’initiative du projet. L’objectif est de juger la crédibilité de ces stratégies de décarbonation, quelle que soit l'industrie, et d’ainsi mettre fin au « greenwashing » pratiqué par certaines sociétés. « Cette méthodologie a été élaborée conjointement par l’ADEME, le Carbon Disclosure Project (CDP), une organisation basée au Royaume-Uni qui compile des données sur l'impact environnemental des plus grandes entreprises, et le World Benchmarking, trois entités reconnues à l’échelle internationale pour leur expertise et leur engagement en matière de développement durable », explique Isabelle Lefort.

« Il faut développer une méthodologie ACT pour l’ensemble des secteurs (…). Cet indicateur aidera les entreprises à piloter leur stratégie de transition ; il simplifiera et unifiera leur gestion des données climatiques. »

François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France.

La Méthodologie ACT : un outil pour mettre fin à la confusion dans la décarbonation

À première vue, on pourrait craindre que cette méthodologie ne vienne alourdir davantage le fardeau des entreprises en imposant un autre ensemble de critères à la liste déjà longue comprenant le bilan carbone, les CSRD ou encore les critères ESG. Ne sommes-nous pas déjà suffisamment submergés par la prolifération de barèmes ? « Absolument », intervient Isabelle, « il y a un manque flagrant d'uniformité et d'internationalisation dans ces barèmes ». En effet, sans une norme commune, comment pouvons-nous comparer le niveau de décarbonation d'une entreprise française à celui d'une entreprise suisse ? Comment pouvons-nous effectuer des analyses à l'échelle européenne ou internationale ? Comment pouvons-nous comprendre l'orientation de l'économie ? C’est dans ce contexte que la méthodologie ACT a été mise en place. En fait, elle a déjà été développée, avec une matrice commune et des critères spécifiques, pour 14 secteurs industriels dont l'automobile, la production d'électricité, le commerce de détail, la construction et la gestion immobilière, le ciment, le transport, le pétrole et le gaz, ainsi que l'acier et le fer. D’autres sont en cours de finalisation pour l'agriculture et l'agroalimentaire, l'aluminium, la chimie, le verre, le papier et les pâtes à papier. Et enfin la mode et le luxe, secteur pour lequel cette méthodologie n'avait pas encore été mise en œuvre.

Pourquoi la méthodologie ACT s’intéresse-t-elle au secteur de la Mode ?

Ce sont les membres de Paris Good Fashion qui eux-même ont choisi de développer une méthodologie ACT. Isabelle confie : « Nous avons pris cette décision après une étude approfondie il y a environ un an pour évaluer le niveau d'engagement des acteurs français de la mode en matière de développement durable. Avec Climate Chance, nous avons examiné quantitativement plus de 25 entreprises, analysé les rapports RSE et leur bilan carbone disponible tout en menant en parallèle des entretiens qualitatifs des responsables et des experts. A l’issue de nos travaux, nous avons constaté qu’il existait bien une prise de conscience réelle des enjeux telles que l'écoconception et la traçabilité, mais qu’il n'existe aucune harmonisation ni mesure commune. Or, sans possibilité de se mesurer et de se comparer, il est difficile de collaborer et de progresser efficacement. » C'est là que Paris Good Fashion intervient, en développant et en promouvant l'adoption de cette méthodologie dans le secteur de la mode et de l'habillement.

Comment cette méthodologie mesure les enjeux spécifiques de la décarbonation dans le secteur ?

La méthodologie ACT est un outil développé par l’ADEME, le World Benchmarking et le CDP. C’est eux qui pilotent. La méthodologie ACT ne pense pas. C’est un outil. Encore faudrait-il pouvoir mesurer de manière adéquate les enjeux spécifiques de la décarbonation dans le secteur de la mode. Comment cette méthodologie évalue-t-elle la crédibilité des stratégies de décarbonation ? Paris Good Fashion, l’ADEME et le Défi ont commencé à se pencher sur la question dès septembre dernier, en missionnant Deloitte pour la facilitation des échanges. Ensemble, avec une dizaine d’entreprises et l’appui des fédérations, ils ont interviewé des membres de PGF et une trentaine d’experts, afin de soigneusement définir le périmètre, garantir sa justesse et sa rigueur. Puis ouvert une consultation publique à laquelle plus de 185 organisations se sont portées volontaires pour participer. Cette consultation a généré plus de 200 commentaires. Le but de cette consultation est de permettre aux entreprises de tester la méthodologie, de vérifier si les références et les hypothèses sont appropriées, cohérentes et utiles pour le secteur. Actuellement, une quinzaine d’entreprises, composées de marques, de distributeurs, de fabricants français et internationaux (italiens, anglais, suédois, etc.), expérimentent la méthodologie pour l’éprouver sur le terrain. L’ensemble du processus va se conclure en juin 2024.

Pourquoi adopter la méthodologie ACT ?

Et si Paris Good Fashion s’est délibérément engagé sur un projet d’une telle envergure, c’est parce que les marques ont besoin de solutions concrètes et pratiques pour l'industrie, couvrant la diversité des problèmes rencontrés dans le secteur. « Quand nous avons présenté les premiers résultats avec Climate Chance, LVMH et Chanel ont immédiatement dit "on y va". Au final, en un an et demi, nous sommes en passe de réussir », commente Isabelle Lefort. Et si les marques se portent d’elles-mêmes volontaires pour tester et développer la méthodologie, c’est bien parce qu’elles y voient un avantage considérable face à la multiplication des réglementations environnementales qui leur sont imposées. Autant de bilans pouvant parfois signifier tout et n'importe quoi. Pour des groupes opérant à l'international comme LVMH, Kering, Décathlon, la nécessité et la valeur ajoutée de cette méthodologie sont d'autant plus évidentes. « Ce qui nous intéresse, c'est d'accélérer le changement. Et pour y parvenir, il faut réunir les bonnes personnes autour de la table », explique Isabelle. « Lorsque vous réunissez des acteurs tels que l’ADEME, le DEFI, CDP et le World Benchmarking, cela confère une crédibilité indéniable à la méthodologie qui elle-même fait déjà autorité internationale pour plus de 14 secteurs industriels. »

Quels leviers pourraient toutefois inciter les marques et les entreprises à adopter cette méthodologie plutôt qu'une autre ?

Tout d'abord, comme nous l'avons mentionné, il y a la crédibilité et le réseau des acteurs impliqués dans sa création. Mais aussi, le fait que la méthodologie soit peu coûteuse pour les entreprises. Notamment car elle est mise à disposition par un organisme d'État, et financée par l'ADEME, le DEFI et Paris Good Fashion avec ses membres. Contrairement à l'affichage environnemental, qui reste national, et à la CSRD, qui est européenne, les méthodologies développées par des organismes privés nécessitent souvent des frais pour accéder à leur classement. Et si lorsqu’elles sont publiques, elles peuvent parfois être orientées politiquement. Mais ce n’est pas tout.

Pourquoi et comment cette méthodologie vient simplifier le processus des bilans d'entreprise ?

Revenons-en à la question de la possible redondance de la méthodologie ACT. Comment est-elle concrètement positionnée dans le complexe et parfois laborieux processus des bilans ? « Dans l’élaboration de la Méthodologie ACT Mode, nous avons étudié l’ensemble des travaux en cours, adaptés au secteur, de la CSRD européenne, à l'affichage environnemental, ainsi que d'autres méthodologies, avec le souci de faire converger les données pour éviter une surcharge de travail. Par exemple, si vous effectuez déjà le travail de la CSRD, il sera inclus dans la méthodologie ACT. Il y a une synchronisation des processus de collecte de données. Cette convergence répondait d'ailleurs à une demande de la part des entreprises, car la collecte de données est une étape particulièrement chronophage. Ainsi, il s'agit des mêmes données, mais avec une analyse plus approfondie, les replaçant dans un contexte plus large. Cela représente une synthèse globale et permet de se comparer non seulement au sein de son propre secteur d'activité, mais aussi avec d'autres secteurs, et ce, à l'échelle internationale », et comme le souligne Isabelle Lefort, « Alors que l'affichage environnemental est français et la CSRD européenne, la méthodologie ACT est une référence internationale », explique-t-elle.

François Villeroy de Galhau, le Gouverneur de la Banque de France l’a lui-même déclaré : « Il faut développer une méthodologie ACT pour les secteurs. (…) Cet indicateur aidera les entreprises à piloter leur stratégie de transition ; il simplifiera et unifiera leur gestion des données climatiques. » Une telle analyse permet en effet aux entreprises d'approcher des investisseurs, des actionnaires et des banques en toute confiance. Elles peuvent présenter leur évaluation et obtenir plus facilement des financements, bénéficiant ainsi d'un poids accru pour négocier une levée de fonds ou renégocier les termes d'un contrat. En bref, elles sont plus « bankable ». « Il est possible que d'autres méthodologies internationales se développent à l'avenir. Mais pour l'instant, nous croyons que celle-ci est la plus pertinente et va permettre à tous les acteurs qui le souhaitent de s'aligner », conclut Isabelle Lefort.

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