L'horlogerie suisse recourt au chômage partiel face à la chute de ses exportations en Chine
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Zurich - Après avoir recruté à tour de bras pendant deux ans, l'horlogerie suisse se voit désormais contrainte de recourir au chômage partiel face à la chute de ses exportations vers la Chine, un marché clé, où elles ne cessent de s'étioler.
Depuis janvier, les exportations de montres suisses vers la Chine ont plongé de 21,1% et de 18,6% vers Hong-Kong. Et les perspectives pour ces deux marchés restent "très défavorables", a averti jeudi la fédération horlogère suisse qui avait déjà lancé un appel en début de semaine avec l'organisation patronale du secteur pour demander des mesures de soutien aux autorités suisses.
Ce secteur qui emploie 65.000 personnes connaît "une période de turbulences marquée" qui affectent en particulier les sous-traitants et marques d'entrée et moyen de gamme, avaient insisté la Fédération horlogère et la Convention patronale de l'industrie horlogère suisse mardi dans un communiqué commun, réclamant des "mesures concrètes".
"Les entreprises du secteur déplorent un manque de visibilité à moyen terme, les incitant à la plus grande prudence pour la suite", a renchéri la fédération horlogère jeudi lors de la publication des exportations pour le mois d'août.
Le secteur a connu trois années de croissance spectaculaire grâce notamment aux achats dits "de revanche", une partie des consommateurs utilisant les économies constituées pendant les confinements provoqués par la pandémie pour acheter des produits de luxe.
Les exportations de montres ont atteint un plus haut historique en 2023, à 26,7 milliards de francs suisses (28,2 milliards d'euros à taux actuels), incitant les entreprises à recruter pour tenir les cadences de production.
En 2023, les effectifs se sont accrus de 7,3% (soit 4.414 postes) après une croissance de 5,8% (soit 3.332 postes) en 2022. Le nombre d'employés dans l'horlogerie a ainsi atteint son plus haut niveau depuis plus de cinquante ans.
Mais si la demande était aussi repartie en Chine en 2023 après l'abandon de la stratégie zéro-Covid, l'ampleur de la reprise a rapidement déçu, la demande souffrant du ralentissement de la croissance, des difficultés dans l'immobilier et du chômage des jeunes.
Sous-traitants premiers touchés
"La situation n'est pas catastrophique mais elle est actuellement plus compliquée", a déclaré à l'AFP Ludovic Voillat, le secrétaire général de la Convention patronale de l'industrie horlogère suisse.
Le secteur est marqué par de fortes disparités selon les marchés ou gammes de produits, mais les entreprises qui sont tournées vers l'Asie "sont forcément plus impactées", a-t-il expliqué.
"Depuis deux ans, les sous-traitants ont dû produire de manière intensive, adapter leur outil de production, recruter. Lorsque la demande diminue, ce sont malheureusement les premiers touchés", regrette M. Voillat.
Le secteur est connu pour ses grandes marques prestigieuses mais s'appuie aussi sur une myriade de petites et moyennes entreprises qui leur fournissent des composants comme des aiguilles ou des cadrans.
"Celles qui ressentent un ralentissement doivent donc utiliser tous les moyens à leur disposition pour garder leur personnel. Pour certaines, cela peut être du chômage partiel ou du rattrapage des heures supplémentaires", a-t-il ajouté.
"Il n'y a pas de chiffres officiels, mais on estime qu'il y a une cinquantaine d'entreprises qui sont touchées dans la branche, soit à peu près 15%", a indiqué M. Voillat à l'AFP.
Trouver du personnel qualifié dans ce secteur, comme des horlogers ou des micro-mécaniciens est difficile. Les entreprises horlogères sont donc nerveuses durant les phases de ralentissement de la demande. Elles craignent souvent de devoir se séparer de personnels qu'elles auront du mal à retrouver lorsque la demande repart.
Parmi les mesures concrètes, la fédération horlogère et la convention patronale ont appelé la banque centrale à agir pour limiter la force du franc suisse qui mine la compétitivité du secteur.(AFP)