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La filière française de la laine de moutons prépare sa renaissance

Par Herve Dewintre

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La laine de moutons, largement dépendante de la conjoncture économique, est une valeur décidément bien fluctuante : en 2018, en Australie, le marché constatait avec émerveillement l’envolée stupéfiante du prix de la laine mérinos. Cette fibre de qualité destinée à la confection tire son nom de ce mouton à laine fine et blanche, originaire d’Afrique puis élevé en Espagne dès le XIVème siècle. Il est aujourd’hui élevé principalement en Australie et en Nouvelle-Zélande. A l'Australian Wool Exchange, la Bourse de la laine du pays, on parlait volontiers d’un nouvel âge d’or qui succédait à une décennie de marasme. Les cours avaient triplé en dix ans. Cette renaissance du marché ancestral de la laine fine s’expliquait par une forte demande émanant de la classe moyenne chinoise mais aussi par la prédilection nouvelle des consommateurs pour les produits outdoors.

Cette forte demande chinoise, premier marché mondial pour la laine, profitait à tous les producteurs, en Australie bien-sûr, mais aussi en Iran, en Argentine ou au Royaume-Uni. C’était l’euphorie. La laine envoyée en Chine était pour moitié réservée à la consommation intérieure, l’autre moitié était transformée avant de repartir en Italie, aux États-Unis, au Japon où elle se métamorphosait ensuite, non plus seulement en costumes et en manteaux mais aussi en t-shirts, en baskets, en plaids, en tapis ou autres produits de niche à la pointe de la tendance.

Avant même le début de la pandémie, plusieurs facteurs se sont additionnés pour faire baisser de nouveau la demande. La baisse des cours du pétrole tout d’abord, qui entraine mécaniquement le cout des fibres synthétiques, grandes concurrentes de matières naturelles. La défense du bien-être animal, soutenue par des associations comme Peta ont également contribué à diminuer les ventes, du moins en Australie où certaines pratiques sont pointées du doigt. Les confinements, spécialement en Chine, ont parachevé la chute de la demande durant le premier semestre 2020. Cette chute fut de courte durée puisque la reprise de l’activité en Asie entraina dès le mois de septembre un rebond spectaculaire de tous les types de laine. Petit bémol cependant, ce rebond a été porté uniquement par la Chine où les usines avaient peu de stock tandis que la situation sanitaire s’empire en Europe.

Les marchés locaux se réorganisent

Cette situation somme toute fragile - dans un contexte où le réchauffement de la planète et les sécheresses font mécaniquement baisser depuis plusieurs décennies la production issue de l’hémisphère sud - ont paradoxalement encouragé certains marchés locaux à se réorganiser. Ces acteurs investissent dans des nouvelles technologies pour élargir les utilisations possibles de la laine, notamment pour la fabrication des vêtements de sport extrême. C’est le cas en France qui pourtant a longtemps délaissé l’élevage des moutons à laine pour favoriser celui des moutons à viande. Jusqu’aux années 2000, il semblait convenu, en raison d’un désintérêt commun et d’une désorganisation de la filière, que la production de laine était devenue une charge : le prix de la tonte ne couvrait pas la recette laine.

Le mérinos est pourtant élevé dans l’Hexagone (Provence – Alpes – Côte d’Azur, Isère, Drôme, Corse, Pynénées-Atlantiques. Et il faut bien constater que les acteurs de cette laine fine et de qualité reprennent la parole. Originaire de la Drôme, l’association La Toison d’Or cherche ainsi à sensibiliser le public en faisant connaître la chaine de transformation des fibres et en fédérant un réseau professionnel actif tout en initiant des rencontres entre le public et les artisans. Dans le Cantal, la ville de Murat organise chaque été un festival des métiers d’art réunissant une cinquantaine d’artisans d’art mais aussi un marché de la laine accueillant une quinzaine d’exposants. La laine bretonne est également mise en valeur depuis trois ans dans le cadre d’une fête de la laine, organisée par le collectif « Bêlaine et les moutons » qui réunit un cortège d’artisans – tisserands, fileurs, tanneurs, matelassiers, feutriers – travaillant sur les laines des Côtes d’Armor. Enfin, entre plaines et montagnes des Pyrénées, la coopérative « Laines Paysannes » née de la rencontre entre un éleveur et une tisserande, valorise les laines locales qui constituent de précieuses ressources agricoles et artisanales.

« La vraie laine de mouton répond aux enjeux de demain » indique Olivia Bertrand qui a cofondé la coopérative réunissant désormais une trentaine d’acteurs de la filière laine française. Cette société Ariégoise a lancé en fin d’année, en collaboration avec des marques, tricoteurs, éleveurs et ateliers, une campagne de sensibilisation et de promotion des laines de mouton locales. « Qui dit laines locales dit traçabilité sur la chaine de production et valorisations des laines de mouton respectueuses de la biodiversité et des troupeaux. » Pour conclure cette première campagne, une table ronde sera organisée le lundi 25 janvier et retransmise sur les réseaux sociaux (notamment Facebook) de Laines Paysannes à partir de 14 heures. Pas de doute, l’intérêt pour la laine fine, favorisée par l’engouement des matières bio et le besoin vital de favoriser les circuits courts, se fait sentir : la réorganisation progressive de la filière en est la meilleure preuve.

Crédit photo: Pauline Sojka

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