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Dans les yeux d'un cordonnier, la "fierté" de réparer pour durer

Par AFP

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Le maître artisan cordonnier Thierry Hoo et son fils Clément Hoo posent devant l'atelier de cordonnerie "A la ville A la montagne" à Paris le 8 novembre 2023. Crédits: Photo : MIGUEL MEDINA / AFP

Paris - Dans son atelier, Thierry Hoo regarde avec enthousiasme les paires d'escarpins, chaussures de cuir ou de randonnée prêtes à passer entre ses mains expertes. La tendance est à réparer plutôt qu'à jeter, amenant notoriété aux cordonniers et "fierté" à ce maître artisan de 59 ans.

A quelques encablures de la place de la Bastille à Paris, la cordonnerie familiale "A la ville à la montagne" répare "de la Louboutin à la paire de chaussures de skis". Elle est aussi depuis mardi l'un des 600 professionnels agréés dans le cadre d'un nouveau bonus anti-gaspillage destiné à inciter les particuliers à faire raccommoder leurs vêtements et chaussures.

Après le bonus réparation pour l'électroménager, bientôt élargi aux écrans de smartphones, ce nouveau dispositif permet au consommateur de bénéficier d'une remise sur le prix de la réfection dès le passage en caisse: six euros pour une couture défaite sur une chemise, sept pour un accroc sur un jean, huit pour la pose d'un patin. La ristourne va jusqu'à 25 euros pour ressemeler des chaussures en cuir.

En période d'inflation, ce "coup de pouce", même de "quelques euros", n'a rien de négligeable pour le porte-monnaie des Français, estime Clément Hoo, 30 ans, qui enfant déjà "tapait sur des clous" avec son père dans la cordonnerie fondée par son grand-père en 1960.

Père et fils espèrent attirer une nouvelle clientèle pour laquelle les prestations étaient jusque-là trop élevées. Mais également mieux faire connaître le savoir-faire du cordonnier, insiste Thierry Hoo, après avoir fini de coller une seconde "peau" sur des Paraboot trouées.

Ce métier autrefois "très mal considéré" selon lui et qu'il a "passé des années à cacher" en société retrouve aujourd'hui ses lettres de noblesse, "grâce aux jeunes qui le voient d'un oeil différent et qui veulent recycler, réparer, qui pensent durabilité", se réjouit le maître artisan depuis 1982.

Le bond de la seconde main et de la consommation plus responsable a apporté un nouveau souffle à cette profession abîmée par la mode du tout-plastique et l'avènement de la basket à bas coût, pas ou difficilement réparable.

Il reste toutefois difficile de recruter, souligne Clément Hoo.

"En 30 ans, nous avons perdu 5.000 cordonniers. Actuellement, nous ne sommes plus que 3.200 en France", remarque son père, également secrétaire national de la Fédération française de la cordonnerie multiservice.

Avenir "prometteur"

Rare cordonnerie spécialisée dans la chaussure de randonnée - une discipline en plein essor depuis la crise sanitaire -, "A la ville à la montagne" a désormais un carnet de commandes bien rempli.

Ces dernières années, les réparations sont "en augmentation de 10 à 15%" par an, indique Clément Hoo. "C'est assez prometteur".

A l'étroit dans la petite boutique conçue comme un chalet savoyard, la cordonnerie a ouvert en novembre 2022 un nouvel atelier plus vaste, presque une "mini usine", à cinq minutes de là.

Les effectifs sont passés en quatre ans de cinq à huit personnes et les Hoo espèrent en embaucher prochainement deux de plus pour honorer toutes les commandes.

A l'arrière du magasin, une paire d'escarpins succède à de grosses chaussures de montagne sur le plan de travail. Pose d'un patin en gomme naturelle, changement de bonbout (pièce placée sous le talon), couture, collage, boucle à remplacer: certaines tâches peuvent sembler anodines mais sont "une horreur à réparer", déclare Clément Hoo.

Au-delà de la réduction sur le prix de la réparation, le bonus permettra de "montrer à la clientèle tout ce qu'on peut faire sur une paire de chaussures", complète son père, coiffé du même béret béarnais.

Pour les chaussures de ce client féru de randonnée qui vient de passer la porte, "on a changé les semelles entièrement", avec, "comme pour l'automobile, des pièces d'origine", dit Thierry Hoo d'un ton gouailleur.

"Elles sont comme neuves, je vais sauter avec ça !", s'exclame Bernard, 77 ans. La réparation fait partie de l'éthique et de (la) pratique personnelles" de cet agronome et économiste à la retraite.

Avant de le laisser partir, Thierry Hoo le retient, se penche et lui refait ses lacets.(AFP)

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