Entre Carrefour et Auchan, l'histoire d'un rapprochement avorté
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Paris - Il n’y aura pas de mariage entre Auchan et Carrefour : après des mois de discrètes négociations, les deux géants de la distribution n’ont pas réussi à s’entendre, suscitant l’incompréhension dans l’entourage d’Auchan qui espérait la naissance d’un champion mieux à même d’affronter la concurrence.
“Jusqu’à jeudi soir tout était sous contrôle dans le sens où tout le monde travaillait […] et on en était à choisir la date de l’annonce”, s’étonne lundi l’entourage d’Auchan : “Donc ils ont été touchés par la Vierge en une nuit, en se disant ‘mon Dieu ça fait cinq mois qu’on se fourvoie ?’”. Carrefour a en effet mis fin jeudi aux discussions, “trop compliquées” selon une source proche du dossier. “C’est évidemment parce que c’était compliqué que ça a duré cinq mois”, a-t-elle insisté en réponse aux critiques du camp d’en face. Alors que le format des hypermarchés souffre ces dernières années, Auchan et Carrefour cherchaient à créer un géant de la distribution avec leurs 2.000 et 12 000 points de vente respectifs dans le monde, tous types de magasins confondus.
Avec pour ambition de créer l’équivalent européen de Walmart aux États-Unis, ou d’Alibaba en Chine, forts sur l’alimentaire comme le non-alimentaire, dans les centres commerciaux comme sur internet. “Adosser Carrefour à l’Association familiale Mulliez avec tout ce que ça veut dire en matière de synergie, de création de valeur industrielle, alimentaire et non alimentaire, c’est quand même une opportunité pas inintéressante”, insiste-t-on dans l’entourage d’Auchan.L’association familiale Mulliez détient en effet et entre autres Decathlon, Boulanger et Leroy Merlin.
Plusieurs scénarios avaient été avancés, et en particulier une prise de contrôle de Carrefour par Auchan. D’après Les Echos, un projet d’offre publique d’échange avait été proposé au prix de 21,50 euros par action, dont plus de 70 pour cent en numéraire et un peu moins de 30 pour cent en actions Auchan.
Un géant pour faire face à la concurrence
Mais les deux groupes ne sont pas parvenus pas à se mettre d’accord sur le prix. Auchan n’étant pas coté en Bourse, à la différence de Carrefour, “n’importe qui pourrait contester la valeur de l’action”, a justifié une source proche lundi auprès de l’AFP. Cette offre était supérieure à celle du groupe d’alimentation canadien Couche-Tard, qui avait proposé en janvier 20 euros par action. Ce projet avait été abandonné face à l’opposition du gouvernement français. Ces derniers jours, après l’échec des négociations, la communication officielle des deux groupes est restée silencieuse.
Début octobre, le président de l’AFM avait affirmé dans la Voix du Nord qu’il ne vendrait “jamais” son groupe de distribution, après un article du Monde évoquant les discussions avec Carrefour. “Je pense qu’ils avaient en tête de consolider le marché pour alléger la pression sur les prix” face à la concurrence des supermarchés indépendants, dit à l’AFP Clément Genelot, spécialiste du secteur de la distribution au sein du cabinet Bryan, Garnier & Co.
Après l’échec des projets de rapprochement avec Auchan et avec le canadien Couche-Tard, l’analyste ne voit pas de nouvelle opportunité à venir pour Carrefour, ni même pour Auchan, en raison de la campagne présidentielle à venir. “Le gouvernement n’autorisera aucun grand deal avant ça, afin d’éviter toute casse sociale”, soutient-il. De leur côté, les syndicats semblaient ainsi plutôt rassurés par la nouvelle de ce rapprochement avorté.
“S’il y avait eu un rapprochement avec Auchan, il y aurait eu des licenciements dans les deux groupes”, estime Philippe Allard, délégué syndicat CGT chez Carrefour. “Il y avait de la casse sociale dans l’air”, abonde son homologue de la CFDT chez Auchan Retail France, Guy Laplatine. Les syndicats restent toutefois inquiets face aux difficultés des deux entreprises et du modèle des grandes surfaces intégrées en général. (AFP)