L'Égypte mise sur la mode et la culture pour vendre son image
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Le Caire - Des temples de Louxor aux Pyramides de Guizeh, des lieux mythiques de l'Égypte ancienne prêtent leur décor à des concerts, défilés de mode ou expositions, faisant du patrimoine une vitrine pour renouveler l'image du pays et attirer des marques de luxe.
Samedi, Dior a présenté sa collection homme au pied des Pyramides, aux portes du Caire, lors de son premier défilé en Égypte. En octobre, le temple d'Hatchepsout, à Louxor, dans le sud, avait accueilli le défilé de l'Italien Stefano Ricci.
Le PDG de Dior, Pietro Beccari, a expliqué à l'AFP que la maison de haute couture française avait choisi le décor des pyramides parce qu'elles sont beaucoup plus "qu'un simple arrière-plan", puisant dans l'astrologie de l'Égypte ancienne pour cette collection baptisée "Celestial".
"Cela va encourager d'autres marques et acteurs culturels internationaux à venir", assure à l'AFP l'historienne de l'art Bahia Shehab, en soulignant que l'Égypte compte sur "la culture pour son image". En 2021 déjà, l'Égypte des pharaons avait envahi les écrans du monde entier avec la Parade des momies, un spectaculaire défilé de 22 momies royales à travers Le Caire. L'événement était orchestré par le président Abdel Fattah al-Sissi, décidé à relancer le tourisme qui représente 10 pour cent du PIB (produit intérieur brut) et emploie deux millions de personnes, mais a été mis à mal par dix années de manifestations, de soubresauts économiques puis de Covid.
S'ouvrant à la culture moderne grâce à son patrimoine, l'Égypte a aussi attiré le groupe de hip-hop américain Black Eyed Peas, qui a chanté aux Pyramides de Guizeh, tandis que le Français JR y a exposé ses photos. Pour le photographe de mode Mohsen Othman, "de tels événements sont vitaux", car une grande maison comme Dior vient avec un "énorme budget", dont une part va à des talents locaux auxquels elle s'associe pour l'occasion.
"Vivier de jeunes créateurs"
Iman Eldeeb, dont l'agence a fait défiler samedi deux mannequins égyptiens, s'est félicitée de cette "étape attendue de longue date pour le monde de la mode en Égypte".
Déjà, le couturier français Balmain a présenté un bustier de la marque égyptienne Okhtein à la Fashion Week de Paris, et Vogue Italie des créations égyptiennes à la Fashion Week de Milan.
Mais toutes les maisons ne sont pas prêtes à s'exporter car si l'Égypte "a un énorme vivier de jeunes créateurs, sans formation professionnelle, il est difficile de transformer cette créativité en produit", affirme Ingy Ismail, dont l'agence Flare conseille les marques de luxe.
Malgré tout, "dans les vêtements et les bijoux de luxe, on est passé de moins d'une centaine de marques égyptiennes à plus de 1 000 aujourd'hui", note Mme Ismail. Le coup de pouce est arrivé en 2016, en pleine crise économique : en un jour, la livre égyptienne a perdu 50 pour cent de sa valeur et privé le pays d'importations.
Un marché local s'est alors développé, explique Mme Ismail, car "les 1 pour cent des plus riches suffisent à créer de la demande" dans un pays qui compte 86 000 millionnaires en dollars, selon Credit Suisse. Dans les banlieues chics du Caire où ils vivent, de nouveaux centres commerciaux ont été construits "aux standards des marques de luxe internationales", poursuit-elle.
"Art et patrimoine"
Les acteurs du secteur dénoncent cependant la bureaucratie des douanes et des services des visas, autant d'obstacles pour les entreprises souhaitant s'implanter en Égypte. "Le cadre législatif est compliqué", reconnaît Nadine Abdel Ghaffar, dont l'agence Art d'Égypte organise chaque année une exposition d'art contemporain aux Pyramides.
Mais déjà, dit-elle à l'AFP, "un grand pas a été franchi quand le gouvernement a autorisé Art d'Égypte et Dior à organiser des événements au pied des Pyramides". Pour elle, Le Caire a tout intérêt à cette "fusion entre l'art et le patrimoine, le contemporain et l'ancien", car cela "fait la promotion culturelle du pays".
Mme Abdel Ghaffar plaide pour que les autorités créent une unité dédiée à l'organisation de défilés, d'expositions, de concerts ou de tournages. "On ne compte plus le nombre de productions internationales qui se sont rabattues sur le Maroc, la Jordanie ou même l'Arabie Saoudite" faute de permis de tourner en Égypte, explique Mme Shehab. Le dernier blockbuster hollywoodien sur l'Égypte des pharaons, la série Marvel Moon Knight, a ainsi dû reconstituer Le Caire à... Budapest. (AFP)