Fatalisme et inquiétude chez Clergerie après son rachat
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Romans-sur-Isère, 29 juin 2023 (AFP) - "On est tristes, on subit, mais on n'a pas le choix" : à Romans-sur-Isère, les salariés de Clergerie ont échappé à la liquidation mais accusent le coup après l'annonce jeudi de la reprise du chausseur par le groupe américain Titan.
Selon la décision du tribunal de commerce de Paris, Titan Footwear - seul candidat sur les rangs - devrait reprendre 59 des 134 employés de Clergerie, en opérant des réductions importantes notamment parmi les salariés chargés des opérations de piquage, prototypage, montage ou encore finition.
La société californienne devrait également délocaliser une partie de la production qui demeurait jusqu'ici intégralement à Romans-sur-Isère (Drôme), dans l'usine historique.
"L'affaire a été bradée, Titan a fait une excellente affaire, pour 700.000 euros ils ont la marque qui a conservé sa valeur, les magasins, le matériel. Je suis très peiné, et bouleversé pour les salariés, j'ai le cœur gros", a réagi, ému, Robert Clergerie, fondateur de la marque qui reste un des noms emblématiques de la chaussure française, qu'il avait créée en 1981 puis finalement cédée en 2011.
"Pour moi ce qui est scandaleux c'est qu'on parle beaucoup de réindustrialisation en France, mais personne ne s'est bougé pour reprendre Clergerie, y compris les grands groupes de luxe qui vont bien", a-t-il déploré auprès de l'AFP.
À Romans-sur-Isère, les salariés interrogés par l'AFP ont tous fait part de leur tristesse, mais aussi de leur fatalisme. "On ne peut pas dire non à la reprise, car le repreneur sauve un certain nombre de personnes", résume Valérie Treffe-Chavant, syndicaliste de la CFE-CGC, qui travaille au siège de la marque.
"C'est sûr qu'on espérait plus en termes d'emplois, 30 employés conservés sur 80 dans les bureaux et ateliers c'est peu. Mais c'est comme ça, il n'y avait de toutes façons qu'un seul repreneur. Titan Foootwear a dit qu'il garderait une unité de production à Romans, dans les locaux actuels. Il faut s'en satisfaire", ajoute-t-elle.
Sandrine Matorana, pour FO, estime qu'"on ne sait pas vraiment où on va. On ne sait même pas quand va reprendre la production, il y a de l'inquiétude". "On aurait bien sûr voulu que quelqu'un, si possible un Français, reprenne toute la boîte. On est tristes, on subit, mais on n'a pas le choix. Tout le monde est dans l'attente, beaucoup d'employés n'attendent que leur lettre de licenciement pour trouver du travail pour la rentrée", selon elle.
"Et maintenant des Américains
Dans le magasin Clergerie du centre commercial Marques Avenue - un des deux seuls magasins de la marque à perdurer à Romans-sur-Isère - les employés semblent un peu abattus, alors que les soldes battent leur plein.
"Bien sûr, on aurait aimé que la marque reste complètement française, mais bon, on a été rachetés par des Chinois, par des Suisses, et maintenant c'est des Américains...", met en avant Pascale Vicat, vendeuse de 55 ans. Pour elle, "ça a été très tendu depuis six mois, on a travaillé sans trop savoir où on allait. Là on est soulagés d'avoir un repreneur, même s'ils ne reprennent que la moitié des effectifs. La marque reste pour l'instant, c'est le plus important".
Cette vendeuse dit avoir "beaucoup de peine pour ceux qui partent, ceux qui ont travaillé pour la maison Clergerie pendant très longtemps. On espère continuer dans la même éthique avec une fabrication en France. Le repreneur a dit qu'il garderait encore une production à Romans sur deux ans, on espère que cela durera un peu plus longtemps".
Dans l'autre magasin du centre-ville, la tension demeure palpable car on semble s'acheminer vers une fermeture dans les prochains jours : "je n'ai pas encore reçu confirmation officielle de la fermeture de notre magasin, mais je suis très très très déçue, et très triste", confie sous couvert d'anonymat une responsable.
Dans la boutique Clergerie de Lyon, un employé joint par l'AFP qui ne souhaite pas donner son nom, craint également "qu'à terme" le site de Romans-sur-Isère "disparaisse malgré l'entreprise de séduction du repreneur qui affirme vouloir maintenir le Made in France". (AFP)