Le groupe Tapestry renonce à racheter Capri, après un blocage par la justice

New York - Le groupe américain de prêt-à-porter multimarques Tapestry a indiqué jeudi renoncer à racheter son concurrent Capri, une décision qui intervient après le blocage de cette union par une juge fédérale américain fin octobre.

Ce projet à 8,5 milliards de dollars visait à créer un géant de la mode, ajoutant notamment les marques Michael Kors et Versace au portefeuille de Tapestry, mais l'Autorité américaine de la concurrence, la FTC, a saisi la justice américaine pour l'empêcher, avec succès.

Dans son jugement, la magistrate fédérale de Manhattan Jennifer Rochon avait estimé qu'un mariage "mettrait fin au face-à-face entre deux concurrents directs", selon la décision publiée jeudi. "Il existe des preuves selon lesquelles cette fusion amoindrirait la concurrence", avait-elle écrit.

Tapestry avait indiqué son intention de faire appel de la décision, mais a fait valoir jeudi, dans un communiqué, que "l'issue de la procédure (était) incertaine et sa résolution improbable d'ici la date butoir du 10 février 2025", fixée par les deux parties.

Annoncée initialement en août 2023, cette opération devait permettre à Tapestry de constituer un portefeuille de marques de premier plan. Déjà détentrice des maisons de mode Coach et Kate Spade, ainsi que du chausseur Stuart Weitzman, la holding new-yorkaise mettait 8,5 milliards de dollars sur la table pour y ajouter Michael Kors, Versace et un autre chausseur, Jimmy Choo.

Dans ses arguments, la FTC avait particulièrement mis en avant le risque de voir Tapestry acquérir une position "dominante" sur le marché des sacs à main "dans le luxe d'entrée de gamme". Coach et Kate Spade sont, à l'origine, des créateurs de sacs à main, tandis que Michael Kors est devenu un acteur important sur ce marché.

Capri fragilisé

L'opposition de la FTC avait pris de cours le milieu de la mode, dans lequel les actions des pouvoirs publics pour empêcher des rapprochements sont très rares. Le marché du prêt-à-porter et de la maroquinerie est ainsi considéré comme très éclaté, sans risque de voir une marque ou un groupe y menacer la concurrence.

"Pour Tapestry, cette annulation est une chance", a commenté Neil Saunders, analyste de GlobalData, qui a rappelé qu'à l'époque de l'annonce initiale de l'acquisition, "certains s'inquiétaient de le voir payer trop cher". Les investisseurs ont plébiscité Tapestry après l'annonce, le titre gagnant 9,10% à l'ouverture la Bourse de New York.

Ils ont, en revanche, sanctionné Capri, qui abandonnait 2,93%. Tapestry reste sur une année difficile (son exercice est clôturé début juillet), comme beaucoup de grands acteurs du prêt-à-porter haut de gamme et du luxe, mais reste une entreprise rentable, en particulier grâce à sa locomotive Coach.

Pour brosser les investisseurs dans le sens du poil, Tapestry a confirmé jeudi ses prévisions annuelles et lancé un nouveau programme de rachat d'actions, à hauteur de deux milliards de dollars. En revanche, Capri est dans une position plus délicate et peine notamment à redresser sa marque Michael Kors, qui a vu son image se détériorer du fait d'une stratégie marketing incertaine et de rabais à la pelle.

"La société est mal gérée et a négligé ses marques dans l'attente de ce rapprochement", considère Neil Saunders. "Les derniers chiffres de ventes sont affreux et il va falloir d'énormes mesures correctives pour se remettre sur les rails", a prévenu l'analyste. Depuis la décision de juste bloquant la reprise par Tapestry, l'action Capri a été amputée de plus de moitié.

Le renoncement de Tapestry est une victoire pour la FTC, alors que l'incertitude plane sur l'avenir de la présidente de cette autorité, Lina Khan. Beaucoup s'attendent à la voir écartée par Donald Trump une fois le promoteur immobilier revenu à la Maison Blanche.

De nombreux républicains lui reprochent de pénaliser l'économie américaine en cherchant à empêcher plusieurs fusions et acquisitions. Lina Khan "va être renvoyée bientôt", a affirmé, sur X (ex-Twitter), l'entrepreneur Elon Musk, à qui le président élu Donald Trump va confier un rôle de conseiller. (AFP)