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Fashion Reboot 2023 : Olivia Grégoire annonce l’ébauche d’une politique publique de la mode

Par Florence Julienne

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Business|Exclusif
Fashion Reboot 2023. Olivia Grégoire et Pierre-François Le Louët. Crédits: F. Julienne

« Si l’on veut donner des signaux de marché, il va falloir travailler sur les taxes pour accompagner les consommateurs vers la mode responsable », telle est l’une des conclusions tirées par la ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme, Olivia Grégoire, invitée de la dernière heure par Pierre-François Le Louët, au Fashion Reboot 2023 de l’Institut Français de la Mode (IFM).

Jeudi 30 novembre 2023, au 3 rue Mazarine (Paris 6e), le lâcher prise d’Olivia Grégoire a mis le feu, dans le bon sens du terme, et donné du cœur à l’ouvrage aux professionnels de la mode, participants au Fashion Reboot 2023, évènement annuel organisé par l’IFM, pour « repenser la mode ».

L’intervention d’Olivia Grégoire, non annoncée dans le programme officiel, est orchestrée d’une main de maitre par Pierre-François Le Louët. Parmi les arguments propres à encourager la profession, il y a d’abord le fait que la ministre déléguée se dit « viscéralement, charnellement et sincèrement attachée à la mode », grâce à son éducation. Elle se souvient du temps où, petite, elle montait sur la table pour que sa grand-mère, bobine d’épingles au poignet, lui confectionne des tenues. « L’élégance est une forme de politesse » dit-elle.

Si, comme beaucoup d’acteurs du secteur, Olivia Grégoire déplore les fermetures d’entreprises (elle évoque le nombre de 52 000 défaillances annuelles), elle relève le fait que certaines histoires de marques étaient écrites : « Ces entreprises n’ont peut-être pas fait les bons choix en se positionnant sur des fondamentaux d’hier qui ne fonctionnent plus ».

« L’habillement souffre, il convient de lancer plusieurs chantiers », Olivia Grégoire, Fashion Reboot 2023

Parallèlement, elle relève le fait qu’en 2021 « un peu plus d’un million d’entreprises ont été créées », mentionnant les success stories de Sézane, Sessùn, Jacquemus ou Ami. « Samedi dernier, Au Bon Marché, il fallait se faufiler pour atteindre le stand Sézane », raconte-t-elle.

Reste qu’il convient d’identifier les ressorts des nouvelles marques qui fonctionnent, de réfléchir à la manière de soutenir et développer les griffes émergentes et à accompagner la promotion et la commercialisation des créateurs. Pour cela, elle ouvre plusieurs dossiers qui résonnent dans la salle comble de l’amphithéâtre comme autant de promesses d’éclaircies.

D’un point de vue bancaire, elle s’appuie sur un modèle italien, au nom imprononçable, qui consiste à ce que les crédits accordés aux grosses structures puissent profiter à l’ensemble de la chaîne de valeurs, comprenez aux plus petites sociétés qui travaillent dans leurs sillages.

Sur le plan juridique, Olivia Grégoire lance l’idée que les jeunes entreprises devraient peut-être se constituer en Scic (Société coopérative d'intérêt collectif) ou en Scop (Société coopérative de production). Elle pointe également du doigt le volet compétences et formations. Mais là où elle jette un pavé dans la mare, c’est à propos de la nécessaire transition environnementale de la mode.

Des règles différentes pour les marques de mode engagées dans une dimension écoresponsable

Interpellée à propos de la publicité de l’Ademe sur les dévendeurs, elle reconnaît « une maladresse » et s’engage à faire en sorte « que cela ne se reproduise plus ». Elle se dit assez préoccupée par l’affichage environnemental : « aujourd’hui un pullover Saint James est bien moins noté qu’un pull de fast fashion. Si c’est pour être durable mais délétère, ce n’est pas bien ».

Son allocution à propos de la mode responsable est marquée par la phrase citée en introduction de cet article et ainsi reformulée : « Nous allons arriver à un stade auquel il va être délicat d’expliquer que les taxes et impôts sur la mode irresponsable sont les mêmes que ceux pour la mode consciente. Aujourd’hui, que l’on achète chez Emmaüs ou Vinted, ce sont les mêmes. »

Ultra fast fashion et ventes internet : des pistes pour infléchir les excès

Enfin, la ministre déléguée s’est exprimée sur l’ultra fast fashion qui a monopolisé le débat de la matinée du Fashion Reboot 2023. Elle a d’abord pointé du doigt l’irrationalité des acheteurs, capables de faire la queue pour acheter dans le pop-up store de Shein, rue des Archives, et d’aller, l’après-midi même, défiler contre le réchauffement climatique. Elle a ensuite précisé que l’Union Européenne a demandé des comptes à Shein et Temu sur leur chaîne de production de valeurs.

Enfin, et c’est Pierre Talamon, président de la Fédération nationale de l'habillement (FNH) qui doit être content, Olivia Grégoire a ouvert la porte au pricing du renvoi des vêtements achetés sur internet : « nous sommes en train de regarder à appliquer un tarif dans le cadre des renvois. Cela calmerait les velléités d’achat ».

La ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme a assuré qu’une politique publique en faveur de la mode est prévue en 2024 et a invité tous ses acteurs à se rapprocher de son ministère, de celui de l’Écologie, de l’Économie et de la Culture pour faire avancer les choses.

S’adressant à l’assemblée (du Fashion Reboot et non nationale dont elle sortait visiblement consternée), Olivia Grégoire conclut la réunion, en citant le philosophe Emil Cioran : « Vous êtes la France, vous êtes la plus grande puissance culturelle de la France. Je sais que c’est dur pour certains, mais n’oubliez jamais : "Ceux qui retombent toujours sur leurs pieds sont des déserteurs de l’absolu". Vous n’êtes pas des déserteurs de l’absolu. »

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