En difficulté, Kering envisage un résultat opérationnel quasiment divisé par deux en 2024
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Paris - Le groupe de luxe Kering continue sa descente avec des ventes au troisième trimestre en recul de 15% sur un an, plombées par Gucci, et se voit désormais finir l'année 2024 sur un bénéfice d'exploitation en très forte baisse.
Le groupe dirigé par François-Henri Pinault a annoncé mercredi que son résultat opérationnel courant, un indicateur de rentabilité, pourrait être quasiment divisé par deux et n'atteindre que 2,5 milliards d'euros en 2024 contre 4,7 milliards d'euros en 2023, ce qui serait le plus bas niveau depuis 2016.
Kering invoque "des incertitudes élevées pesant sur l'évolution de la demande des consommateurs du luxe au cours des prochains mois" et un "ralentissement plus marqué qu'attendu constaté au cours du troisième trimestre".
"Notre priorité absolue est de créer les conditions d'un retour à une croissance saine et durable, tout en renforçant encore la maîtrise de nos coûts et la sélectivité de nos investissements", a acté le PDG François-Henri Pinault, cité dans le communiqué.
Les ventes de Gucci, la marque phare du groupe, chutent de 26% à 1,64 milliard d'euros. La marque italienne, qui représente près de 50% des ventes de Kering et les deux tiers de sa rentabilité opérationnelle, est "particulièrement" affectée "par les conditions de marché, notamment en Asie Pacifique", selon le communiqué, alors que la Chine, moteur principal du luxe, patine. Au premier semestre, les ventes étaient déjà en baisse de 20% sur un an, à 4 milliards d'euros.
"Cet ensemble de résultats soulève des questions sur la stratégie et l'orientation actuelles de Gucci", souligne une note de la banque Bernstein. "Il y a une vision à faire évoluer, tant sur le créatif que sur la stratégie", confirme à l'AFP un connaisseur du secteur.
En difficulté depuis fin 2022, Gucci est en pleine restructuration. Début octobre, Kering a nommé un nouveau directeur général pour cette marque, Stefano Cantino, qui succédera au 1er janvier à Jean-François Palus. Ce proche de François-Henri Pinault avait été nommé en juillet 2023 de manière transitoire à la tête de Gucci pour reprendre en main la griffe et la mettre sur la voie du redressement.
"Que de temps perdu..."
"Un risque", selon une autre note de Bernstein qui expliquait début octobre que "la nouvelle équipe de direction doit trouver ses marques". "Des postes clés restent à pourvoir. Cette équipe peut-elle être opérationnelle immédiatement et sur la même longueur d'ondes?", s'interrogeait la banque.
Elle se demandait également "qui définit la vision pour le nouveau Gucci? Est-ce le PDG du groupe Kering? Le PDG de la marque Gucci?" et s'interrogeait encore: "Cette vision est-elle en phase avec le directeur créatif nommé (Sabato de Sarno, NDLR) par l'ancien PDG de Gucci?"
Sabato de Sarno a été nommé en janvier 2023 pour succéder au flamboyant Alessandro Michele. "Que de temps perdu" entre la nomination du directeur artistique et celle du nouveau PDG, glisse le connaisseur du secteur interrogé par l'AFP: "quand on change l'équipe d'une marque, on le fait en une fois". "La question aujourd'hui est de savoir si le Gucci de Sabato De Sarno est peut-être trop +bon chic, bon genre+ pour être reconnu et désiré par les consommateurs potentiels de Gucci", soulève Bernstein.
"La question est (aussi) de savoir si les consommateurs potentiels de Gucci l'apprécient et sont prêts à dépenser de l'argent pour l'acquérir. Jusqu'à présent, la réponse a été de toute évidence +non+", estime la banque. "Après tout, pourquoi un client voudrait-il dépenser des sommes considérables pour une tenue si l'on ne peut pas deviner que c'est du Gucci", selon la note.
Pour la nouvelle directrice financière de Kering, Armelle Poulou, "le tournant esthétique a été bien pris" et "la nouvelle offre est très bien accueillie dans notre base de clients existants", a-t-elle affirmé mercredi à des journalistes.
Tout en concédant: "Le défi pour nous aujourd'hui est de continuer à intensifier le recrutement de nouveaux clients et cela est aussi lié au contexte économique et à la baisse du trafic" dans les magasins. (AFP)