La success story de Naumy : dans les coulisses d'une puissance montante de la mode rapide
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Le nom de Naumy est sur toutes les lèvres. Ce discounter français de la mode, proposant une large gamme pour femmes, hommes et enfants, a fait une entrée remarquée sur le marché en osant rivaliser avec Shein et Primark. Avec l'ambition d'ouvrir 100 magasins en France et l'inauguration récente de trois points de vente en Belgique, Naumy compte étendre son emprise à travers l'Europe et potentiellement au-delà.
Qui cible Naumy ?
Bien que la présence en ligne de Naumy semble axée sur la mode féminine et les accessoires, ses magasins physiques proposent une large gamme de produits pour femmes, hommes et enfants, accompagnée d'une section dédiée au maquillage, enrichissant ainsi leur gamme de produits. Malgré cela, Naumy se distingue dans le paysage de la mode rapide par son style et son approche commerciale. Un coup d'œil sur leur site Web révèle un public cible distinct, différent de celui de Shein, qui cible principalement les générations Next Gen et Gen Z. Chez Naumy, les mannequins, les poses et les designs vestimentaires adoptent un focus moins évident sur la haute couture, privilégiant plutôt des styles discrets et essentiels qui s'alignent avec les tendances changeantes du marché de la fast fashion.
Selon Lin Can, directeur général de Naumy, dans une interview exclusive avec Actu.fr, Naumy propose une gamme diversifiée de produits dans ses magasins, la caractérisant comme "un mélange de tout ce que l'on trouve généralement dans un centre commercial". Il souligne : "Nous nous efforçons d'offrir quelque chose pour tout le monde à des prix abordables", mettant en avant l'engagement de Naumy à cibler différents styles, groupes socio-économiques et tranches d'âge. Une consultation du site Web de Naumy confirme cette diversité, avec des offres allant de 10 euros pour des jeans skinny à 24,90 euros pour des jeans cargo. Les robes sont proposées à 15 euros, tandis que les hauts à manches longues se situent autour de 11,90 euros. De plus, la sélection s'étend à des articles plus haut de gamme, vendus entre 100 euros et 150 euros, offrant ainsi des options pour différents budgets et préférences.
Comment l'acteur français de la fast fashion maintient-il des prix de vente bas ?
La chaîne de mode rapide, également présente en ligne comme Primark et Shein, des acteurs majeurs du commerce électronique, propose chaque semaine de nouveaux articles à ses clients, tout comme les géants de la mode rapide. Elle vise à suivre rapidement les tendances de la mode et à les rendre accessibles à des prix abordables. Cette agilité est rendue possible par le fait que 60 % de ses vêtements sont fabriqués en Europe, principalement en Italie, ce qui distingue Naumy de ses concurrents. Et cette proximité entre la production et les lieux de vente au détail, c’est ce qui permet au groupe de maintenir un stock minimal en magasin et favorise les ventes en rayon.
Lin Can souligne l'importance d'offrir aux clients un large choix, en mettant en avant le fait que les magasins Naumy ont une identité familiale et réussissent principalement dans les zones suburbaines et les centres commerciaux. Malgré de nombreuses fermetures de magasins, cette offre répond à une demande réelle, Naumy se démarquant en proposant une alternative.
Le directeur général insiste sur le fait que l'objectif de l'entreprise n'est pas de rivaliser directement avec Primark. Il déclare : "Nous avons créé notre propre identité et fidélisé la clientèle. Contrairement à Primark, nous fabriquons une grande partie de nos produits en Europe, ce qui entraîne des prix légèrement plus élevés, mais nous sommes également plus avancés en termes de mode", comme rapporté dans un article de Gondola.
Bien que Naumy ne déclare pas explicitement son ambition de rivaliser avec la marque à bas prix, elle semble adopter une stratégie similaire à celle de Primark, avec des ouvertures massives de magasins et des offres adaptées à chaque emplacement pour répondre à la clientèle locale. Selon Hélène Janicaud, experte en mode chez Kantar, "À la fin de septembre 2023, alors que Primark n'avait que 24 magasins, la marque se classait septième en volume avec une part de marché de 3,1 %. Avec l'ouverture de ces magasins supplémentaires, Primark a désormais toutes les chances d'entrer dans le top 5 en volume sur le marché textile." Avec le coût de chaque opération d'ouverture de magasin représentant un investissement de 16 à 17 millions d'euros pour Primark, selon LSA, le magazine français spécialisé dans l'analyse des tendances de l'industrie alimentaire, du commerce de détail et de la consommation.
Quelles sont les performances financières de Naumy ?
En parlant des coûts liés aux ouvertures de magasins, Naumy développe considérablement sa présence à travers la France et désormais, la Belgique. L'enseigne a commencé son expansion en Île-de-France en 2014, en inaugurant son premier magasin à Fleury-Mérogis, dans l'Essonne. Près d'une décennie plus tard, Naumy compte près de 40 magasins en France et un vaste inventaire de plus de 100 000 articles sur son site web. En particulier, Naumy a récemment inauguré un grand magasin de 1 500 mètres carrés à Paris, près de la Bastille. Lin Can a déclaré : "L'objectif est d'établir une présence forte au cœur de la capitale et d'attirer la clientèle parisienne." Ce mouvement stratégique pourrait indiquer la transition de la marque de la province vers les grands centres urbains et les capitales européennes. Un virage qui pourrait être confirmé par l'expansion de Naumy à Bruxelles, la capitale de l'Europe, début 2024, en occupant une place de 1 700 mètres carré aux Galeries Saint-Lambert, aux côtés d'ouvertures à Liège et Namur. Une quinzaine d'ouvertures supplémentaires sont prévues pour 2024 rien qu'en France. Mais Naumy ne compte pas s'arrêter en si bon chemin, se fixant comme objectif significatif d'atteindre 100 magasins à l'échelle nationale. "Cela va se faire rapidement, d'ici deux ou trois ans, mais nous viserons plus si c'est faisable", a partagé Lin Can avec Actu.fr. Et Naumy ne compte pas s'arrêter là. Le groupe s’est fixé pour objectif d’atteindre les 100 magasins au niveau national.
Qu'est-ce qui se cache derrière ce succès remarquable ? Selon 5 Stars Trading, une société de chaîne d'approvisionnement basée à Manchester, dont le directeur a récemment visité son ami, le détaillant de mode "Naumy Group" à Paris, a été une fois de plus impressionné par la résilience et l’éthique du groupe. Malgré les défis auxquels est confronté le marché mondial de la vente au détail, le groupe Naumy a non seulement surmonté la tempête de la pandémie, mais il a également continué à prospérer, comptant aujourd'hui 42 magasins et prévoyant d'en ajouter 60 de plus d'ici à 2024. Le PDG de Naumy Group, M. Ni, attribue le succès de l'entreprise à deux facteurs essentiels : une chaîne d'approvisionnement solide et l'offre de produits rentables. Si l'on examine la ventilation de ses performances financières, le groupe semble en effet être financièrement solide, avec des ressources qui ne dépendent pas de crédits ou de levées de fonds. Selon Verif, organisme d'information sur les entreprises du monde entier, Naumy France, au capital social de 20 000 euros, a été créée en 2014 et est présidée par Chaowen NI. Opérant dans la vente au détail de vêtements dans le secteur des magasins spécialisés, elle emploie 39 personnes. Selon son dernier bilan publié le 31/12/2021, Naumy France a déclaré un chiffre d'affaires de 5 692 294 euros, conservant ainsi son statut de PME.
Rubypayeur, société de recouvrement de créances en ligne, franchit une étape supplémentaire en fournissant une analyse de la santé financière de Naumy. Selon cette évaluation, les indicateurs financiers pour l'exercice 2020-2021 apparaissent très favorables, avec un EBITDA de 396 505 euros en 2021, soit une variation positive de 32,91 % par rapport à 2020. Pour rappel, un EBITDA positif indique que le cycle opérationnel de l'entreprise est rentable, générant des bénéfices avant intérêts, impôts et amortissements. En outre, le flux de trésorerie de l'entreprise était de 315 034 euros en 2020 et de 307 666 euros en 2021. Et son autonomie financière serait passée de 35,4 % en 2020 à 40,5 % en 2021.
En termes d'efficacité opérationnelle, Naumy a eu besoin de 7,8 jours de chiffre d'affaires pour financer son cycle d'exploitation en 2020, qui est passé à 13,7 jours en 2021. Il convient de noter que la proportion des salaires par rapport au chiffre d'affaires semble être relativement faible, les salaires représentant 13,1 % du chiffre d'affaires en 2020 et 14,5 % en 2021. Bien qu'il n'y ait pas de ratio idéal universel, certains considèrent que la charge salariale globale dans le secteur du commerce de détail est d'environ 66 %, alors que Naumy la situe à 36,9 % en 2021. Cependant, bien qu'elle produise environ 60 % de ses articles en Italie, Naumy, comme bon nombre de ses homologues, semble ne pas être en mesure d'assurer des salaires décents à ses employés.
Néanmoins, il est important de noter l'absence de données pour les années 2021-2022 et 2022-2023, englobant les deux années pendant lesquelles Naumy a mis en œuvre son vaste plan d'ouverture de magasins. Par conséquent, l'impact de l'expansion importante de l'entreprise, avec de multiples ouvertures de magasins physiques en France et en Belgique, reste inconnu.
En conclusion, un avantage potentiel que Naumy pourrait avoir sur ses concurrents réside dans son leadership potentiel en matière de performance financière ESG. Avec sa main-d'œuvre employée en Italie, l'entreprise pourrait être conforme aux normes de salaire décent de l'OCDE, bien que la vérification soit recommandée compte tenu du faible poids des salaires indiqué dans son bilan par les données de Rubypayeur. De plus, la fabrication en Italie garantit la conformité aux exigences de produit de l'UE, et la proximité avec ses clients européens adhère au principe du "circuit court", abordant les préoccupations environnementales.
Cependant, un nouveau projet de loi récemment introduit en France pourrait potentiellement changer la donne. Un membre du Parlement français a proposé d'imposer une taxe de 5 euro sur les produits de mode SHEIN et autres marques de mode ultra-rapide, dans le but de lutter contre les problèmes de concurrence déloyale et d'impact environnemental. "[Ces] grandes entreprises ne créent aucun emploi sur le sol européen et français, exportent leurs produits à 100 % par avion et ne respectent pas nos critères environnementaux, sociaux et parfois même sanitaires. C'est une concurrence déloyale vis-à-vis de tous les fabricants de textiles français."(...) "Ce que nous recommandons, c'est un système de bonus-malus pour que le 'Made in France' soit moins cher et le 'made in China' soit plus cher. Vous achetez un T-shirt sur l'une des grandes plateformes en ligne qui n'a pas de magasins en France, c'est un T-shirt qui pollue énormément donc nous mettrons une pénalité sur le principe du 'pollueur payeur'", a déclaré le député Antoine Vermorel-Marques. Le projet de loi vise à imposer des normes plus strictes aux articles de mode importés, dans l'espoir de promouvoir la fabrication nationale et de réduire la pollution. Cette initiative marque une étape significative dans la résolution de problèmes similaires rencontrés par les détaillants de mode européens, reflétant les discussions en cours aux États-Unis concernant les importations bon marché de mode rapide en provenance de Chine.