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Face aux faillites à venir, faut-il reformer le système des mandataires judiciaires?

Par Herve Dewintre

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La vague de faillites n’a pas eu lieu 2020 mais elle déferlera l’année prochaine. C’est en tout cas ce que pense le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce qui dans son baromètre publié ce 9 décembre considère que les chefs d’entreprise sont en attente : « une fois que le passif sera exigible, alors la bulle dans laquelle se trouvent les entreprises éclatera ». Pessimisme ou lucidité ? Seul l’avenir le dira mais tous les professionnels s’accordent pour dire que les défaillances seront nombreuses une fois que le filet des aides publiques s’amoindrira (aides publiques financées par l’endettement) et une fois que les prêts garantis par l’Etat devront être remboursés – seront nombreuses. Pour rappel le PIB a chuté de 9 pour cent cette année, alors que dans le même temps, les défaillances d’entreprises ont été beaucoup moins nombreuses qu’en 2019.

Quand déferlera cette vague ? Probablement au deuxième trimestre 2021, indiquent les économistes d’Euler Hermes dans un récent rapport cité par les Echos. C’est-à-dire au moment où les entreprises françaises devront payer les impôts de production et les acomptes trimestriels d’autres taxes. Si la politique budgétaire aura son rôle à jouer pour limiter la casse à venir, certaines voix s’élèvent pour réclamer une réforme du système des mandataires judiciaires. C’est le cas de Ludovic Gaudic, dirigeant de La Compagnie des Ateliers Peyrache, groupe textile français rassemblant les savoir-faire de La Borderie du Lys (Ivry sur Seine), du tricotage avec Les Ateliers Peyrache (Saint Didier en Velay) et de la confection haut-de-gamme avec France Manufacture (Limoges).

Dans une tribune envoyée aux rédacteurs ce lundi 21 décembre, l’entrepreneur pointe du doigt les insuffisances de fonctionnement du système des mandataires judiciaires qui, rappelons-le, sont au cœur du processus de gestion des faillites. Leur mission est de représenter les intérêts des créanciers de l'entreprise en difficulté et en cas de faillite de trouver des solutions pour redresser sa situation financière tout en honorant les dettes. Lorsque le redressement de la société s'avère impossible, le mandataire judiciaire devient alors liquidateur, en charge de liquider les biens de l'entreprise ou de trouver un repreneur.

Le cas France Confection et le cas Gerbe

Ce système, pour Ludovic Gaudic, présente un problème : « Les mandataires judiciaires n’ont ni les outils, ni le temps pour mener une analyse économique fouillée des dossiers de faillites qu’ils traitent. Ils n’ont qu’une vision partielle des tenants et des aboutissants de chaque dossier, et font part de leurs décisions avec lenteur car ils sont submergés. Au final, les solutions qu’ils proposent sont donc bien souvent à court terme et parfois au détriment de l’emploi et des savoir-faire à long terme. » Pour appuyer sa démonstration, l’entrepreneur prend l’exemple de France Confection (atelier dont les actifs ont été repris par LCAP) et de Gerbe. « France Confection a été placée en redressement judiciaire en mars 2020 : la procédure a pris énormément de temps, en raison de l’engorgement des dossiers chez le mandataire judiciaire. Pendant cette longue attente, les machines sont restées à l’arrêt, les employés au chômage et la production au point mort. Cette lenteur de traitement est en décalage complet avec le rythme économique. »

Le cas de Gerbe est lieu aussi édifiant aux yeux de l’entrepreneur : « Le mandataire social a fait le choix de mettre en liquidation sans passer par la case redressement. Puis de procéder à la vente par compartiment, en mettant en vente d’une part le stock, et d’autre part la marque (mais qui est encore détenue pour partie par les anciens actionnaires). Le stock a été vendu à un soldeur sans prendre en considération que ce choix allait abimer la marque : une marque de luxe comme Gerbe voit forcément sa valeur altérée lorsque ses produits sont bradés. D’autre part, il n’y a aucun projet industriel de long terme avec la seule reprise de la marque. Et par-dessus le marché, ce choix du mandataire judiciaire de vendre par compartiment, disqualifie d’office des projets d’ensemble, avec une réelle pérennité, comme celui que j’avais proposé. Résultat : Gerbe en France est mort, son savoir-faire va disparaître et des dizaines de personnes qualifiées vont se retrouver au chômage. »

Quelles solutions alors ? « Ces dossiers, France Confection, Gerbe et bien d’autres, sont trop importants, trop complexes pour être confié au seul pouvoir judiciaire : les instances économiques doivent y être associées d’une façon ou d’une autre ! Pourquoi ne pas faire mener des audits par des cabinets certifiés ? Pourquoi ne pas inclure les instances représentatives des entreprises comme le MEDEF ? Pourquoi ne pas faire de ce processus une démarche collégiale qui repose sur deux jambes, la juridique et l’économique ? Les décisions des Prud’hommes sont prises de façon collégiale, alors pourquoi pas les décisions en cas de faillite vu l’impact économique qu’elles ont ? » conclut Ludovic Gaudic qui en appelle à Bruno Le Maire pour entamer une réflexion.

Credit photo : Gerbe

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